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Martinique : présentation des dispositifs d’enseignement de langue régionale

2. Présentation des problématiques propres à chaque territoire

2.4. Les Antilles françaises (Guadeloupe et Martinique)

2.4.2. Martinique : présentation des dispositifs d’enseignement de langue régionale

Dans l’académie de la Martinique, l’offre d’un enseignement de créole est encore peu développée, la société martiniquaise observant à son égard une position plus ambivalente que celle de la Guadeloupe. Des actions culturelles et linguistiques sont organisées, notamment lors des journées du Patrimoine (septembre) et durant le mois de la langue et de la culture créole (octobre), parfois à l’école : conférences sur le multilinguisme, ateliers d’écriture, dictée créole, hommages aux personnalités, manifestations littéraires en français et en créole, concours de nouvelles, soirées autour des contes traditionnels, marchés et jardins créoles, etc. Mais, alors que le plurilinguisme de tous ou presque est reconnu comme un atout, alors que le créole est très présent au quotidien, la question de son enseignement peine à être posée avec sérénité et professionnalisme, peut-être parce qu’il constitue un enjeu politique. Il subit donc une certaine méfiance des institutions qui ne s’engagent pas dans une réflexion approfondie. D’ailleurs, l’académie soutient cet enseignement avec une certaine discrétion et n’inclut pas suffisamment son existence dans une stratégie globale.

Certes, une convention portant sur l’enseignement du créole a été signée en 2011 entre la région (devenue depuis la Collectivité territoriale de Martinique ou CTM) et l’État. Elle affirme une volonté commune de favoriser un bilinguisme apaisé et affiche des objectifs de soutien et de structuration des enseignements de la langue et de la culture régionales. Cependant, les marges de progrès demeurent importantes quant à la réalisation lisible de ces objectifs. De plus, cette convention est considérée comme obsolète par les acteurs du premier degré. Cependant, depuis la réunion du Conseil académique de la langue régionale (CALR) en décembre 2018, une dynamique nouvelle semble être engagée, qui gagnera à être traduite concrètement en actes à moyen et long terme.

91 Cette présentation s’appuie pour l’essentiel sur le rapport de mission de l’inspecteur en charge des langues régionales dans l’académie de la Martinique (rapport DOM-COM n° 009-19 de mars 2019).

2.4.2.1 À l’école primaire

Dans le premier degré, le dispositif est coordonné par l’IEN chargée de cet enseignement, et les équipes qu’elle anime, soit deux conseillers pédagogiques et dix animateurs en langue vivante régionale (ALVR), correspondant à cinq ETP, qui accompagnent les enseignants de créole. Cependant, l’efficacité de ses actions trouve sa limite dans la relative autonomie de chaque IEN dans sa circonscription. Le plan d’action de la mission LVR créole pour le premier degré vise à :

« Poursuivre sereinement et harmonieusement le déploiement de l'enseignement du créole dans les écoles de l'académie ;

Augmenter le nombre de professeurs habilités pour l’enseignement du créole à l’école et accompagner les équipes de circonscription pour la mise en œuvre, dans les classes, d’un enseignement contrastif du créole au service d'une meilleure réussite des élèves ;

Former les personnels enseignants pour promouvoir l’expérimentation de classes bilingues et préparer la continuité de l’enseignement de l’école au collège ;

Inscrire la LVR créole dans le développement du numérique ».

Pour l’année scolaire 2018-2019 :

– 174 écoles, soit 75,32 % des écoles de l’académie ont inscrit l’enseignement de la LVR créole à leur projet d’école (142 en 2014-2015) ;

– un enseignement de créole a été mis en place à raison d’une heure à 1 h 30 hebdomadaire dans 32,01 % des classes de l’académie (16,38 % en 2014-2015 et 23,25 % en 2015-2016) ;

– 8 135 élèves, soit 24 % du total, bénéficient d’1 h 30 hebdomadaire d’enseignement.

En effet, tandis que l’enseignement de créole est d’une heure par semaine au cycle 1, il est, selon la circulaire rectorale du 24 juin 2010, de 54 heures annuelles, soit 1 h 30 par semaine aux cycles 2 et 3.

Cet horaire est pris sur celui du français, ce qui pourrait permettre de relier étroitement les deux apprentissages, en posant aux enseignants la question suivante : comment l’enseignement du créole peut-il aider à la maîtrise du français ? Sur ce sujet, une expérimentation, qui a eu lieu dans deux écoles entre 2016 et 2019, vient de faire l’objet d’une évaluation, à laquelle un universitaire de l’Inspé a été associé. Il s’agissait de mettre en œuvre une approche contrastive créole-français dans l’objectif de développer les apprentissages à l’école en contexte sociolinguistique et culturel martiniquais. L’évaluation réalisée a permis de mesurer que les deux objectifs de l’expérimentation ont été atteints : ces élèves ont découvert les règles de fonctionnement des deux langues par le biais d’un enseignement basé sur une approche contrastive français - créole sur les plans phonologique, lexical et syntaxique ce qui a favorisé les apprentissages et leur réussite scolaire. En outre, ils ont pu développer leur compétence à passer d’une langue à l’autre, et ont donc appris à trier, filtrer, sélectionner les formes pertinentes de leur répertoire langagier, français et créole.

