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1.3 Le pénis, symbole de masculinité Différencier nu, nudité, sexualité, masculinité et

1.3.3 Masculinité et virilité

Deux autres termes à définir et analyser dans le cadre de cette étude basée sur la représentation de corps nus masculins et du détail des genitalia sont la masculinité et la virilité. Selon la définition du Dictionnaire Larousse, la masculinité est l’« ensemble des traits psychologiques, des comportements considérés comme caractéristiques du sexe masculin » (Larousse 1989 : 605). La masculinité est donc ce qui différentie l’homme de la femme. La masculinité transparaît dans le physique, mais le terme qui serait alors le plus approprié serait « mâle » qui, quant à lui, décrit plus spécifiquement les attributs physiques de l’homme.

La masculinité est une construction sociale qui varie en fonction des cultures. Dans l’art occidental, dont les idéaux se veulent directement conditionnés par les modèles antiques, la masculinité se traduit très souvent par des corps athlétiques, des membres forts, une mâchoire carrée parfois couverte d’une barbe.

La virilité, quant à elle, renvoie à une masculinité incontestable. Daniel Arasse remarque dans son livre On n’y voit rien « qu’il n’y avait pas d’équivalent à viril pour les femmes [.] Féminin c’est comme masculin ; et femelle c’est comme mâle. Mais pour viril,

rien » (2000: 86). Le terme « virilité » est défini dans le Dictionnaire Larousse comme étant l’ « ensemble des caractères physiques de l’homme adulte » (1989 : 1022). Au premier abord, la définition se rapproche grandement de celle de la masculinité. Là où elle diffère, c’est dans l’ajout du mot « adulte ». La virilité serait donc une caractéristique de l’homme mature, qui peut s’acquérir, n’étant pas innée. Mais là encore, la virilité ne s’applique pas à tous les hommes, ou dans le cadre artistique qui nous intéresse, à toutes les figures masculines. On trouve deux autres définitions à la virilité dans le Dictionnaire Larousse. On peut y lire que la virilité correspond à la « capacité d’engendrer ; vigueur sexuelle ». La troisième définition ajoute « mâle énergie, courage » (1989: 1022). Avec ces deux dernières définitions, la virilité ne renvoie plus seulement qu’à un statut biologique différenciant deux sexes ou deux âges. La virilité fait plutôt partie d’une réalité stéréotypée qu’on encourage chez l’homme depuis l’Antiquité et qui encore aujourd’hui est encouragée en Occident. La virilité englobe plusieurs caractéristiques recherchées. L’homme viril est courageux, fort et sexuellement actif. Fabien Lacouture décrit ainsi la virilité :

La virilité, si on se réfère à Georges Vigarello, ne représente pas que le mâle, mais l’homme, dans sa part la plus noble et la plus complète. La virilité serait une vertu avec ses qualités, clairement établies : des qualités sexuelles, celle du mari sexuellement actif, sexuellement puissant, reproducteur, mais aussi bien équilibré, vigoureux et réservé, brave, mais avec le sens des proportions9 (Lacouture 2015 : 100).

Trois des œuvres à l’étude dans ce mémoire, Le David, Le Christ Rédempteur et Le

Jugement dernier affichent cette caractéristique virile que Michel-Ange s’est appropriée dans

son art. Dans La Théorie de la figure humaine, Rubens donne des exemples de types de corps en présentant des œuvres anciennes et modernes. L’artiste débute en présentant trois espèces d’hommes forts et robustes. Le premier cas correspond aux représentations d’Hercule, où la figure est très musclée et reprend des caractéristiques du lion et du taureau. La seconde forme est plus robuste, plus charnue, mais avec des muscles moins apparents. Enfin, il y a la troisième forme, celle de la silhouette plus allongée. À la suite de cette explication, Rubens

9 Traduction libre de l’anglais au français : « Virility, if we refer to works of Georges Vigarello, does not only

represents the male, but the man, in his most noble and complete part. Virility would be virtue…with its qualities, clearly stated: sexual qualities, those of the active husband, sexually powerful, procreator, but also well balanced, vigourous and reserved, brave but with the sense of proportions » (Lacouture 2015: 100).

ajoute toutefois un dernier type intermédiaire. Cette forme de beauté particulière évoquant la perfection ne peut être incarnée par une figure humaine. « Les peintres et les sculpteurs ont, pour ainsi dire, créé ce genre de beauté sur les principes mêmes de leur art : c’est le caractère que les anciens donnaient à leur Jupiter et que nos artistes modernes ont donné à Jésus-Christ» écrit-il (2003 : 54-56). Il donne en exemple le Christ Rédempteur de Michel-Ange à l’église de Santa Maria sopra Minerva, sur lequel nous reviendrons plus tard, « pour exprimer idéalement le type nouveau de beauté virile, intermédiaire entre le robuste et le faible, développé par les artistes chrétiens pour donner forme à la divinité incarnée » (Laneyrie-Dajen 2006 : 132). La virilité est si prisée à la Renaissance que même les vêtements des hommes étaient conçus pour la suggérer. En effet, la mode de la braguette, pièce de vêtement qui crée une protubérance au niveau de l’entrejambe, s’est fortement développée au XVe siècle. Les hommes ne font plus que suggérer leurs attributs en les revêtant, ils les exposent et les parent explicitement. D’abord sobre, la braguette évolue jusqu’à être lourdement décorée de rubans, de froufrous et de riches tissus, attirant inévitablement l’œil sur l’entrejambe de l’homme, centre névralgique de la virilité (Gouvion 2010 : 28). Dans le Portrait d’Antonio Navagero, peint en 1565 par Giovanni Battista Moroni, l’homme pose, une main appuyée derrière lui, laissant entrouvrir les pans de son manteau, nous permettant ainsi de bien voir sa braguette, qui bien que peu ornée, n’en n’est pas moins suggestive à cause de sa forme phallique (Fig. 27).