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Résumé

Ce deuxième chapitre présente la méthodologie mise en œuvre durant mes travaux de thèse. Une première partie de ce chapitre est dédiée à l’océan Austral et à la présentation de ses caractéristiques physiques et océanographiques. Les deuxième et troisième parties focalisent sur la biodiversité unique de l’océan Austral et sur la mise en place de mesures de protection et de conservation de la biodiversité et des écosystèmes marins de cette région. Enfin, la dernière partie expose les différentes méthodes et protocoles de modélisation employées au cours de la thèse.

I. L’océan Austral

1. Contexte géographique

L’océan Austral est un vaste système marin qui représente une étendue d’eau ininterrompue autour du continent Antarctique. L’absence de territorialité du continent Antarctique jusqu’à 60°S (voir partie III) et de limites géomorphologiques clairement discernables font que les frontières en particulier septentrionales de cet océan ne sont pas reconnues de façon identique par toutes les nations. La première délimitation de l’océan Austral apparaît dans la première édition de Limits of Oceans and Seas publiée par l’Organisation Hydrographique Internationale (OHI) (International Hydrographic Organization, 1953). Ses frontières sont alors déterminées par des limites terrestres : au sud, le continent Antarctique et au nord, l’Amérique du Sud, l’Afrique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande (Figure 18).

Figure 18 : Les différentes limites géographiques établies par l’Organisation Hydrographique Internationale dans l’océan Austral de 1928 à 2002. La délimitation s’est progressivement déplacée

vers le sud depuis l’édition originale de 1928.

(https://commons.wikimedia.org/wiki/File:The_shrinking_Southern_Ocean.png)

Il faudra attendre l’an 2000 pour que l’océan Austral soit reconnu comme un océan à part entière, le continent Antarctique formant toujours sa limite sud (International Hydrographic Organization, 2000). Cependant, pour des raisons politiques et économiques mais aussi du fait de l’absence de

limites géographiques clairement identifiables et de la présence de limites hydrographiques mobiles, il n’existe pas de véritable consensus quant à sa limite nord. La limite de 60°S, qui coïncide avec la limite du Traité sur l’Antarctique, a été adoptée par seulement 14 pays. La Convention sur la Conservation de la Faune et la Flore Marines Antarctiques (CCAMLR) reconnait le Front Polaire comme la limite septentrionale de l’environnement marin antarctique (Article I de la Convention) (Park et al., 1993; Sokolov & Rintoul, 2002). Cependant une grande partie de la communauté scientifique opère sur la base de frontières hydrologiques, écologiques et biogéographiques plutôt que politiques, et considère donc une zone plus vaste souvent limitée par le front subtropicale au nord (Sokolov & Rintoul, 2007; Griffiths et al., 2009; Pinkerton et al., 2010; Pierrat et al., 2013; De Broyer et al., 2014; Xavier et al., 2016).

