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Un manque de formation préjudiciable

CHAPITRE SECOND : LES DIFFICULTÉS TECHNIQUES DE LA COOPÉRATION

Section 2 Un manque de formation préjudiciable

Le manque de formation est également l'un des grands défis des agences de coopération policière internationale19, car il ne s'agit pas nécessairement de former quelques agents

spécialistes pour travailler en leur sein, mais l'effort doit se concentrer sur l'ensemble des forces qui doivent être en état de comprendre les méthodes et les principes de la coopération internationale.

En effet, la DRI, la DCI et les CCPD arrivent à obtenir de très bons résultats malgré des effectifs inférieurs à ceux de leurs voisins, ce qui illustre leur mérite et le bon fonctionnement général de ces institutions. Mais si elles n'ont pas besoin d'un nombre important de personnels en soit, contrairement à de nombreuses autres directions, c'est qu'elles comptent sur l'adoption de processus automatisés, qui pourront faciliter la tâche des agents déjà présents.

Un effort pourrait toutefois être fait sur l'apprentissage des langues, pour lequel seule la Police nationale verse une prime, ce qui est un bon exemple et un bel encouragement, mais certaines restent encore trop peu parlées parmi les agents français... Enfin, les opérateurs sont

18 Ibid. p.116.

19 Ibid p.192, proposition n°25 : « renforcer la formation initiale et continue aux systèmes d'information

Schengen dans les écoles de police, de gendarmerie, d'agents des douanes et de magistrats. »

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eux-mêmes formés aux derniers outils de la coopération policière, à l'image de SIENA.

Il ne s'agit toutefois guère d'une priorité, car le point critique est la formation de 140 000 policiers et de 120 000 gendarmes, en comptant les réservistes, à la coopération internationale. Ces agences ont constaté qu'il y a un gros déficit de connaissance de ces outils, que ce soit de leur existence ou de leur importance. En général, les agences les plus connues sont les CCPD, puis la DCI par des relations personnelles, le plus souvent. Le bureau SIRENE est connu et contacté, mais uniquement grâce à l'inscription de ses coordonnées directement dans le FPR ou FOVES en cas de « hit ».20 Sinon, c'est le reste devient tout de

suite très flou.

Pour faire connaître ces agences et leur fonctionnement, des formations ponctuelles sont organisées dans les commissariats et brigades, des manuels spécifiques sont imprimés, des cours sur la coopération internationale sont donnés durant la formation initiale des agents et même de nombreux magazines spécialisés s'attachent à décrire de façon simple et claire ces structures, comme Gend'Info,21 Police magazine22 ou Civique magazine23.

Toutefois, le travail ne s'arrête pas là, car en plus de connaître ces structures, il faut vouloir les utiliser. Il faut donc très pragmatiquement faire comprendre aux agents qu'employer tous ces outils n'est pas une perte de temps, quand bien même le résultat n'est pas toujours garanti. En effet, « il n'y a pas un policier qui va échanger comme ça une information. Il va le faire soit par intérêt, soit à cause de son supérieur, qui ne veut pas courir le risque de ne pas partager les informations. Depuis les attentats, on ne joue plus avec ça. »24 Il faut donc

changer cette tendance, afin que la prise de contact avec une agence ne soit pas motivée par la peur où le simple intérêt personnel, mais par la volonté de participer à un effort qui doit être collectif.

Or tous les services n'ont pas encore pris la mesure de l'importance de ces mécanismes. C'est donc plus qu'un travail de formation, consistant en la simple acquisition de connaissances brutes sur ce système, mais c'est une œuvre de conviction qu'il s'agit de réaliser. Il faut faire comprendre que malgré le temps nécessaire à la procédure, la surcharge des agents et l'incertitude du résultat, “ça vaut le coup”. Peut-être pas pour soi-même, mais pour garder, au moins, une trace de l'affaire dans les bases de données. Elle pourra éventuellement être exploitée plus tard, dans le cas de la survenance d'une nouvelle affaire.

20 Interview d'un agent, anonyme.

21 Gend'Info, Coopération opérationnelle internationale, n°402, février/mars 2018, où une planche entière

décrit le fonctionnement des agences de coopération internationale par un schéma clair et complet, p.16-17.

22 Police magazine, Dépasser les frontières, n°05 juin 2017, qui a publié également des planches claires et

diverses mettant en lien les fichiers de la police avec l'action des agences françaises de coopération, p.11, 12 et 13.

23 Civique magazine, Sirasco, lère du renseignement criminel européen, n°241, octobre-novembre 2017. 24 Interview d'un agent, anonyme.

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En outre, les enquêteurs n'ont pas le réflexe de penser en dehors de leur affaire, de se demander s'il y a eu quelque chose d'autre dans un autre pays. Par exemple, si un trafiquant français de drogue a été arrêté, les enquêteurs vont se concentrer principalement sur cette infraction. Peu vont avoir l'initiative de demander si la personne est connue autre part. Or si c'est le cas, le dossier pourra être d'autant plus renforcé que la personne est connue des polices européennes.

À côté des policiers, il y a aussi les magistrats à former, car eux aussi ont un rôle important à jouer, notamment à la frontière.

Toutefois, une trop forte participation entraînerait dans son sillage un gros problème : la submersion des systèmes. Lors d'une interview, un agent a pu dire que : « si demain, nos systèmes étaient bien connus et utilisés par ne serait-ce que les trois-quarts des commissariats, nous serions noyés. Nous ne sommes pas équipés pour ça. »25 Ainsi, les

agences françaises se retrouvent dans la situation ambivalente de devoir former le plus de policiers possible à l'usage de ces canaux, mais dans le même temps, elle ne pourrait plus travailler si cet objectif était rempli. Il est donc d'autant plus urgent de restructurer l'architecture informatique de ces agences de façon globale.

Mais à côté de cette réforme, le rapport présidé par le Sénateur Requier encourage « les policiers et gendarmes à se servir des outils de la coopération sans passer par les services spécifiques »26. Or il serait beaucoup trop difficile aux agents de pouvoir s'orienter facilement

dans cet univers et les offices centraux répondent déjà en partie à cet objectif. Malheureusement les moyens de communication de ces derniers ne permettent pas d'effectuer des recoupements et des analyses générales. Les offices centraux ne sont utiles aux agents que dans le cadre de coopérations ponctuelles et concentrées sur l'obtention d'informations précises.

25 Interview d'un agent, anonyme.

26 Rapport n°484, présidé par le Sénateur Jean-Claude REQUIER, 29 mars 2017, op. cit. p.192.

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