Dans le prolongement de cette expérience et dans le cadre du développement d'un pôle d'enseignement des langues vivantes (avec le projet « anglais+ »), le projet « parcours créole+ » a été mis en œuvre à la rentrée 2019 : cinq classes bilingues français - créole (un CE2, un CM1, un CM2 et deux CM1-CM2) ont ouvert à titre expérimental, au sein de quatre écoles réparties dans les trois bassins de formation de l’académie. La classe bilingue apparait aujourd’hui comme un atout pour faire évoluer les attitudes et représentations à l’égard des deux langues et poursuivre les objectifs nationaux fixés par les programmes en articulant l’utilisation des langues, non de manière strictement cloisonnée, mais par le biais d’une approche contrastive.

Un dispositif d’évaluation de l’expérimentation est prévu.

2.4.2.2 Dans l’enseignement secondaire

À ce niveau, la question du pilotage de cet enseignement est un point sensible dont la cohérence a été, pendant plusieurs années, difficile à percevoir : variété des pilotes, statut de ces derniers, missions réellement confiées aux chargés de mission. À la rentrée 2020, une seconde IA-IPR de lettres a été affectée dans l’académie. Elle a pour mission de suivre le dossier de la LVR sur lequel elle a une expérience et une compétence avérées. La situation de ce point de vue est en voie de nette clarification : le pilotage académique y gagnera sans doute en lisibilité et en efficacité.

Dans le second degré, environ 6 % des élèves suivent un enseignement de langue vivante régionale créole, ce qui représente 1 947 élèves en collège (10 % des collégiens) et 278 au lycée (1,5 % des lycéens). Le créole a été proposé comme enseignement de spécialité LLCER au LEGT mais, faute d’un nombre prévisionnel d’élèves volontaires suffisant, il n’a finalement pas été proposé dans l’offre des lycées au moment des inscriptions. Cette situation s’explique par la décision tardive d’ouverture de cet enseignement, par le peu de publicité qui lui a été consacré et par une appropriation timide de la question par l’académie, qui pourrait renforcer sa communication sur cette question.

Jusqu’à cette année (session 2020), il était possible de choisir le créole en épreuve facultative au baccalauréat, sans avoir suivi un enseignement, donc sans préparation (alors que les chefs d’établissement et les équipes pédagogiques exprimaient le souhait d’un accompagnement en LVR de ces élèves). Il y avait d’ailleurs un fort engouement des élèves de l’enseignement professionnel pour utiliser cette possibilité en Martinique. Mais les notes obtenues (moyenne de 13/20) étaient bien en deçà de ce qui était attendu d’un locuteur natif au regard du CECRL.

Il faut ajouter qu’en 2015, a été lancée une expérimentation interdisciplinaire d’utilisation du créole comme une aide didactique et pédagogique, dans trois collèges et un lycée polyvalent avec quatre doublettes (deux en mathématiques / EPS, une en lettres / EPS et une en sciences physiques / EPS). Actuellement, deux doublettes fonctionnent encore dans l’académie, notamment celle du collège de Basse-Pointe. Les différentes évaluations qualitatives et quantitatives réalisées pendant les trois premières années sont encourageantes, voire positives :

– apaisement de certaines ambiances de classes difficiles ;

– amélioration de la relation pédagogique, des interactions pédagogiques et des résultats scolaires (globaux et individuels) surtout pour les plus faibles ;

– facilitation de l’inclusion des élèves allophones caribéens et également des élèves métropolitains.

2.4.2.3 Ressources humaines

En matière de ressources humaines, les enseignants habilités à enseigner la langue régionale dans le premier degré sont au nombre de 742 (28 % des PE), dont une majorité enseigne réellement le créole (en effet, l’enseignement du créole n’étant pas obligatoire, certains professeurs habilités n’enseignent pas le créole pour des raisons diverses). L’habilitation, en principe obligatoire pour qu’un enseignement du créole soit mis en place, est délivrée par l’académie. De plus, il existe l’option LVR créole au CRPE, avec un nombre de postes offerts en augmentation ces dernières années.

Dans le second degré, les enseignants sont certifiés en double valence (vingt titulaires) ou contractuels (quatre contractuels) ; la majorité d’entre eux n’assurent pas la totalité de leur service en créole mais ont un service partagé.

Dans le cadre de la formation initiale et continue, quatre stages ont été inscrits au PAF :

– organisation, animation et évaluation de stages des CPD LVR en collaboration avec la division en charge de la formation : atelier conversationnel en langue créole ; séminaires des ALVR ;

– études de cas, réflexions, travaux de recherche, analyses des évaluations et détermination de perspectives ;

– préparation de l’habilitation des personnels affectés en EGPA (enseignement général et professionnel adapté) ;

– formation à l’ESPE : Enseigner en contexte martiniquais (huit heures destinées aux enseignants stagiaires).

Au niveau des REP / REP+, des formations d’initiative locale de trois heures peuvent être organisées (deux l’ont été en 2019).

De manière plus générale, il semble que le contexte de bilinguisme fasse l’objet d’un accompagnement pédagogique académique dans le premier degré, mais moins dans le second degré, où il doit être structuré et clairement piloté. En ce sens, les expérimentations doivent être soutenues et évaluées, avant d’envisager toute évolution ou extension.