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Incertae sedis

D. gallinae, improprement nommé communément pou rouge des poules, est connu pour ses dégâts majeurs en élevage de poules pondeuses, entraînant d’importantes pertes économiques.

3.2 Marqueurs développés : utilisation concomitante de données morphologiques et moléculaires

Les marqueurs développés au cours de la thèse sont de deux ordres : morphologiques et moléculaires. Les données morphologiques sont toutes des caractères discrets, codés en 2 à 3 états, conformément aux aptitudes antérieurement développées dans le cadre d'une étude sur des insectes hémiptères (Roy et al. 2007). Aucun caractère continu n'a été testé ici. Le codage des caractères discrets retenus dans une matrice phylogénétique n'est utilisé que dans la première partie (délimitation interspécifique). Leur utilisation dans la seconde partie est limitée au diagnostic.

Les marqueurs moléculaires reposent sur le séquençage et l'alignement de portions d'ADN génomique. En vue d'accéder à des informations complémentaires et indépendantes, des gènes du génome cytoplasmique et du génome nucléaire ont été ciblés dans le même temps.

Pour la première partie de l'étude, des marqueurs couramment utilisés dans les études phylogénétiques portant sur des arthropodes, dont certains acariens (Navajas et Fenton 2000, Cruickshank 2002), ont été ciblés. Les marqueurs retenus sont situés sur deux gènes mitochondriaux (ARNr 16S, mt-Co1) et deux gènes nuclaires (fin de l'ARNr 18S- début de

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internationale (GenBank, EMBL) au début de l'étude. Il s'agissait d'une portion de l'ARNr 16S d' D. gallinae, utilisée par Black et Piesman (1994) comme outgroup dans une analyse des interrelations entre tiques (Acari : Ixodida). Pour ce gène, le séquençage a été obtenu par design direct d'amorces sur la séquence disponible, puis, au fil de l'étude par conception de nouvelles amorces sur les aires apparaissant conservées par alignement des premières séquences obtenues. Pour les trois autres, les amorces ont été conçues sur la base d'alignements des séquences orthologues d'autres arthropodes, disponibles sur la banque de gènes. Les trois premiers ont finalement participé à la délimitation interspécifique (publication III, p. 69 sqq.), mais le quatrième (EF1-D) a dû être abandonné, du fait d'anomalies (cf. 4.3b - ).

Pour la seconde partie de l'étude, la portion de mt-Co1, non seulement porteuse de signatures spécifiques nettes, mais aussi d'une diversité intraspécifique très informative au niveau population, a été largement mise à profit. Aucun des marqueurs nucléaires développés pour la première partie n'ayant, en revanche, fourni d'information intraspécifique suffisante, un cinquième marqueur a été développé. L’utilisation d’au moins deux loci indépendants apparaissait en effet primordial pour l'exploration des flux de populations. Le marqueur nucléaire sélectionné alors consiste en deux petites portions d'exons du gène codant pour la Tropomyosine, et de l'intron qu'ils encadrent. L'ADNc complet de la Tropomyosine de D. gallinae a été publié par Nisbet et al. (2006) dans le cadre d'une étude immunologique. La fragmentation en de multiples portions de cette séquence et le criblage sur notre souche de laboratoire SK de ce gène au moyen d'amorces conçues à chacune des extrémités des fragments définis a donné lieu à l'isolement de l'amplicon retenu, à forte composante intronique. A notre connaissance, aucune analyse phylogénétique, ni de génétique des populations, n'a été menée sur la base de cette région chez des arthropodes. A la différence des reconstructions phylogénétiques de la première partie de l'étude, utilisant des régions classiquement analysées dans ce type d'étude, il s'agit ici d'une expérience originale.

3.3

Outils de la phylogénie et de la génétique des populations

Les séquences obtenues ont été alignées au moyen de logiciels divers (ClustalW, MAFFT, Muscle) et dans certains cas, les alignements ont été affinés à la main (Seaview). Les matrices ainsi obtenues ont été analysées au moyen de logiciels de phylogénie, suivant différents critères. Le maximum de parcimonie avec PAUP 4.0 et TNT, ainsi que le maximum de vraisemblance avec PhyML et Phylo_win, ont été exploités directement au cours de la thèse. Grâce à la collaboration d'APG Dowling (Université de Fayetteville, Arkansas, USA), des analyses bayésiennes

ont été réalisées avec le logiciel MrBayes, qui réalise une simulation technique nommée Markov chain Monte Carlo (MCMC) pour obtenir une approximation des probabilités postérieures des topologies.

