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Il s’agit d’une étude rétrospective, bicentrique, observationnelle, non interventionnelle dans 2 services de réanimation pédiatrique et néonatale.

Ont été inclus sur la période allant de janvier 2006 à décembre 2015, tous les enfants de 0 à 18 ans admis pour choc septique ou ayant présenté un choc septique lors de leur séjour en réanimation et ayant été traités par noradrénaline.

Les critères retenus pour le diagnostic du choc septique et la défaillance multiviscérale étaient ceux proposés par la conférence de consensus internationale sur le sepsis en pédiatrie de 2005 (1).

Les patients recevant de la noradrénaline et/ou étant sous assistance circulatoire extracorporelle au moment du diagnostic n’ont pas été inclus.

Recueil de données

Les données ont été extraites rétrospectivement à partir des dossiers médicaux des patients. Pour chaque patient inclus étaient recueillies les données démographiques : l’âge, le sexe, les comorbidités ; et cliniques : défaillances d’organes associées, le score PELOD 2 (Paediatric Logistic Organ Dysfunction 2) à l’entrée, la porte d’entrée de l’infection, la bactérie en cause, l’antibiothérapie utilisée et le délai d’introduction d’une antibiothérapie adaptée, le nombre d’expansions volémiques, les solutés utilisés et la chronologie de leur administration, les traitements associés (transfusions de produits sanguins, corticothérapie, prise en charge chirurgicale, assistance circulatoire extracorporelle), le ou les traitements vasopresseurs utilisés en plus de la noradrénaline. Pour les patients décédés, le délai de survenue du décès ainsi que la cause ont été notés.

Concernant la noradrénaline, ont été recueillies les données suivantes : la dose initiale, la dose maximale, l’utilisation ou non en première intention, le délai d’introduction par rapport au début de la prise en charge, la durée totale d’administration et la durée de la dose maximale.

Ont également été relevés au moment de l’instauration du traitement par noradrénaline et lors de la dose maximale de la noradrénaline : la fréquence cardiaque, la pression artérielle

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moyenne, la lactatémie, le pH, la diurèse horaire, le rapport PaO2/FiO2, l’existence d’une insulinothérapie, la présence d’une épuration extra-rénale et les catécholamines associées. Pour l’adrénaline, la dose initiale et la dose maximale, la durée d’utilisation ont été précisées.

Lorsque les données du rapport PaO2/FiO2 étaient indisponibles, le rapport SaO2/FiO2 a été utilisé.

Dans le cadre de cette étude rétrospective non interventionnelle et selon la législation (articles L1121-1 paragraphe 1 et R. 1121-2 du Code de la Santé Publique), le consentement éclairé des représentants légaux des patients et l’approbation par un comité d’éthique n’ont pas été nécessaires.

Analyses statistiques

Les statistiques ont été réalisées avec le logiciel R-Project version 3.2.3 pour Linux Ubuntu (20). Les données ayant une distribution normale ont été représentées en moyenne ± écart-

type ou en médiane avec les [1er-3ème quartiles] dans le cas contraire. Les données

qualitatives ont été affichées avec leurs valeurs absolues et leurs pourcentages.

Les comparaisons de moyennes ont été réalisées avec un test de Student ou un test de Mann-Whitney en fonction de la distribution des données. Les comparaisons de proportions ont été réalisées avec un test exact de Fisher.

Les variables importantes dans l'estimation du pronostic avec une significativité p < 0,02 ont été inclues dans un modèle de régression logistique avec une sélection de variables pas à pas en cherchant à minimiser le critère d'information d'Akaike (Akaike information criterion ou AIC). Les odds ratio ont été affichés avec la significativité et l'intervalle de confiance à 95%. Pour déterminer la sensibilité et la spécificité du pronostic en fonction de la dose de noradrénaline, une courbe a été calculée avec le package "pROC" (21).

La courbe de survie a été réalisée avec le package "survival" (22,23); la différence entre les courbes a été faite avec un test de log rank. Le seuil final de significativité retenu était de 5%.

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RESULTATS

Nous avons inclus rétrospectivement 191 patients entre janvier 2006 et décembre 2015. Leurs caractéristiques principales sont reportées dans le tableau 1.