2. Contexte océanographique

2.1.Circulation océanique et principaux fronts marins

L’océan Austral est un vaste système marin s’étendant sur plus de 34,8 millions de km2, qui représente 8% de la surface totale des océans de la planète et 11% de la surface totale des plateaux continentaux(Clarke & Johnston, 2003). Relié à trois grands bassins océaniques (Pacifique, Indien et Atlantique), il constitue une composante essentielle de la circulation thermohaline (Park et al., 1998; Sloyan & Rintoul, 2001), des cycles biogéochimiques (Lauderdale, ; Marinov et al., 2006 ; Watson et al., 2014) et a donc une influence profonde sur le climat mondial. Cet océan est animé par un fort courant marin, le Courant Circumpolaire Antarctique (CCA), qui circule d’ouest en est autour du continent Antarctique de manière ininterrompue et représente le plus important courant de la planète en terme de débit (Olbers et al., 2004). Il est associé à une série de fronts océaniques distribués latitudinalement (Sokolov & Rintoul, 2002; Roquet et al., 2009) du nord au sud : le Front Subtropical (STF), le Front Subantarctique (SAF), le Front Polaire (FP) et la Divergence Antarctique (Figure 19). Ces fronts sont caractérisés par de forts gradients environnementaux et ils délimitent des masses d’eaux aux propriétés physico-chimiques différentes. La Zone Subantarctique (SAZ) est située entre le STF et le SAF, la Zone Frontale polaire (PFZ) est située entre le SAF et le PF et la Zone Antarctique est au sud du Front Polaire. La forme de ces fronts est fortement influencée par la topographie, comme constaté au niveau du passage de Drake (Cunningham, 2003), du plateau de Crozet et de Kerguelen (Park et al., 1991, 2014) ou encore du plateau de Campbell (Morris et al., 2001). La position de ces fronts est variable dans le temps, notamment celle du Front Polaire qui effectue des mouvements saisonniers de 1 à 2° de latitude (Sokolov & Rintoul, 2002). La circulation du CCA est complexe, interagissant également avec la circulation verticale méridionale. On peut schématiquement décrire cette circulation thermohaline comme formant deux grandes boucles (Figure 20). L’eau profonde nord-Atlantique (NADW) remonte vers la surface pour former l’eau profonde circumpolaire (CDW). La partie supérieure de la CDW (UCDW) remonte par pompage d’Ekman au sud du Front Polaire ; cette masse d’eau devient alors l’eau Antarctique intermédiaire (AAIW), qui repart vers le nord (Orsi et al., 1995 ; Post et al., 2014). La partie inférieure (LCDW) remonte en surface et est transportée au sud au niveau du plateau Antarctique où elle alimente l’eau Antarctique de fond (AABW) par

refroidissement et densification de l’eau de mer. L’interaction complexe entre ces deux grandes circulations isole les eaux stratifiées subtropicales au nord des eaux froides et denses au sud.

Figure 19 : Distribution des principaux fronts marins de l’océan Austral, du nord au sud : le Front Subtropical, le Front Subantarctique, le Front Polaire et la Divergence Antarctique (David & Saucède, 2015).

New Zealand Ross Sea

South America Weddell Sea Scotia Sea Bellingshausen Sea Amundsen Sea Antarctica 90° E 90° W 180° Antarctic divergence Polar front Subantarctic front Subtropical front

Figure 20 : Schéma de la circulation verticale méridionale dans l’océan Austral (Post et al., 2014). STF : Front subtropical ; SAF : Front subantarctique ; PF : Front Polaire ; SAMW : eaux modales subantarctiques ; AAIW : eaux Antarctiques intermédiaires ; UCDW : eaux profondes circumpolaires supérieures ; LCDW : eaux profondes circumpolaires inférieures ; AABW : eaux Antarctiques de fond ; SAZ : Zone Subantarctique ; PFZ : Zone Frontale Polaire ; AZ : Zone Antarctique ; SPZ, Zone Sub-polaire. Les flèches indiquent la direction des flux moyens.(Post et al., 2014)

2.2.Régionalisation abiotique

Historiquement, l’océan global a d’abord été partitionné verticalement en distinguant les domaines benthique et pélagique, chacun subdivisé en quatre zones. Les zones épipélagique, mésopélagique, bathypélagique et abyssopélagique pour le domaine pélagique, et les zones littorale/sub-littorale, bathyale, abyssale et hadale pour le domaine benthique (Figure 21). Cependant, cette zonation purement verticale ne suffit pas à caractériser l’ensemble des régimes océaniques.

Figure 21 : Étagements benthique et pélagique selon la profondeur, (https://www.britannica.com/science/benthic-division.

