nombre d’obstacles.
M. Fabre a précisé que toutes les représentations ne constituent pas nécessairement des
obstacles, d’où la nécessité de bien les repérer. Il note en effet que c’est notamment lorsque
les élèves sont en contact avec un problème, pas nécessairement dans le contexte scolaire, et
même le plus souvent en dehors de l’école, qu’ils vont mettre en œuvre des représentations de
la situation. Mais s’il y a problème, c’est bien parce que ces représentations sont insuffisantes,
erronées ou inadéquates. Il dresse une typologie des différents types de représentations, pour
préciser la notion d’obstacle :
- les conceptions sont insuffisantes si le sujet manque tout à fait de connaissances dans le
domaine. Ce manque de connaissances n'est pas un obstacle à l’apprentissage, surtout si le
sujet en est conscient.
- les conceptions peuvent se révéler inadéquates "si elles se trouvent en excès ou en défaut
par rapport à l’interprétation canonique du problème. Le sujet peut en effet se donner des
contraintes surnuméraires ou au contraire en ignorer certaines" (Fabre, 1999, p. 157).
- les conceptions peuvent enfin se révéler erronées, au point d’exiger un remaniement
complet. Selon M. Fabre, c’est ici qu’intervient l’idée d’obstacle, et il propose pour sa part
de bien distinguer ce qui fait problème et ce qui fait obstacle : "un obstacle est une
connaissance positive qui, dans un certain contexte, produit des réponses adaptées, mais
conduit à des erreurs hors de ce contexte. Cette connaissance résiste aux contradictions et
continue à se manifester même après la prise de conscience de ses imperfections" (Fabre,
1999, p. 160). La question qui se pose alors est bien celle du franchissement de l’obstacle.
III. 5 – Faire avec pour aller contre
G. de Vecchi et N. Carmona ont tracé un inventaire des différentes façons de se situer par
rapport aux conceptions des élèves :
- on peut d’abord "faire sans" : les auteurs indiquent que c’est ce qui se fait le plus souvent
puisque les enseignants ignorent généralement les conceptions de leurs élèves sur tel ou
tel objet d’enseignement, même si la pratique consistant à faire émerger les
représentations tend à se développer. Cette "négation" des connaissances préalables des
élèves est remise en cause par les auteurs qui indiquent que ces dernières persistent
durablement, se renforcent même et aboutissent à la constitution d’un véritable blocage
pour l’acquisition de nouveaux savoirs.
- on peut ensuite "faire contre" : pour les auteurs, c’est la stratégie la plus courante chez
les enseignants qui cherchent à faire émerger les représentations de leurs élèves. Une fois
celles-ci connues cela permet aux enseignants d’identifier les erreurs des élèves, et de les
"rectifier" : "tu penses cela : tu te trompes ; voici quelle est la vérité" (De Vecchi et
Carmona, 1996, p. 59). Mais en fait, là encore cette démarche s’avère inefficace,
notamment lorsque les représentations se présentent effectivement sous la forme d’un
modèle construit et cohérent.
A. Giordan propose donc de "faire avec pour aller contre" :
-"Faire avec", car comme nous l’avons vu il n’est pas possible d’ignorer les
représentations. Il faut les connaître pour anticiper les obstacles rencontrés par les élèves. Il
faut prendre en compte le fait que ce sont les représentations qui constituent la base de
connaissances dans laquelle l’élève va puiser lorsqu’il est confronté à une situation
problème.
-"Aller contre", car il s’agit bien de franchir l’obstacle, pour parvenir à des connaissances
plus proches des connaissances scientifiques, plus riches de contenus, mais aussi mieux
définies.
A. Giordan utilise la métaphore de la planche à voile qui doit atteindre une bouée sous le vent.
Le véliplanchiste ne peut aller directement à la bouée (il ne le pourrait que s’il avait un vent
arrière), il doit donc louvoyer et remonter contre le vent. C’est la démarche tâtonnante de
l’élève qui cherche à parvenir à la compréhension d’un phénomène mais qui doit pour cela
modifier des représentations qui résistent. Poursuivant sa métaphore, Giordan écrit, parlant du
véliplanchiste : "et comment pourra-t-il avancer ? Il ne le pourra qu’en prenant appui sur
quelque chose de fragile et de très instable comme peut l’être une planche à voile. Pourtant,
c’est le seul objet sur lequel il peut prendre appui, tout comme les conceptions ! Ensuite, cette
élaboration se poursuit en interaction entre le savoir et les conceptions de l’apprenant tout
comme la planche avance en interaction entre le vent, sa voile et sa dérive" (Giordan, 1993, p.
266).
Pour articuler représentations sociales et apprentissages, A. Giordan propose un "modèle
allostérique". Pour cet auteur, la structure des conceptions sera modifiée lorsqu’une nouvelle
connaissance est intégrée. L’apprentissage ne consiste donc pas dans l’empilement de
connaissances juxtaposées, mais dans la restructuration et la complexification des conceptions
préexistantes.
De la même façon pour De Vecchi, il serait malvenu de chercher à "extirper une
représentation fausse. En effet, celle-ci fait partie intégrante du savoir de l’élève". Il faut donc
faire avec pour aller contre "en plaçant celui qui apprend face à une ou des
situations-impasses qui ne lui permettent plus de faire fonctionner son modèle explicatif… donc qui
l’obligent à le modifier, à le réorganiser" (De Vecchi, 1992, p. 113).
Dans une perspective voisine on peut évoquer le concept d’objectif-obstacle proposé par J.-L.
Martinand. Un exemple emprunté à l’enseignement de l’économie permettra d’en montrer la
pertinence. Les élèves ont généralement des conceptions qui associent "entreprise" et
"industrie" : pour eux, bien souvent, une entreprise est une usine. On peut donc les confronter
à un document (écrit ou audiovisuel) concernant une entreprise agricole par exemple. Dès lors
un obstacle apparaît, l’emploi du terme "entreprise" constitue pour l’élève un obstacle. Il ne
va pouvoir franchir cet obstacle qu’à condition d’atteindre un objectif du dispositif
d’apprentissage : se forger une conception de l’entreprise plus riche et plus proche de la
définition scientifique.
G. de Vecchi (1992) propose alors une démarche simple pour faire évoluer une conception
d’élève :
• Analyse de la production des élèves : recherche de ce qui semble vrai (même si c’est
maladroit) et de ce qui est à remettre en cause.
• Définition d’un objectif-obstacle : un obstacle décelé chez les élèves et qu’on se
donne comme objectif de dépasser.
• Mise en place d’une situation de rupture : élèves placés dans une situation-impasse
(devant un ou plusieurs faits qui contredisent leur modèle explicatif) : il s’agit de créer
un conflit socio-cognitif.
• Aide à la réorganisation du savoir : mise en place de situations pédagogiques, apport
d’informations complémentaires, éventuellement réponses à d’autres questions
tournant autour du sujet.
• Retour sur la conception fausse : analyse avec les élèves du "pourquoi" de leur
erreur.
• Stabilisation du nouveau savoir : utilisation de ce nouveau savoir dans des situations
nouvelles.
Stratégies que l’on peut utiliser quand les élèves sont placés dans une
Dans le document
Analyse des méthodes d'enseignement des sciences économiques dans le système éducatif Libanais
(Page 146-149)