L’âge moyen était de 37,5 ± 62,3 mois, avec 62,3% d’enfant de sexe masculin. Parmi les

patients inclus, 139 soit 72,8% des patients étaient porteurs d’une comorbidité : 15 (7,8%) avait une cardiopathie, 7 (3,7%) une comorbidité respiratoire, 23 (12,0%) une

comorbidité d’origine digestive ou urinaire, 28 (14,7%) d’origine hématologique ou néoplasique, 3 (1,6%) patients avaient une comorbidité neurologique, 4 (2,1%) une maladie d’origine métabolique et il y avait 85 (44,5%) nouveau-nés prématurés avec un terme moyen de 27 ± 2 semaines d’aménorrhée.

Le score PELOD 2 moyen était de 5,9 ± 3,0. La durée moyenne de séjour était de 22 ± 36 jours.

La porte d’entrée infectieuse était dans 21,5% des cas d’origine digestive, 18,9% respiratoire. Le germe responsable a été identifié chez 124 patients (67,0%). Les bactéries les plus fréquemment retrouvées étaient le Staphylococcus epidermidis (10,9%), suivi de Escherichia coli (8,6%) et du Staphylococcus aureus meticilline-sensible (8,6%). Le Streptococcus pneumoniae représentait 3,9% des cas.

La noradrénaline a été utilisée en 1ère intention chez 144 (75,4%) patients avec une

utilisation en première intention qui augmente avec le temps et qui est supérieure à 85,0% à partir de 2012.

Les traitements associés à la noradrénaline sont représentés dans le tableau 2. Soixante patients (31,4%) ont reçu de l’adrénaline, 61 (31,9%) de la dobutamine, 2 (1,0%) de la milrinone, 16 (8,4%) de la dopamine et 15 (7,8%) de la terlipressine.

Concernant les catécholamines : 90 (41,1%) patients ont reçu de la noradrénaline seule, 42 (22,0%) ont reçu de la noradrénaline puis secondairement un traitement par adrénaline ;

13 (6,8%) patients ont reçu de l’adrénaline puis de la noradrénaline en 2ème intention,

9 (4,7%) ont reçu une association de noradrénaline et de dopamine et 32 (16,8%) de la noradrénaline avec de la dobutamine. Le recours à la dopamine diminue avec le temps, avec une absence d’utilisation depuis 2013.

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La mortalité en réanimation était de 28,8% (55 patients), avec la survenue du décès dans un

délai moyen de 89 ± 161 heures. La cause était une défaillance multiviscérale pour 51 (92,7%) patients. Le taux de mortalité chez les nouveau-nés prématurés était de 35,3%.

Il existait une limitation des thérapeutiques actives chez 17 (31,5%) des patients décédés. Parmi les décisions de limitations des thérapeutiques actives, 11 (64,7%) concernaient les nouveau-nés prématurés.

Nous avons déterminé la dose de noradrénaline à partir de laquelle il existait une différence statistiquement significative sur la mortalité (figure 1), avec une sensibilité de 78,2% et une spécificité de 63,2%.

La mortalité était significativement plus importante chez les patients traités avec une dose de noradrénaline supérieure à 0,75 µg/kg/min (figure 2).

Le taux de mortalité était de 46,2% pour les patients ayant reçu plus de 0,75 µg/kg/min de

noradrénaline contre 12,2% chez les enfants ayant reçu une dose inférieure à 0,75 µg/kg/min.

La dose maximale moyenne de noradrénaline était de 1,17(± 1,54) µg/kg/min, la médiane était de 0,70 (0,30-1,45) µg/kg/min. La durée moyenne d’administration de la noradrénaline était de 5 6± 64 heures.

La dose maximale moyenne de noradrénaline était de 1,72 ± 1,80 µg/kg/min chez les patients décédés, et de 0,94 ± 1,37 µg/kg/min chez patients non décédés (p<0,001).

Les facteurs associés à la mortalité de manière significative en analyse univariée sont présentés dans le tableau 3.

