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50. C’est à partir du vingtième siècle que les différents utilisateurs et auteurs du transport maritime ont ressenti, avec une acuité particulière, le besoin d’assurer la prévisibilité juridique des activités humaines en mer.

Le transport international de marchandises est un domaine très sensible pour deux raisons essentielles. Tout d’abord parce qu’il met en rapport deux catégories de professionnels : des chargeurs et des armateurs. On est alors exposé au risque d’entente entre les membres d’une des professions (en particulier des armateurs qui sont souvent face à une multitude de chargeurs et sont à même d’imposer leur volonté contractuelle) afin de s’assurer une position dominante. Ensuite, parce que le transport international de marchandises par mer a une importance capitale dans les flux internationaux de marchandises. Il a une grande implication dans l’économie mondiale (on considère de façon classique que les pays développés seraient majoritairement des pays transporteurs, tandis que ceux en développement seraient majoritairement des pays chargeurs145).

C’est pour ces différentes raisons que les Etats n’ont pas souhaité laisser ce domaine du droit à l’autonomie de la volonté146. Ils ont fait le choix d’encadrer ces contrats internationaux par une législation impérativement applicable.

51. L’accomplissement de l’uniformité internationale du transport maritime a principalement été recherché par le biais de l’élaboration et de l’adoption de conventions internationales, celles-ci étant destinées à servir de « boussole juridique du commerce international »147. Cette unification souhaitée par les Etats, et ce par le biais conventionnel, a-t-elle pu être réalisée en matière de droit du transport international de marchandises par mer (titre I) ?

145 Koffi Christophe Nubukpo, Le nouvel ordre maritime international en question, JMM du 06/10/1995, p. 2478 et s. Cette vision des transports maritimes est dépassée, il sera exposé pourquoi postérieurement.

146 Principe philosophique trouvant son origine chez les canonistes et les philosophes du dix-huitième siècle (Rousseau) selon lequel la volonté humaine constituerait sa propre loi.

147 Antoine Vialard, Sisyphe et l’uniformisation internationale du droit maritime, DMF n° 591, n° spécial : « 1949-1999, 50 ans de droit positif » p. 213.

L’unification souhaitée par les Etats se réalise ensuite au sein des ordres juridiques nationaux (dans l’Etat), au stade de l’application. En matière de droit du transport international de marchandises par mer, il existe plusieurs instruments conventionnels, ceux-ci sont susceptibles d’entrer en conflit tant entre eux qu’avec le droit national. Ces conflits d’application causant une « désunication » du droit du transport international de marchandises par mer. Il sera alors nécessaire de trouver des solutions aux éventuels conflits de lois non résolus par la présence d’un corpus conventionnel, voire causés par celui-ci, dans les règles classiques du droit international privé (titre II).

Titre I – L’unification par l’Etat et dans la convention

Titre I – L’unification par l’Etat et dans la convention

52. Les ressortissants des différents pays nouent des relations entre eux, ils commercent, contractent et ont de ce fait besoin de règles spéciales capables de résoudre leurs relations. Le problème est que le monde est divisé en Etats souverains et indépendants ayant chacun leur propre système juridique interne. Dans l’hypothèse d’un rapport juridique entre des ressortissants de deux ou plusieurs Etats va se poser un problème évident de choix : à la loi et aux juridictions de quel pays doit-on soumettre un éventuel litige ?

53. La question du conflit de lois peut être résolue par le droit international privé au moyen d’une méthode qualifiée d’ « indirecte » qui consiste à énoncer des règles de conflit de lois en fonction de la question posée. Ces règles permettront de désigner la loi applicable, mais renverront pour la solution du litige à la loi désignée. La doctrine a pendant longtemps considéré le passage par la règle de conflit comme un passage obligatoire pour le juge saisi d’un rapport visant un conflit de lois. L’importance des règles de conflit, comme règles de l’Etat du for qui s’imposent au juge, découle aussi de la réaction particulariste en droit international privé, aux théories universalistes148. L’affirmation de la pleine souveraineté des Etats à se donner leurs propres règles dans leur ressort territorial a abouti à donner une grande importance aux règles posées par l’Etat lui-même, afin de résoudre les conflits de loi.

54. Il existe une seconde méthode dite « directe » qui consiste à élaborer des conventions internationales qui appréhendent directement le fond des litiges internationaux et rendent inutile la recherche de la loi applicable149. Cette méthode150 a pu se détacher des règles de conflit et ainsi constituer une source fondamentale du droit.

