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Le manquement fautif lié à une absence du travail pour raison de santé

CHAPITRE 1 : LE CADRE D’ANALYSE ET LA MÉTHODOLOGIE

2. La notion de cause juste et suffisante de congédiement

2.1 Le manquement fautif lié à une absence du travail pour raison de santé

Le manquement fautif se définit par le caractère volontaire de la faute. Il s’agit d’un geste, d’une conduite sur laquelle un salarié exerce un contrôle. Le geste ou la conduite peuvent

74 G. HÉBERT, R. BOURQUE, A. GILES, M. GRANT, P. JALETTE, G. TRUDEAU, G. VALLÉE, La

convention collective au Québec, Édition Gaétan Morin, 2003, Chapitre 3 : Droits de direction, p. 69 et

suivantes.

C. D’AOUST, L. LECLERC, G. TRUDEAU, op. cit., note 13, p. 47.

75 Id. 76 Id.

77 Un changement significatif au niveau des conditions de travail essentielles à la relation d’emploi peut

équivaloir à un congédiement, même en l’absence de rupture du lien d’emploi, à ce sujet voir : Farber c. Cie

être posés de manière intentionnelle et délibérée78 ou encore de manière involontaire et insouciante. L’employeur est en droit d’imposer une sanction disciplinaire pour punir et corriger un comportement fautif ou blâmable79.

Plusieurs manquements fautifs peuvent être associés à l’absentéisme au travail en raison de santé, nous en présentons quelques-uns dans les lignes suivantes pour montrer les différentes questions que soulève la cause juste et suffisante de congédiement dans les cas d’absentéisme au travail en raison de santé.

L’obligation de loyauté sous-tend certaines qualités de la part d’une personne salariée, à savoir l’honnêteté, la fidélité, la discrétion et la bonne foi80. Bien que ces notions ne soient pas étanches, nous exposons certaines situations susceptibles de mettre en cause l’une ou l’autre de ces facettes dans les cas d’absentéisme au travail en raison de santé de type fautif. Un salarié pourrait manquer à son devoir d’honnêteté, notamment dans les cas où il accomplit des activités incompatibles avec son état de santé pendant son absence en raison de santé ou lorsqu’il occupe un autre emploi durant cette même période81. Est-ce que cela justifie un congédiement? De même, le salarié effectuant de fausses déclarations par rapport à son état de santé pour prolonger son absence maladie va également à l’encontre de son devoir d’honnêteté, et incidemment de son devoir de loyauté à l’endroit de l’employeur. Il peut en être ainsi dans les cas où l’employé réclame des sommes supérieures au montant dû lors d’une absence du travail en raison de santé82. Parmi les comportements malhonnêtes se retrouvent la fraude, c’est-à-dire toute action commise par l’employé dans le but de tromper son employeur afin de bénéficier d’un avantage auquel il n’aurait pas eu droit83.

78 C. D’AOUST, G. TRUDEAU, La distinction entre les mesures disciplinaires et non disciplinaires (ou

administrative) en jurisprudence arbitrale québécoise» (1981) 41 R. du B. 516.

79 Id., p. 517.

80 F. MORIN, J.-Y. BRIÈRE, D. ROUX, Le droit de l’emploi au Québec, 3e édition, Montréal, Wilson &

Lafleur ltée., 2006, p. 302. Voir également : P. VERGE, G. TRUDEAU. G. VALLÉE, Le droit du travail par

ses sources, Montréal, Les Éditions Thémis, 2006, p. 357.

81 P.VERGE, G. TRUDEAU, G. VALLÉE, op. cit., note 80, p.358. 82 Id., p.357.

Le salarié, dans sa manière de se comporter, est aussi tenu à une obligation d’obéir, c’est-à- dire qu’il doit suivre et répondre aux directives de son employeur et ce, conformément aux articles 2085 et 2088 C.c.Q.84. Par exemple, le fait qu’un employé absent du travail en raison de santé refuse de reprendre le travail lorsqu’il est déclaré apte à le reprendre ou qui refuse une affectation temporaire à un travail léger alors que son état de santé lui permet de l’accomplir constituent des manquements reliés à l’obligation d’obéir. Mais, est-ce que cela peut mener à un congédiement? De même, le salarié qui refuse de fournir une attestation médicale ou qui refuse de subir un examen médical lorsque la demande de l’employeur est justifiée manque également à l’obligation d’obéir. La question est de savoir est-ce que ces refus justifient un congédiement?

