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4. LEVIERS GOUVERNEMENTAUX À L’INTÉGRATION DU DÉVELOPPEMENT

4.4 Mandat

Cette dernière catégorie concerne les leviers qui servent à établir « un cadre légal contraignant pour contrôler certains aspects des investissements d’affaires et des politiques opérationnelles » des PME (Labelle et al., 2017). Elle inclut entre autres les lois et les règlements, le suivi qui permet d’assurer le respect de ceux-ci ainsi que les sanctions qui accompagnent un éventuel manquement. Une multitude de lois et règlements peuvent être adoptés, parfois à portée plus environnementale, comme ceux relatifs aux rejets polluants des entreprises, et d’autres fois à portée plus sociale, comme ceux sur la discrimination ou la santé et sécurité au travail. (Labelle et al., 2017) Toutefois, dans l’optique d’intégrer le développement durable et toutes ses dimensions aux PME du Québec, un levier plus général doit être considéré. Ainsi, la prochaine sous-section analyse l’adoption de lois et de règlements qui contraignent les PME à intégrer le développement durable à leurs activités.

54 4.4.1 Adoption de lois et de règlements contraignants

Compte tenu de la grande diversité des PME, aucun des leviers analysés dans ce chapitre ne peut prétendre fonctionner à coup sûr pour chacune d’entre elles. En effet, les incitatifs financiers et fiscaux et l’offre d’accompagnement personnalisé sont des exemples de leviers susceptibles de les inciter à agir, mais certaines PME n’intègreront le développement durable à leurs activités que si elles sont légalement contraintes à le faire (Chassé, 2013). Ainsi, selon le contexte, un cadre législatif plus strict « peut permettre d’atteindre des résultats similaires à une configuration qui valorise le soutien et la facilitation », donc peut être aussi efficace que les autres leviers précédemment analysés (Labelle et al., 2017). Plusieurs études démontrent effectivement qu’un cadre législatif plus contraignant pour les PME, entre autres par l’adoption de lois et de règlements, est l’un des facteurs qui les incitent à entreprendre des initiatives durables. (Boivin et al., 2018; Brammer et al., 2012; Cadieux et Taravella, 2014; Ervin et al., 2013; FCEI, 2017; Larbi et al., 2013; OCDE, 2018b; Williams et O’Donovan, 2015) La présence de lois et de règlements entrainerait même éventuellement les PME au troisième niveau de maturité sur l’échelle de BNQ 21000 (Cadieux et Taravella, 2014), les faisant ainsi passer d’un état de réflexion à l’un d’action (BNQ, 2011). Toutefois, lorsque les PME agissent et se conforment à la règlementation en vigueur, elles peuvent ensuite être tentées par le retour au statuquo (Mom et al., 2014). Une fois l’objectif règlementaire atteint, certaines PME ne sont plus motivées à investir des efforts supplémentaires afin de mener leurs initiatives durables plus loin. Pour remédier à une telle situation, Cadieux et Taravella proposent d’instaurer à la fois des échelons et des incitatifs dans la règlementation. En faisant cela, les PME seraient constamment encouragées à progresser dans leur démarche afin d’atteindre un niveau supérieur, où certains bénéfices les attendent, comme des déductions ou exemptions fiscales. (Cadieux et Taravella, 2014) D’ailleurs, que ce soit pour qu’elles aillent au-delà de la règlementation ou simplement pour qu’elles s’y conforment, plusieurs PME ont « besoin d’un support direct », c’est-à-dire de l’aide et des ressources nécessaires à leur progression (Wilson, Williams et Kemp, 2012). Ainsi, après avoir adopté une quelconque disposition contraignante en termes de durabilité, le gouvernement devrait supporter les PME en utilisant conjointement d’autres leviers analysés dans ce chapitre, notamment ceux de la catégorie « soutien » (Études économiques de Mouvement Desjardins et CIRANO, 2014).

Malgré le potentiel du présent levier, réussir à mettre en place une règlementation juste et efficace est un défi considérable pour le gouvernement. En effet, compte tenu de la diversité des PME et de leurs besoins ainsi que du manque d’information sur leur niveau de conformité actuel, adopter un cadre législatif adéquat est une tâche complexe (Jansson et al., 2017; OCDE, 2018a). De plus, les dirigeants de PME ne souhaitent pas nécessairement être légalement obligés à agir dans le sens du développement durable (Chassé, 2013). Même si les PME québécoises sont « plus favorables à un durcissement de la règlementation […] que les

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PME françaises » en matière de durabilité (Labelle et al., 2017), elles craignent subir le contrecoup d’un cadre législatif trop strict. Une telle sévérité supplémentaire dans la règlementation inquiète les PME, entre autres parce qu’elles considèrent que cela pourrait brimer leur croissance en les forçant à utiliser des ressources qu’elles ne possèdent pas (Mom et al., 2014). En effet, les entreprises de petite taille n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour « absorber les couts engendrés par de nouvelles normes » et sont habituellement beaucoup plus affectées par les changements au sein de la règlementation que les grandes entreprises (FCEI, 2017). D’ailleurs, dans son Rapport sur la règlementation intelligente et les mesures gouvernementales d’allègement règlementaire et administratif, le gouvernement du Québec affirme que respecter les lois et règlements en vigueur et remplir les documents administratifs qui y sont liés « engendrent des couts pour les entreprises et accaparent des ressources humaines qui pourraient être utilisées à des fins plus productives » (2019). La FCEI est du même avis et souligne que les ressources et le temps investis dans les formalités administratives pourraient être utilisés par les PME pour une cause plus importante, comme la « réduction de leurs émissions » polluantes (2017).

Étant conscient du fardeau législatif déjà porté par les PME, le gouvernement a néanmoins prévu que les nouvelles obligations légales, qu’elles soient par rapport au développement durable ou non, leur nuisent le moins possible. De ce fait, si une nouvelle règle est établie pour l’ensemble des entreprises de la province, les PME auront possiblement droit à « une exemption totale, partielle ou temporelle » ou encore à « une simplification des règles ou [une] adaptation de l’information » afin que cette règle leur soit plus appropriée (Gouvernement du Québec, 2019). Cependant, la possibilité de faire de tels ajustements règlementaires ne doit pas s’opposer à l’analyse préalable des impacts de la règlementation sur les PME. En effet, de façon cumulative, les exigences législatives peuvent entrainer des retombées incohérentes avec le concept de développement durable, comme une diminution de leur compétitivité ou de leur capacité à croitre et à innover. (Études économiques du Mouvement Desjardins et CIRANO, 2014; Gouvernement du Québec, 2019) Avant d’adopter des lois et des règlements en faveur du développement durable, il est donc important d’évaluer autant les retombées positives que celles qui sont négatives.

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