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Cybium – en préparation

A. Riou 1,2 , G Bareille 3 , K Pothin 2 , C Pécheyran 3 , P Chabanet

2. Matériel et méthodes 1 L’espèce étudiée

4.3 Des marqueurs naturels

L’eau utilisée dans notre expérience pour alimenter les aquariums est une eau naturellement enrichie en Baryum qui provient soit de la recirculation des eaux marines dans l’aquifère côtier en se chargeant en Ba par échange d’ions avec le substrat solide (Gonneea et al. 2013), soit d’apports par eaux souterraines (Shaw et al. 1998; Colbert & McManus 2005; Lin et al. 2010). Au-delà de cette découverte qui n’avait encore jamais été mesurée à La Réunion, les caractéristiques de cette source laissent à penser qu’elle puisse avoir une influence dans le milieu naturel. C’est en effet une masse d’eau qui percole à travers le socle basaltique de la pointe des galets sur l’extrémité ouest de l’île de La Réunion. Peu profonde (8 m sous le fond sous-marin), il est probable qu’elle puisse influencer la colonne d’eau au droit de la pointe des Galets comme dans d’autres secteurs géographiques autour de l’île. Il est toutefois intéressant de constater que cette source potentielle sur le bord nord de la baie de Saint-Paul n’influence pas très largement les larves présentes dans cette baie. En effet, en période hivernale et lors des étés non soumis à une activité cyclonique importante, les larves d’Epinephelus merra, d’Acanthurus triostegus et de Plectroglyphidodon imparipennis recrutant dans le secteur, ne sont pas caractérisées par des rapports Ba:Ca élevés (Riou et al. 2015; Riou et al. submitted). De plus la présence d’un grand nombre d’Epinephelus merra présentant un fort Ba:Ca dans les récifs sud en 2007, Saint-Pierre et Saint-Leu, suggère que d’autres spots enrichis en Ba sont largement présents au sud de l’île et ont une influence plus marquée. Il en est de même pour les larves d’Acanthurus triostegus et de Plectroglyphidodon imparipennis dans la mesure où des otolithes enrichis en Ba n’ont été retrouvés que lors de l’été 2012/2013, en raison d’une forte influence cyclonique. D’ailleurs, la présence de pics de Ba en fin de phase pélagique sur ces deux espèces suggère que les larves ont traversées des zones riches en Ba pas très loin du récif de Saint-Gilles et de la baie de Saint-Paul.

L’île de La Réunion est une jeune île volcanique qui repose sur un socle basaltique poreux. De par cette nature géologique des sols, il est probable qu’il puisse exister de nombreuses zones tout autour de l’île aux caractéristiques géologiques et physico-chimiques semblables à cette source de la pointe des galets. Afin de faire progresser les études liées à la chimie des otolithes et leurs interprétations à La Réunion, il s’avère nécessaire d’identifier ces sources naturelles. Il est probable qu’elles soient un facteur principal permettant d’expliquer les variations de concentrations mesurées dans les otolithes, plus régulier que les apports d’eau douce de surface lors des évènements cycloniques. Elles peuvent également survenir en tout point de la côte, tant à travers les récifs coralliens, comme cela a été mesuré sur l’ancien parc à huître d’Etang-Salé (Riou et al, données non publiées), qu’à travers le socle basaltique. Ainsi, leur persistance dans le temps permettrait d’expliquer une partie des mesures réalisées tout au long des deux années de prélèvements des Acanthurus triostegus et Plectroglyphidodon imparipennis

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(Riou et al. submitted) ainsi que les enrichissements mesurés sur les E. merra capturés en 2008 (Riou et al. 2015) pendant la phase adulte.

Cette étude ouvre ainsi la porte à deux axes de recherche:

1) l’expérimentation en milieu contrôlé ou semi-contrôlé afin de préciser notre compréhension des facteurs influençant la composition chimique des otolithes

2) la prospection des sources naturelles d’enrichissement en éléments traces, potentiels marqueurs de stocks des poissons coralliens.

Remerciements :

Les auteurs remercient la Région Réunion pour le financement apporté à cette étude ainsi que l’Institut de Recherche et Développement, la Réserve Naturelle Marine de La Réunion et le Laboratoire de Chimie Analytique et Bio-Inorganique de l’Environnement. Les auteurs remercient également l’Ifremer en la personne de Delphine Muths. Merci à Vincent Bernier pour sa communication.

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IV.1.2 Synthèse

A travers cette étude, nous avons appris qu’il existe, au moins en un point particulier à La réunion, celui de la pointe des galets, une percolation d’eau moins salée que l’eau de mer, chargée en baryum. L’analyse de ces eaux montre bien un taux de baryum supérieur à celui des eaux marines de la baie de Saint-Paul. Cette eau, lorsqu’elle devient l’environnement de vie d’un poisson corallien, enrichie systématiquement les otolithes des individus en baryum. Cet enrichissement au sein de l’otolithe intervient rapidement après le premier contact, quelques jours plus tard. Cette percolation d’eau dessalée et enrichie est rendue possible grâce au socle basaltique poreux de La Réunion. L’eau douce retenue dans le socle terrestre est rejetée dans la masse d’eau marine côtière.

Bien qu’il reste d’autres sources locales possibles d’enrichissement de l’eau marine en baryum qui n’ont ici pas été testées (upwelling, adsorption de baryum par décharge massive de sédiments lors de fortes pluies), la géologie entièrement volcanique de l’île de La Réunion permet d’envisager que le phénomène mesuré à la pointe des galets puisse ne pas être unique tout autour de l’île, que ce soit sur des côtes basaltiques ou à travers le récif corallien.

Nous avons vu ainsi que des sources locales d’enrichissement des masses d’eau en baryum existent de façon suffisamment durable pour impacter la microchimie de l’otolithe des poissons coralliens existent. Qu’en est-il cependant des conditions de recrutement exceptionnelles auxquelles on peut assister lors d’évènements cycloniques ? Ces derniers ont le potentiel d’effectuer des transports larvaires passifs depuis d’autres îles voisines (Crochelet 2010). Les sources de baryum peuvent-elles également provenir d’une source qui soit extérieure à l’île de La Réunion ?

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