Les réseaux d'haplotypes, ainsi que certains outils de la génétique des populations ont été abordés en fin de thèse, dans le cadre de la seconde partie. Les outils statistiques de la génétique des populations, basés sur l'estimation de la neutralité (Nei 1987) de l'évolution trahie par les différences rencontrées dans les séquences analysées, analysent le polymorphisme de manière "statique" (à un instant t), par comparaison entre isolats, indépendamment de leur histoire. De fait, ils ne permettent pas (1) d'intégrer à l'analyse les nombreux isolats dont un petit nombre seulement d'individus avaient été séquencés pour la première partie de l'étude (statistiquement insuffisants), (2) de prendre en compte l'histoire évolutive des isolats, ce qui s'accorde difficilement avec l'esprit de l'étude dans son ensemble.

Afin de réduire au moins partiellement cette frustration, des méthodes complémentaires ont été recherchées pour la publication V (p. 131 sqq.). Le logiciel Network a été mis à profit dans l'analyse des réseaux d'haplotypes. L'approche de type NCPA (Nested Clade Phylogeographic

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approches statistiques, cette méthode a longtemps séduit, se présentant comme la possibilité inespérée de mettre en évidence des structures de populations en prenant en compte, précisément, leur histoire. Les simples réseaux d'haplotypes permettaient bien sûr une telle approche, mais, multidimentionnels à l'extrême par excellence au sein de l'espèce (>>3D), les relations entre entités étant typiquement réticulées du fait des flux de gène, la définition de la topologie à retenir demeurait très obscure et la robustesse des relations restait inestimée. Templeton et coll ont travaillé à l'objectivation d'une démarche d'analyse de réseaux d'haplotypes (« nichage » graduel des clades en partant des extrêmités de la topologie), suivie d'un examen statistique de la structuration des isolats testés en fonction de paramètres géographiques (ou autres) connus. Mais, si l'estimation des structures est soutenue par un volet statistique, il n'en demeure pas moins que le support de l'analyse repose sur un réseau multidimensionnel, dont la (les) topologie(s) retenue(s) l’est (le sont) sur une base obscure, plutôt subjective. Un échange fructueux avec M. Panchal (Université de Reading, Royaume Uni) a conduit au choix de méthodes plus modernes, et surtout plus objectives. M. Panchal a développé et mis au point durant sa thèse une automatisation informatique de la NCPA (demandant jusqu'alors l'utilisation successive de plusieurs logiciels indépendants) (Panchal 2007). Cette automatisation, permettant de tester un plus grand nombre de modèles, a confirmé des doutes déjà plusieurs fois formulés quant à l’efficacité de la méthode : de nombreux faux-positifs sont générés par la NCPA, induisant des conclusions fortes sur des structurations de population en fait artéfactuelles. En remplacement des analyses basées sur des réseaux d’haplotypes, M. Panchal recommande des analyses basées sur des modèles, dont l'efficacité est bien sûr encore à tester, mais dont l'objectivité apparaît nettement plus importante.

Ainsi, une collaboration amorcée avec JS Lopes (Université de Reading, Royaume Uni) vise à tester les données mt-Co1 et Tropomyosine avec le logiciel PopABC. Basé sur une investigation bayésienne de la génétique des populations, ce logiciel développé par JS Lopes utilise la simulation technique Markov chain Monte Carlo (MCMC) pour l’approximation des probabilités postérieures dans le cadre de l’analyse de la démographie des populations (Lopes et Beaumont 2008). Des fourchettes quant à des paramètres démographiques concernant les populations à tester sont proposées a priori (priors) et définis de manière large. Les différents branchements possibles entre les populations prédéfinies constituent les modèles dont on teste la probabilité. Les structures sont retenues a posteriori, leur robustesse étant évaluée par les probabilités postérieures bayésiennes. Par ailleurs, une évaluation des groupements de populations a été réalisée grâce au logiciel Structure 2 et des tests statistiques classiques de génétique des populations ont été réalisés à l'aide de DnaSP v5 et Arlequin 3.11.