L’adoption de conventions d’unification du droit substantiel par la voie de la négociation présente l’intérêt méthodologique de respecter la particularité que le droit international partage avec le droit naturel, « de ne pas être un droit de contrainte, fondé sur un ordre

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Les auteurs universalistes, comme Savigny, pensent « que le règlement des conflits doit être uniforme dans tous les pays, ce qu’assurera sa conformité à un modèle commun ». Pour les auteurs particularistes comme Bartin « les règles de conflit sont des règles nationales, dans chaque pays, au même titre que les institutions de droit interne dont elles circonscrivent le domaine. Elles leur restent liées comme l’ombre au corps, parce qu’elles ne sont autre chose que la projection de ces institutions elles-mêmes sur le plan du droit international ». Pierre Mayer et Vincent Heuzé, Droit international privé, 8ème édition, Domat droit privé, Montchrestien, 2004, n° 69-72.

149 Daniel Gutmann, Droit international privé, Dalloz Paris 1999, p. 1 et s. 150

objectif, mais de présenter sur la scène internationale les prétentions subjectives de ses sujets que la doctrine qualifie de sujets primaires, à savoir les Etats »151.

55. Les Etats ont opté dès le début du siècle pour la méthode conventionnelle en matière de droit du transport international de marchandises par mer. Il s’agit d’une unification réalisée par les Etats et ce, par le biais de Conventions internationales. Se pose alors la question de savoir si ce choix était ou non adapté à cette matière spécifique. Une étude du processus d’élaboration et d’adoption des Conventions applicables au transport international de marchandises par mer permettra d’y répondre (chapitre I).

Le recensement des différentes normes s’appliquant en matière de droit du transport international de marchandises permettra d’étudier comment elles s’articulent entre elles et d’identifier les différents cas de conflits qui peuvent intervenir au moment de leur application. Cela fera apparaître les défauts présentés par l’outil conventionnel (chapitre II).

151 Agnès Lejbowicz, Philosophie du droit international ; l’impossible capture de l’humanité, PUF Paris 1999, p. 22 et s.

Chapitre I – De la multiplicité des Etats à l’unité par la convention : une élaboration et une adoption difficile

56. L’unification internationale du droit du transport maritime a été réalisée en utilisant des conventions « unifiantes »152, c’est-à-dire en cherchant à élaborer des règles matérielles ou substantielles qui vont donner directement la solution. Il s’agit de l’élaboration et de l’adoption par une multiplicité d’Etats d’une réglementation unique formalisée dans une convention internationale.

L’étude de cette méthode appelée « directe »153, l’appréciation de ces conventions d’unification du droit substantiel ou l’opportunité du choix de ceux-ci dans le domaine du transport maritime de marchandises fera l’objet de la première section (section I).

Une étude plus spécifique du droit du transport maritime permettra d’identifier les problèmes soulevés par les Conventions maritimes applicables en matière de transport maritime surtout en ce qui concerne leurs élaboration et adoption (section II).

152 Cette expression se retrouve sous la plume du Professeur Malaurie in Loi uniforme et conflits de lois, Travaux du Comité français de droit international privé, 1967, p. 86. Les Conventions applicables au transport international de marchandises par mer (Convention de Bruxelles de 1924 dans ses différentes versions et les Règles de Hambourg) seront désignées sous ce qualificatif ou alors « Conventions d’unification du droit substantiel », le qualificatif « droit uniforme » sera aussi utilisé car ces Conventions visent à « l’unification de certaines règles », elles produisent ainsi du droit uniforme.

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Section I – L’analyse de la méthode conventionnelle

57. Il s’avère nécessaire, afin de bien appréhender cette méthode, de l’étudier puis d’essayer de dégager les avantages mais aussi et surtout les inconvénients inhérents au choix de cette méthode (paragraphe 1).

Dans un second temps, cette étude s’attachera à étudier la légitimité d’un tel choix pour le domaine spécifique que constitue le transport maritime de marchandises (paragraphe 2).

Paragraphe 1 - La mise en œuvre de la méthode et le contenu des conventions d’unification du droit substantiel

58. L’adoption de conventions contenant des règles matérielles se fait dans le but de réaliser une unification, une harmonisation des droits et vise ainsi à assurer une plus grande « certitude du droit » en éliminant les conflits de lois pour une matière déterminée. Sa raison d’être est de supprimer, par le biais de normes juridiques, tout conflit de normes qui pourrait se déclarer dans une transaction internationale.

La mise en œuvre de ces Conventions d’unification doit être examinée (A) avant d’envisager le contenu de celles-ci (B).

A - La mise en oeuvre de la méthode conventionnelle

59. Se pose la question de la détermination de la personne compétente pour créer, adopter et appliquer de telles conventions (1), puis celle de la forme sous laquelle une convention peut ou doit se présenter (2).