Le salarié doit également respecter son obligation de diligence. Dans les cas où ce dernier s’absente du travail pendant trois (3) ou quatre (4) jours en raison de maladie sans motiver son absence auprès de son employeur et qu’une période de péremption est prévue à la convention collective, l’employeur peut-il alors mettre un terme à l’emploi du salarié une fois ce délai écoulé? Ou est-il tenu à d’autres obligations avant de pouvoir en arriver au congédiement de ce salarié? Le salarié est aussi tenu, tel que le prévoit l’article 79.2 de la L.n.t., à une obligation d’aviser lors d’une absence en raison de santé; est-ce que le défaut d’aviser en temps utile ou réglementaire justifie l’employeur d’imposer un congédiement à cet employé? Voilà autant de questions qui seront traitées dans le cadre de cette recherche. En contexte disciplinaire, la sévérité de la sanction doit être établie en tenant compte de la gravité du manquement commis. Plus le manquement sera grave, plus la sanction risque d’être sévère. Pour déterminer la gravité d’un manquement, il faut prendre en considération sa gravité objective et subjective85.

La gravité objective du manquement s’évalue par rapport à la faute elle-même et aussi par rapport aux circonstances atténuantes et aggravantes qui l’entourent. Parmi les facteurs aggravants se retrouvent la nature des fonctions occupées par l’employé en faute, la préméditation du geste posé, son comportement après le manquement, la nature non isolée ou répétitive de ce manquement, la nature des opérations de l’entreprise et l’âge du salarié

84 Id., p. 350.

fautif86. De l’autre côté, les facteurs atténuants viennent adoucir et modérer la sanction infligée par l’employeur87. Par conséquent, la nature des fonctions de l’employé fautif, la nature du manquement, les circonstances entourant la commission de la faute, l’absence de préméditation du geste posé sont souvent invoqués à titre de facteurs atténuants.

La gravité subjective, quant à elle, sera reliée aux circonstances atténuantes et aggravantes entourant le salarié et ses caractéristiques propres. Dans ce groupe88, on retrouve d’abord les caractéristiques personnelles du salarié, c’est-à-dire son âge, son degré d’instruction, son état de santé physique et mentale, son expérience, sa crédulité et son honnêteté.

Viennent ensuite l’ancienneté et le dossier disciplinaire du salarié. L’ancienneté fait office de cadre de référence pour le contenu du dossier disciplinaire. Ainsi, le fait d’avoir beaucoup d’ancienneté et un dossier disciplinaire vierge ou contenant très peu de mesures disciplinaires pourrait donner une certaine indication qu’il s’agit peut-être d’un acte isolé. À l’inverse, un dossier antérieur chargé sera un indice que le comportement du salarié ne va pas en s’améliorant. À moins d’une disposition contraire de la convention collective, le dossier disciplinaire comprend toutes les mesures disciplinaires imposées au salarié, dont celui-ci a eu connaissance et l’opportunité de contester par voie de grief.89 Certaines

conventions collectives peuvent restreindre le nombre de mesures qu’un employeur peut invoquer en précisant que seules les fautes de même nature peuvent être considérées ou en empêchant l’utilisation ultérieure d’une mesure disciplinaire après l’écoulement d’une certaine période de temps. On parlera alors d’une clause d’amnistie. Le salarié qui a déjà été sanctionné pour un ou des manquements analogues ou semblables à celui qui lui est reproché contribue à augmenter la gravité du manquement qui lui est reproché, même si celui-ci, pris isolément, aurait pu paraître bénin.

Tenant compte du manquement commis, ainsi que des circonstances atténuantes et aggravantes, la gravité de celui-ci sera plus ou moins importante. Si le manquement est

86 L. BERNIER, G. BLANCHET, L. GRANOSIK, E. SÉGUIN, op. cit., note 15, p. I /3-316. Voir aussi : C.

LE CORRE, M.-A. LAROCHE, L. BERNIER, op. cit., note 20, p. 59.

87 L. BERNIER, G. BLANCHET, L. GRANOSIK, E. SÉGUIN, op. cit., note 15, p. I /3-361.

88 Aux fins des circonstances atténuantes et aggravantes reliées à la gravité subjective de la faute, nous avons

retenu le regroupement exposé aux pages 262 à 269 de C. D’AOUST, L. LECLERC, G. TRUDEAU, op. cit., note 13, cependant, d’autres circonstances atténuantes et aggravantes sont ajoutées.

léger, il devrait donner lieu à la sanction la moins sévère, c’est-à-dire, un avertissement écrit. Si le manquement est grave, il donnera généralement lieu à une suspension plus ou moins longue, et s’il est très grave, le congédiement en découlera.