Le tableau 4 rapporte les résultats de l’analyse multivariée. Les facteurs associés de manière statistiquement significative à la mortalité étaient : la présence d’une défaillance neurologique (odds ratio (OR) : 2,74 intervalle de confiance à 95 % (IC) 1,12-6,84)), la présence d’une défaillance respiratoire (OR : 4,37 (IC 1,29-20,40)), la dose maximale de noradrénaline (OR : 1,42 (IC 1,09-1,96)), la lactatémie à l’introduction de la noradrénaline

(OR : 1,16 (IC 1,004-1,35)) et le pH à l’introduction de noradrénaline (OR : 3,67 (IC 1,44-6,63)).

Le délai médian de mise en route de l’antibiothérapie adaptée était de 0,0 (0,0-2,4) heure, il n’était pas associé de façon significative à une augmentation de la mortalité en analyse multivariée.

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Chez les patients ayant eu une dose de noradrénaline supérieure à 0,75 µg/kg/min, le score PELOD 2 moyen était plus élevé (6,4 contre 5,4 p=0,02) ; plus de patients ont présenté une

défaillance neurologique (35,5% contre 19,6%, p=0,02), et respiratoire (80,6% contre 60,2%, p<0,01). Ils présentaient une lactatémie plus importante (3,6 contre

2,3 mmol/l, p=0,01), un pH plus bas (7,1 contre 7,2, p=0,01) et une diurèse plus faible (0,0 contre 1,1 ml/kg/h, p<0,01) au moment de l’introduction de la noradrénaline.

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DISCUSSION

Cette étude rapporte les données sur l’utilisation de la noradrénaline dans le choc septique en pédiatrie et pour la première fois détermine une dose au-dessus de laquelle la mortalité

augmente de façon significative. Il s’agit, à notre connaissance, de la plus grosse cohorte sur

l’utilisation de la noradrénaline dans le choc septique pédiatrique.

La mortalité dans notre cohorte était de 28,8%, ce qui correspond à la mortalité retrouvée dans la littérature (2,3,5,7,24). Ce taux de mortalité reste inférieur aux études adultes (25–27).

L’étude de Ventura et al. (28) a comparé l’utilisation de la dopamine à celle de l’adrénaline en première intention dans le choc septique en pédiatrie. Cette étude rapporte une mortalité de 14,2%, mais la cohorte de patients inclus ne comprenait pas de nouveau-nés, ni de patients porteur d’une cardiopathie ; cela pourrait expliquer ce faible taux de mortalité comparé à notre cohorte. En effet, la mortalité de choc septique chez les nouveau-nés est élevée, autour de 40% selon les études (29,30), les décisions de limitations des thérapeutiques actives étant plus fréquente qu’en pédiatrie (31).

Dans notre étude, une perfusion de noradrénaline avec une dose supérieure à 0,75 µg/kg/min était associée à une augmentation significative de la mortalité, qui atteignait

46,2%. Quatre vingt treize (48,7%) patients ont reçu une telle dose.

La dose maximale de noradrénaline dans notre étude était de 11,0 µg/kg/min, et la dose maximale pour laquelle le patient a survécu était de 10,0 µg/kg/min.

Nous n’avons pas mis en évidence de dose réfractaire comme elle peut exister chez l’adulte.

Dans l’étude de Martin et al. (18), une perfusion de noradrénaline supérieure à 1,0 µg/kg/min était associée à une mortalité supérieure à 90%. L’étude de Auchet et al. (32)

a retrouvé un seuil de 0,75 µg/kg/min de noradrénaline dans le choc septique chez les adultes avec une mortalité qui atteignait plus de 86%.

Le concept de dose réfractaire de noradrénaline n’apparaît pas dans la littérature pédiatrique ; mais la noradrénaline est utilisée à des degrés variables dans le choc septique

en pédiatrie (6,15,16). Dans notre cohorte, la noradrénaline a été utilisée en 1ère intention

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Plusieurs études ont étudié les doses de noradrénaline utilisées. Lampin et al.(14) retrouvent une dose maximale moyenne de 2,5 µg/kg/min, avec une dose maximale à 10,5 µg/kg/min, avec une mortalité globale de 45%. L’étude de Menif et al. (6) rapporte une utilisation de la noradrénaline dans plus de 70% des cas de choc septique communautaire, avec une dose maximale de 5,0 ± 3,0 µg/kg/min, et une mortalité de 45%.