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a - Présentation

Dans la nomenclature zoologique, il n’est pas rare de rencontrer des étymologies trompeuses a priori, notamment chez les acariens. Le principe du taxon type, du nom duquel découlent les noms des taxa de niveaux supérieurs, entraîne dans certains cas d’apparentes incongruités entre dénomination et habitudes écologiques de l’organisme considéré. Il suffit que le représentant du groupe concerné découvert – et donc décrit – le premier soit nommé sur la base de caractéristiques qui lui sont propres pour que la nomenclature d’ordre ou de super-familles soit jalonnées des dénominations déconcertantes. En effet, il s’avère parfois a posteriori, au moment de la description d’autres taxa, découverts ultérieurement, que lesdites caractéristiques ne soient pas communes à l’ensemble des taxa du groupe considéré. Le genre Dermanyssus, du grec « derma », peau, et « nussein », piquer, désigne à l’évidence un acarien hématophage bien davantage qu’un prédateur ou un détritivore. Or la cohorte des Dermanyssina (cf. Annexe 1), dont il représente le genre type, si elle regroupe des parasites hématophages, est originellement et majoritairement constituée de prédateurs, d’après des analyses phylogénétiques (Dowling 2006a, b) ou sur la base d’observations évolutives (Radovski 1969). Les premiers fossiles de Dermanyssina, datant de l’Eocène (Witalinski 2000), sont aussi des prédateurs, ce qui va aussi dans ce sens. La superfamille des Parasitoidea, dont le genre Parasitus est le genre type, ne regroupe pas des parasites mais des prédateurs. De même, les Dermanyssoidea ne regroupent pas seulement des ectoparasites piqueurs.

Toutefois, la famille des Dermanyssidae, à l’inverse des Parasitidae qui ne comptent aucun parasite (Lesna et Sabelis, communication personnelle), ne regroupe aujourd’hui que des ectoparasites hématophages. Cette famille a en revanche longtemps regroupé des acariens aux habitudes diverses et est caractérisée par une histoire chaotique. Elle a tout d’abord représenté la famille la plus importante (en nombre d’espèces incluses) des Dermanyssoidea. Evans & Till (1966) comptaient dans les Dermanyssidae 15 sous-familles contenant de nombreux hématophages, mais pas seulement. Les Laelapinae, qui représentent la plus grande sous-famille, demeuraient principalement composée de prédateurs. La famille des Dermanyssidae s’est vu réduire drastiquement à deux genres en 1966 par Radovski : Dermanyssus et Liponyssoides. Vidée de cette pléthore de genres, elle apparaît minuscule maintenant, comparée aux familles apparentées, qui ne sont autres que les sous-familles qui la constituaient, sans les Dermanyssinae. Mais les arguments de Radovski, basés sur une analyse évolutive, si ce n’est phylogénétique, sont solides, puisqu’ils ont permis, enfin, une délimitation claire des Dermanyssidae par rapport aux autres familles. Aucun autre genre que Dermanyssus et Liponyssoides n’a été intégré depuis lors dans cette famille. Les Macronyssidae, en revanche, contiennent aujourd’hui 26 genres, les Laelapidae 144, les Haemogamasidae 7, les Hirstionyssidae 5, … (selon Hallan 2005).

Parallèlement, le genre Dermanyssus a contenu au moins 60 espèces différentes. Dugès l’a décrit en 1834 sur la base de D. gallinae, l’espèce-type et le problématique pou rouge des volailles. Il lui a alors associé 4 autres espèces, dont une, D. convolvuli (littéralement « du liseron ») représente probablement une espèce non hématophage et prédatrice d’acariformes phytophages. Il est probable que D. gallinae représentait alors déjà depuis longtemps un problème important dans les élevages, puisqu’il a été décrit précocement (en 1778, dans le genre Acarus, genre type des acariens) par rapport à des Dermanyssoidea prédateurs, comme certains Laelapidae, Ascidae ou

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moins gênants, attirent de fait beaucoup moins l’attention. Ainsi les déprédations produites par le pou rouge sont-elles probablement la cause de l’omniprésence du radical dermanyss- dans la nomenclature d’un groupe au cours de l’évolution duquel les parasites piqueurs ne sont apparus que sporadiquement (Dowling 2006a).

4.1.a.1

Objectifs

L’objectif principal de la revue historique était de faire le point sur la composition taxinomique du genre Dermanyssus au niveau spécifique, l’état des délimitations interspécifiques et sa caractérisation au niveau générique en 2006. Pour cela, un examen précis de l’histoire de sa taxinomie depuis sa description et des caractérisations morphologiques utilisées dans la littérature a été envisagé. Dans un but pratique, un aperçu de la répartition géographique et des spectres d’hôte a été intégré à l’article.