1) La répartition des compétences pour l’élaboration, l’adoption et l’application des Conventions internationales

60. De façon chronologique, il y a d’abord la phase d’élaboration des conventions internationales. A ce stade interviennent ceux que Monsieur Matteucci appelle les « législateurs internationaux », ceux qui « élaborent des textes de lois uniformes »154. Cette

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expression ne doit pas laisser penser que cette création d’un texte de droit uniforme ne peut être le fait d’un Etat ou d’un organisme national. Celui-ci peut rédiger un projet de Convention internationale ou adopter une législation particulièrement performante qui servira de modèle au droit uniforme. Malgré tout, force est de constater que l’unification du droit international est difficile à réaliser puisqu’il faut que les législations nationales concernant les rapports internationaux s’alignent les unes sur les autres, or les Etats sont de traditions juridiques différentes et ont souvent des intérêts divergents.

Afin de dépasser ces obstacles, ce sont souvent des organismes internationaux spécialisés qui rédigent de tels projets d’unification des législations, ces organismes ayant souvent été créés par les Etats et sont composés de ceux-ci. Ainsi le Comité Maritime International (CMI) et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) ont entrepris des travaux de codification du droit maritime sur le plan international155, ces organismes étant très compétents et adaptés à la haute technicité de normes internationales de droit uniforme. 61. La conclusion de ces conventions « unifiant » certains aspects du droit ne peut être que l’expression d’une volonté commune de deux ou plusieurs sujets de droit international ayant une capacité suffisante, ceux-ci étant l’expression de la volonté commune des parties contractantes, cette expression de volonté « visant à établir une règle de droit dans un ordre juridique »156. Les Etats sont par conséquent les seuls compétents pour adopter des conventions internationales. En revanche, à l’intérieur d’un même Etat, s’opère une répartition des compétences concernant l’élaboration, la ratification et l’application des conventions internationales selon la distribution des pouvoirs.

62. La France est, depuis la Révolution, soumise à une division interne tripartite des pouvoirs entre le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire157, chacun intervenant en ce qui concerne les conventions internationales. Comme le souligne Monsieur Majoros158 le « pouvoir exécutif est le véritable maître de la confection des traités », en ce sens que c’est généralement une organisation internationale qui initie un projet de convention internationale et constitue à cet effet un groupe de travail ou une commission. Il relève donc de la compétence du gouvernement de décider s’il participera aux travaux préparatoires ; c’est lui qui devra aussi, le cas échéant, constituer une délégation qui participera aux négociations ; enfin il devra décider de ratifier ou non le traité.

155 Pour l’étude du CMI cf. infra n° 109 et pour celle de la CNUCED cf. infra n° 115. 156

Julio A. Barberis, Le concept de « traité international » et ses limites, AFDI 1984, p. 251 et s.

157 Cette séparation des pouvoirs a été imaginée par Montesquieu qui s’est inspiré de l’histoire romaine et des institutions anglaises, et qui estimait que pour garantir la liberté il fallait une séparation des différentes fonctions politiques. Charles de Montesquieu, L’esprit des lois, XI, 6.

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Ensuite intervient le pouvoir législatif qui, selon l’auteur précité, « joue un rôle relativement modeste » puisqu’il a en charge la ratification parlementaire.

Enfin c’est le pouvoir judiciaire qui est chargé de l’application des traités internationaux. Il partage ce pouvoir avec certaines autorités administratives ou même sociétés de droit privé bénéficiant d’une délégation de l’Etat159. A ce titre il faut souligner le rôle crucial joué par la justice qui entraîne selon Monsieur Majoros « un déplacement du centre de gravité vers le pouvoir judiciaire »160.

Après avoir vu les différents pouvoirs ayant une compétence concernant l’adoption de ces conventions « unifiantes », il est nécessaire de s’intéresser à leur champ d’application.

2) Le champ d’application des traités internationaux contenant du droit matériel

63. Du champ d’application de la règle conventionnelle va dépendre son application au cas d’espèce. Une convention « unifiante » a un champ d’application spatial, temporel et matériel.

64. Le domaine spatial de ces conventions « unifiantes » dépend du choix de la méthode d’unification : soit on choisit de substituer le droit uniforme aux dispositions internes correspondantes, et dans ce cas l’application de ce droit uniforme (qui est devenu le droit interne de l’Etat en question) sera subordonnée à la mise en œuvre de ce droit interne par la règle de conflit de lois pertinente ; soit on cantonne le domaine d’application du droit uniforme aux catégories de situations se rattachant aux Etats contractants selon un critère défini dans la convention « unifiante ».

Les rédacteurs des différentes Conventions sur le transport international de marchandises par mer ont opté pour cette seconde méthode.

L’intérêt de ces méthodes réside dans le fait qu’elles éliminent le recours à la méthode conflictualiste puisque comme le souligne le Professeur Rigaux : « les territoires respectifs des Etats ayant adhéré à la convention « unifiante » forment un espace commun à l’égard de toutes les situations qui s’y rattachent selon le critère approprié »161.