Des analyses de régionalisation de l’océan Austral ont ainsi été réalisées sur la base de caractéristiques physiques et chimiques des eaux afin d’obtenir une zonation horizontale des différents environnements abiotiques. Un des partitionnements couramment accepté par la communauté scientifique, basé sur des caractéristiques abiotiques, est celui que Longhurst publie dans Ecological Geography of the Sea (2007). Sa régionalisation repose sur des caractéristiques de saisonnalité dans la profondeur des couches de mélange entre les eaux, de température de surface de l’eau de mer, de dynamique des nutriments (mélange vertical épisodique des nutriments, concentration en nutriment, profondeur de la nutricline) et de circulation des eaux océaniques (Figure 22). Longhurst (2007) subdivise ainsi l’océan mondial en quatre grands biomes (le biome polaire, le biome des vents d’ouest, le biome des vents d’est et le biome côtier) au sein desquels il a ensuite identifié 56 provinces biogéochimiques. Seul le biome des vents d’est ne recoupe pas l’océan Austral. La délimitation entre les biomes polaire et des vents d’ouest correspond à la position du Front Polaire. De même, les provinces Austral, Antarctique, Subantarctique et Subtropicale sont délimitées par les grandes zones frontales de l’océan Austral (Figure 23). La zone du plateau Magellanique est divisée en deux provinces qui appartiennent au biome côtier Atlantique tandis que le plateau de Campbell fait partie du biome côtier Pacifique.

Figure 22 : Régionalisation abiotique proposée par Longhurst (2007) qui identifie quatre biomes : le biome côtier, le biome des vents d’est, le biome des vents d’ouest et le biome polaire.

Figure 23 : Provinces biogéochimiques telles que définies par Longhurst (2007) dans l’océan Austral (De Broyer et al., 2014).

Une régionalisation pélagique a également été proposée par Raymond (2014) basée sur la profondeur, la température de surface de l’eau et le temps de couverture par la glace de mer. En s’appuyant sur des classifications hiérarchiques et non hiérarchiques, 20 régions abiotiques ont été définies (Figure 24). La régionalisation obtenue met en évidence l’importance du gradient latitudinal de température des eaux de surface. La température de l’eau de mer n’augmente pas de manière progressive du sud vers le nord mais change de manière abrupte au niveau des fronts océaniques. Le Front Polaire est typiquement caractérisé par une température de 1-2°C à 200 mètres de profondeur et le Front Subantarctique a un gradient de température de 8 à 4°C (Park et al., 1993; Sokolov & Rintoul, 2002). Ainsi, les régions de températures chaudes (supérieures à 5°C) sont représentées par les régions 16 à 20, situées au nord (Figure 25). Ces régions se distinguent ensuite par leur profondeur en régions 19 et 20 pour les zones de plateaux et de pentes profondes, et en régions 16 à 18 pour les régions abyssales et bathyales. La zone de transition du Front Polaire est représentée par les régions 13, 14 et 15 auxquelles correspond une diminution importante de température des eaux de surface et l’absence totale de glace de mer. Les îles subantarctiques sont associées aux régions 13 et 14. Enfin, les régions situées au sud du Front Polaire, régions 1 à 12, se subdivisent en régions profondes (8 à 11) et du plateau Antarctique (1 à 7). Au sein du plateau Antarctique, les régions diffèrent par leurs régimes de glace de mer.

Figure 24 : Régionalisation pélagique proposée par Raymond (2014), identifiant 20 types d’environnements différents.

Figure 25 : Caractéristiques environnementales des 20 régions mises en évidence dans la régionalisation abiotique de Raymond (2014) basée sur la profondeur, la température de surface (SST) et la présence de glace de mer.

2.3.Variabilité saisonnière

L’océan Austral est l’environnement marin à la fois le plus stable et le plus variable de la planète, en particulier sur le plateau Antarctique. Dans ces régions, les températures de l’eau de mer varient annuellement de -1,9°C (température de formation de la glace de mer) à 1,5°C en hiver, i.e. la température de gel de l’eau de mer (Clarke & Gaston, 2006). Cependant, cela contraste fortement avec la saisonnalité de la photopériode et a des conséquences sur la formation de la glace de mer et le développement du phytoplancton.