En population néonatale, dans le cas de choc réfractaire à la dopamine ou la dobutamine, Touneux et al. (17) rapportent des doses initiales de noradrénaline plus élevées que dans notre étude (0,4 ± 0,15 µg/kg/min) et une dose maximale allant de 0,2 à 7,0 µg/kg/min. La mortalité dans cette étude était de 18%. Aucun effet secondaire associé à la noradrénaline n’a été rapporté.

Nous avons identifié des facteurs de risque indépendants de mortalité tels que la présence d’une défaillance neurologique ou respiratoire durant le séjour, la dose maximale de noradrénaline ainsi que la lactatémie et le pH à l’introduction de noradrénaline.

La lactatémie a été retrouvée comme facteur de risque de mortalité dans plusieurs études. (33,34). Elle est le reflet de l’hypoxie tissulaire par défaut de transport en oxygène du fait des troubles microcirculatoires. L’étude de Scott et al. (35) a montré qu’une clairance précoce du lactate (dans les 4 heures) était associée à une diminution des défaillances d’organes.

Ces facteurs de risque sont retrouvés dans l’étude de Van De Voorde et al. (9) qui incluait les chocs septiques d’origine communautaire.

Nous avons enfin pu mettre en évidence que la dose maximale de noradrénaline était un facteur de risque indépendant de mortalité. Cela peut s’expliquer par un effet délétère de doses trop élevées de noradrénaline pouvant conduire à une vasoconstriction trop importante au niveau cutané, mésentérique, rénal ou coronaire, induisant ainsi une ischémie tissulaire. Près de 50% de notre cohorte a reçu une dose de noradrénaline supérieure à 0,75 µg/kg/min. Ce résultat pourrait expliquer en partie une mortalité élevée dans notre étude.

Le délai d’administration des antibiotiques n’était pas associé de façon significative à la mortalité, contrairement à ce qu’avait rapporté Weiss et al (36). Dans cette étude, les auteurs avaient pu montrer que, comme chez l’adulte, un délai d’introduction d’une antibiothérapie adaptée supérieur à 3 heures après le diagnostic de choc septique était un facteur indépendant de mortalité avec un OR de 4,92 (IC 95% 1,30-18,58). Cette différence

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peut s’expliquer par le fait que dans notre étude, plus de 75% de la cohorte avait reçu les antibiotiques dans les 3 heures suivant le diagnostic, dont plus de 65% dans l’heure.

En cas d’inefficacité de la noradrénaline, d’autres traitements ont été proposés. L’utilisation de la vasopressine peut être discutée, mais la littérature actuelle sur son utilisation dans le choc septique en pédiatrie est insuffisante, avec des résultats non concluants (37–39). Enfin, le recours à l’assistance circulatoire extracorporelle peut être une thérapeutique de dernier recours (40).

Il existe plusieurs limites à notre étude. Il s’agit d’une étude rétrospective, avec un risque de données manquantes plus important. Cette étude concerne uniquement les réanimations pédiatriques et néonatales de deux centres dans lesquels la noradrénaline est très utilisée. Il pourrait donc exister un effet centre.

Notre cohorte de patients n’est pas homogène, avec la présence de nouveau-nés prématurés et d’enfants. De plus l’utilisation associée de l’adrénaline à des degrés et posologies variables pourrait aussi influencer nos résultats.

Enfin, la spécificité et la sensibilité de la dose seuil de noradrénaline restent modérées et devront être confirmées par d’autres études.

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CONCLUSION

L’objectif de cette étude était de montrer s’il existait ou non une dose réfractaire de noradrénaline dans le choc septique en pédiatrie, ce qui n’a pas été retrouvé sur notre population. Mais nos résultats montrent qu’à partir d’une certaine dose de noradrénaline, la mortalité augmente de façon significative. Les patients ayant eu une dose de noradrénaline supérieure à 0,75 µg/kg/min sont les plus graves dans notre étude mais la dose maximale de noradrénaline a été retrouvée comme facteur indépendant associé à la mortalité. De fortes doses de noradrénaline pourraient donc avoir des effets délétères.

Les résultats de notre étude pourraient permettre au médecin de moduler l’information délivrée aux parents et d’envisager des thérapeutiques de recours lorsque la dose de noradrénaline nécessaire est élevée. Le seuil de 0,75 µg/kg/min. devra être confirmé mais peut servir de repère.

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TABLEAUX ET FIGURES

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