65. S’agissant ensuite du champ d’application matériel de la convention, rappelons que pour les situations exclues du domaine d’application d’une convention, le choix de la loi

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On peut citer à ce titre le Bureau Véritas qui bénéficie d’une délégation de l’Etat français lui permettant de contrôler l’application de Conventions internationales portant sur la sécurité maritime.

160 Ferenc Majoros, Les conventions internationales en matière de droit privé, op. cit.

161 François Rigaux, La méthode des conflits de lois dans les codifications et projets de codification de la

applicable relèvera du système de droit international privé propre à chaque Etat. La convention peut d’abord restreindre son champ d’application à certaines personnes en tenant compte de la résidence, de l’établissement ou du siège des parties aux contrats qu’elle concerne. Ainsi un juge peut avoir à appliquer une convention internationale même si les conditions qu’elle pose relativement aux personnes ne sont pas remplies : c’est le cas si les règles de droit international privé de l’Etat en question désignent la loi d’un autre Etat partie à la convention162. D’autre part, un juge d’un Etat non partie à la convention peut avoir à appliquer celle-ci en tant que règle faisant partie d’un droit national étranger désigné par sa règle de conflit.

66. Le champ d’application d’une convention restreint celle-ci à certains objets ou à certaines matières. En effet, une convention qui aurait pour vocation de régir tous les rapports juridiques internationaux rencontrerait des difficultés d’élaboration, d’adoption et d’application. Les Conventions restreignent donc leur champ d’application à un ou plusieurs types de rapport ou de contrat. Il n’est d’ailleurs pas souhaitable de concevoir des règles trop « généralistes », par exemple de régir par une même convention tous les rapports contractuels. En premier lieu, pour des raisons pratiques et ensuite pour des raisons de sécurité juridique, dans la mesure où la plupart des droits nationaux soumettent les différents types de contrat à des régimes juridiques spécifiques, cela conduirait à soumettre un même contrat à des régimes juridiques différents selon la compétence de la convention ou du droit interne163. On trouve pourtant quelques conventions ayant un champ d’application matériel très large comme la Convention de Vienne164 qui a unifié certaines règles concernant la formation du contrat. 67. A propos, enfin, du champ d’application temporel des conventions, en principe et à défaut de disposition expresse contraire, une convention internationale ne s’applique que lorsque les conditions qu’elle a pu prévoir pour son entrée en vigueur sont remplies165. La détermination des situations qui seront soumises à la convention peut être délicate lorsque celle-ci a pour objet de régir les rapports des personnes privées : à quels contrats de droit privé le nouveau droit doit-il être appliqué ? Le droit uniforme, établi par le biais de conventions internationales, a pour vocation de fixer un régime juridique commun aux Etats membres,

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Blaise Knapp, Unification internationale des règles et désignation du droit applicable, in Mélanges en l’honneur d’Yvon Loussouarn : l’internationalisation du droit, Dalloz paris, 1994, p. 220 et s.

163 Blaise Knapp, Unification internationale des règles et désignation du droit applicable, ibid. p. 221 et s. 164

Convention des Nations unies de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises (entrée en vigueur le 1er janvier 1987).

165 Par exemple la Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer conditionnait son entrée en vigueur par le dépôt de vingt instruments de ratification, d’approbation ou d’adhésion. Article 30 de la Convention des Nations unies sur le transport de marchandises par mer (Hambourg 1978).

celui-ci a ainsi dans l’espace et par rapport aux personnes un domaine d’application beaucoup plus vaste que les droits nationaux.

Le champ d’application d’une convention peut ainsi être plus ou moins restreint, il en est de même s’agissant de son contenu.

B - Le contenu des conventions d’unification du droit substantiel

68. L’étude du contenu des conventions « unifiantes » se fera en appréhendant ce qu’elles peuvent contenir (1) avant de voir quelles sont les contingences internationales auxquelles ces conventions sont soumises (2).

1) Les différents contenus possibles des conventions d’unification du droit substantiel

69. La conclusion de conventions internationales créant un droit international privé uniforme implique l’accord de différents Etats sur une ou des questions de droit international. Cette tâche n’apparaît possible qu’entre des Etats ayant une tradition juridique commune ou au moins des attaches géographiques, sociales ou politiques166. Il faut donc pour les législateurs internationaux surmonter les divergences radicales qui peuvent exister entre les systèmes juridiques en cause, que celles-ci concernent justement la question spéciale qui fait l’objet de l’unification ou concernent des principes généraux dans lesquels s’encadre la question spéciale. Il est évident que les représentants de chaque Etat vont essayer d’obtenir un droit uniforme en sacrifiant au minimum leurs systèmes juridiques167. Le risque étant que ce

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