2.3.1. La glace de mer

La présence de glace de mer (banquise) est une caractéristique essentielle pour comprendre le fonctionnement des écosystèmes de l’océan Austral. La banquise est saisonnière, elle se forme durant l’hiver et n’excède généralement pas deux mètres d’épaisseur. Son étendue varie également fortement, de 2 millions de km2 en février à 14,6 millions de km2 en septembre (Parkinson & Cavalieri, 2012) (Figure 26). La formation de glace de mer (banquise) doit être distinguée de celle des plateformes glaciaires qui correspondent au prolongement des glaciers et calottes de glaces continentaux au-delà de la côte et qui persistent tout au long de l’année. Ces plateformes glaciaires jouent un rôle important dans la structuration des communautés benthiques. Des masses de glace peuvent se détacher du bord des plateformes (appelées barrière de glace) pour former des icebergs qui peuvent perturber de façon majeure la faune benthique fixée du plateau Antarctique en détruisant des communautés originales par raclage des fonds marins (Gutt, 2000, 2001), et en favorisant ensuite la colonisation par d’autres organismes (Barnes, 1999, 1999 ; Lee et al., 2001). Cependant, à faible fréquence, le vêlage d’icebergs favoriserait la diversité des habitats benthiques (Gutt, 2000).

Figure 26 : Variabilité saisonnière de la concentration en glace de mer. Concentration moyennée sur 1979-2010 en a) septembre et b) février (Post et al., 2014).

La formation de glace de mer joue un rôle crucial dans le système climatique de la planète. Son régime est complexe, il est fortement influencé par la latitude, la présence des courants océaniques et la topographie des fonds marins (Barnes, 1999). Elle joue un rôle fondamental dans les cycles biogéochimiques de l’océan Austral (Thomas & Dieckmann, 2008 ; Vancoppenolle et al., 2013) et constitue une force saisonnière dominante pour la structure et la dynamique des écosystèmes marins antarctiques en affectant tous les niveaux trophiques (Loeb et al., 1997; Barbraud & Weimerskirch, 2001; Kato et al., 2002; Arrigo, 2003; Norkko et al., 2007; Gutt et al., 2011). Elle contribue fortement à la variabilité saisonnière de la production primaire en agissant sur la dynamique des nutriments, la stratification et la disponibilité en lumière (Duprat et al., 2016 ; Lannuzel et al., 2016 ; Arrigo, 2017 ; Park et al., 2017).

2.3.2. La chlorophylle a

La croissance du phytoplancton repose sur une série de nutriments présents dans l’eau de mer pour qu’il puisse réaliser un certain nombre de fonctions cellulaires. Dans certaines régions, on observe des concentrations en chlorophylle particulièrement faibles en dépit de fortes concentrations de macronutriments (phosphate et nitrate) dans les eaux de surface (Figure 27) (Moore & Abbott, 2002 ; Blain et al., 2007). Dans ces régions, c’est la faible disponibilité en micronutriment, notamment en fer, qui limite la croissance du phytoplancton. On parle alors de régions à teneur élevée en nutriments et faible teneur en chlorophylle ou encore High-Nitrate, Low Chlorophyll en anglais (HNLC) (Martin, 1990). L’océan Austral est considéré comme une des plus grandes zones HNLC de l’océan mondial où les faibles concentrations en fer, la faible irradiance de surface et la présence de couches de mélange profondes (Moore & Abbott, 2002; Boyd et al., 2007) limitent les taux de croissance du phytoplancton.

Cependant, des blooms phytoplanctoniques sont observés dans des zones où le fer est apporté sous forme de micronutriments disponibles dans les eaux de surface au niveau des fronts marins (Moore & Abbott, 2002), en aval courant des plateaux océaniques et des îles (Blain et al., 2001), dans les zones de fonte de glace saisonnières (Smith, & Nelson, 1986 ; Lannuzel et al., 2007, 2010), dans les polynies et dans les régions influencées par des apports de poussières atmosphériques (Mahowald et al., 2005). L’augmentation de cette productivité primaire est saisonnière et est fortement influencée par la présence de lumière. Le bloom phytoplanctonique commence donc à apparaître au début de l’été Austral (Octobre) dans les régions où les micronutriments comme le fer sont disponibles (décrit ci-dessus). Cette biomasse phytoplanctonique produit par la suite une sédimentation massive et des taux d’exportation élevés qui ont un rôle important dans le couplage bentho-pélagique (Smith et al., 2006). La nature et l’ampleur des apports organiques dans les communautés benthiques sont des facteurs importants qui déterminent la structure des communautés benthiques en Antarctique.

Figure 27 : Distributions moyennes annuelles de concentration en nitrate (a) et en chlorophylle a (b) observées dans les eaux de surface de l’océan mondial. Ces cartes ont été obtenues à partir des données de l’Atlas mondial des océans (2009) pour les nitrates et les données Aqua MODIS (2009) pour la concentration en chlorophylle a (Gledhill & Buck, 2012)

2.4.Les effets du changement climatique actuel

Au cours des 30 dernières années, l’utilisation des données satellitaires a permis de démontrer une tendance à l’augmentation de l’étendue de la glace de mer autour du continent Antarctique (Zwally, 2002; Parkinson & Cavalieri, 2012). Cependant, de forts contrastes régionaux sont observés à plus petite échelle (Figure 28). On trouve des tendances fortement opposées entre les secteurs adjacents des mers d’Amundsen-Bellingshausen et de Ross. La première montre une diminution statistiquement significative de 5,7 ± 1 % de la glace de mer par décennie, tandis qu’une augmentation de 4,2 ± 0,7% par décennie s’est produite en mer de Ross (Comiso et al., 2011 ; Stammerjohn et al., 2012). L’ouest de la péninsule Antarctique est également l’un des secteurs ayant subi parmi les changements les plus rapides (Turner et al., 2014). Dans cette région, la température des eaux de surface a augmenté de 0,56°C par décennie entre 1951 et 2000 (Mayewski et al., 2009) et l’étendue de la glace de mer a fortement diminué (Gille, 2002; Meredith & King, 2005).

a)

Figure 28 : Variation de la couverture de glace de mer par décennie calculée pour la période 1979-2012. Les lignes noires délimitent les régions où les changements sont significatifs (King, 2014). L’augmentation du trou de la couche d’ozone au-dessus de la calotte Antarctique et la présence des gaz à effet de serre d’origine anthropique sont considérées comme des facteurs responsables des changements atmosphériques observés depuis une trentaine d’années, et en particulier de l’intensification des vents d’ouest et de leur déplacement vers le sud (Hall & Visbeck, 2002). Ces changements dans les régimes des vents d’ouest seraient à l’origine de la migration du CCA vers le sud (Sokolov & Rintoul, 2009 ; Gille & Martinson, 2016), occasionnant par la même occasion un déplacement des eaux chaudes vers les plus hautes latitudes.

Une diminution de la salinité des eaux de surface a également été observé (Jacobs, 2002; Jacobs & Giulivi, 2010; Hellmer et al., 2011). Ces changements de salinité ont été attribués à l’augmentation des flux d’eau douce provenant de la fonte de la glace de mer ou à une augmentation des précipitations. Ces modifications pourraient avoir des conséquences profondes sur la circulation thermohaline, et en particulier sur la formation de l’eau Antarctique de fond.

Les augmentations de concentration en CO2 sont sans précédent dans les eaux de l’océan Austral, ce gaz étant plus soluble dans les eaux polaires froides que dans les eaux tempérées. L’absorption de CO2 d’origine anthropique par l’océan provoque des changements dans l’équilibre chimique des eaux de surface, entraînant leur acidification (Midorikawa et al., 2012 ; Munro et al., 2015).

Les projections futures, qui s’appuient souvent sur des modèles couplés océan/atmosphère, tendent à confirmer les tendances observées au cours des 30 dernières années pour l’océan Austral. Il est généralement admis qu’une diminution de la glace de mer devrait se produire au cours du 21ème siècle (Turner et al., 2014; IPCC, 2015). Bracegirdle et ses collaborateurs (2008) ont montré qu’il devrait y avoir une diminution globale de 33% de l’étendue totale de glace de mer en hiver d’ici 2100. Les secteurs les plus touchés seraient la mer d’Amundsen/Bellingshausen et la péninsule Antarctique, déjà impactées (Figure 29). Des changements sont également attendus sur la partie nord-est de la mer de Weddell. Le déplacement vers le sud des fronts du CCA, l’augmentation des températures et une intensification de la stratification des eaux de surface devraient également se poursuivre, voire s’accentuer (Sen Gupta et al., 2009 ; Meijers et al., 2012 ; Bracegirdle et al., 2013 ; Sallée et al., 2013).

Figure 29 : Évolution de l’étendue de glace de mer projetée pour le 21ème siècle. a) Décembre/Janvier/Février, b) Mars/Avril/Mai, c) Juin/Juillet/Août, d) Septembre/Octobre/Novembre (Bracegirdle et al., 2008).

Durant les 20 dernières années, de nombreuses études ont montré que toutes ces modifications environnementales devraient affecter les communautés benthiques de l’océan Austral (Peck, 2005; Barnes & Peck, 2008b; Ingels et al., 2012; Constable et al., 2014; Griffiths et al., 2017). Cependant, la sensibilité des organismes à ces changements est relativement complexe à quantifier et dépend à la fois du niveau d’organisation étudié (gène, individus, population, communauté ou écosystème), de l’échelle spatiale et de l’échelle de temps considérées (Rogers et al., 2012). Les

a)

c)

b)

du fait de la multitude et de la complexité des stress subis (Figure 30) et des conséquences au sein des réseaux trophiques.

Figure 30 : Représentation schématique et simplifiée des relations entre changements environnementaux et biote de l’océan Austral. Les liens individuels sont décrits dans Gutt et al., 2015 (Appendice S1). Les flèches indiquent un impact dirigé. Les interactions entre le biote et l’environnement sont décrites en rouge, les interactions entre les différentes composantes environnementales en gris.

L’un des principaux impacts attendus sur les communautés benthiques est liée aux modifications de l’étendue et de la saisonnalité de la glace de mer qui pourraient altérer la durée, la magnitude et le début du bloom phytoplanctonique (Ingels et al., 2012; Lohrer et al., 2013) mais aussi la composition des communautés de ce bloom. Autant de modifications qui pourraient influer sur l’export de la matière organique vers le fond de l’océan Austral. Or, celui-ci constitue un élément essentiel de la chaîne alimentaire (Smith et al., 2006), notamment pour les communautés benthiques.

La fonte des glaces devrait avoir de multiples impacts à la fois par la révélation de nouveaux habitats recouverts jusque-là par de la glace mais aussi par une accentuation du vêlage des icebergs. Selon la fréquence et l’intensité de ces vêlages, les processus de recolonisation devraient être grandement accentués (Barnes & Peck, 2008b).

Les études menées sur les invertébrés marins benthiques, organismes sténothermes, ont montré que les fonctions métaboliques vitales étaient affectées lors de faibles augmentations de température (Peck, 1989, 2002; Peck et al., 2004, 2014). Les taux métaboliques des espèces antarctiques augmentent avec la température tout comme la capacité à fixer l’oxygène. Si la température augmente mais que l’apport en oxygène est insuffisant pour pourvoir aux besoins métaboliques de

l’organisme, celui-ci bascule alors vers un métabolisme anaérobie (Peck & Conway, 2000; Peck et

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