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La maladie thromboembolique veineuse : Une maladie aux multiples facettes

Partie I : De la physiologie de l’hémostase à la maladie thromboembolique

2. La maladie thromboembolique veineuse

2.4 La maladie thromboembolique veineuse : Une maladie aux multiples facettes

Ce titre est évocateur, mais au juste qu’est-ce qu’une thrombose veineuse ?

Une thrombose veineuse, comme nous l’avons définit précédemment, consiste en l’oblitération plus ou moins complète d’une veine profonde par un thrombus suite à une « aberration de l’hémostase physiologique », dont le développement repose sur des acteurs ou des facteurs étiologiques privilégiés [16]. Elle peut atteindre les veines superficielles ou profondes.

Le thrombus veineux se développe généralement dans les zones de bas débit sanguin comme les sinus veineux ou les sacs valvulaires des veines profondes des membres inférieurs comme le montre la figure 6.

Figure 6 : Développement des thrombis au niveau des sacs valvulaires des veines du membre inférieur [17]

Il faut différencier la TVP de la thrombose veineuse superficielle (TVS) également appelée péri ou para-phlébite de part leur localisation comme de leurs complications potentielles. La TVS se caractérise par la formation d’un caillot dans le réseau veineux superficiel du membre inférieur qui s’oppose à la circulation du sang.

Cette pathologie est une complication fréquente de la maladie variqueuse. En effet, une veine variqueuse est anormalement dilatée et présente un contour sinueux entraînant un reflux sanguin en aval, on parle alors d’insuffisance veineuse.

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Cette hémodynamique altérée est propice au développement d’un caillot qui, par extension, peut atteindre le système veineux profond par les veines perforantes et se compliquer d’une TVP. Heureusement cette complication est rare. La TVP ou phlébite quant à elle trouve ses origines dans le même mécanisme physiopathologique mais cette fois ci directement dans le système veineux profond.

Au niveau clinique, les signes d’une TVP sont souvent polymorphes.

Classiquement une TVP se caractérise par une douleur au mollet ou une sensibilité des veines du mollet. Une dilatation veineuse laissant souvent apparaitre un cordon palpable sur l’ensemble du trajet de la veine atteinte. Un membre atteint plus chaud et plus rouge que l’autre , souvent œdémateux avec présence du signe de « Homans », à savoir qu’à la dorsiflexion du pied la douleur est exacerbée. En cas d’œdème massif et brutal, les structures situées sous l’aponévrose musculaire sont comprimées, notamment la circulation artérielle, ce qui se manifeste par des signes d’ischémie avec une cyanose s’étendant sur tout le membre. Celle-ci peut parfois s’accompagner d’un état de choc, c’est la phlébite bleue qui constitue une urgence thérapeutique. Ce type particulier de TVP est très rare représentant moins de 1% des TVP.

A contrario, dans la majorité des cas, les signes cliniques sont frustres, voir même inexistants. Pour preuve, on estime que 80 % des TVP sont silencieuses cliniquement et qu’ainsi, une TVP asymptomatique est retrouvée chez 70 à 90 % des patients présentant une EP confirmée cliniquement. Ce qui pose un problème de diagnostic majeur. [18], [19]

Concernant les TVP, il faut également différencier les TVP proximales, c'est-à-dire celles touchant des veines situées à la racine du membre, qui sont beaucoup plus à risque de se compliquer d’une EP car le caillot est situé dans des veines de plus gros calibre et plus proche du cœur, des TVP distales situées davantage vers l’extrémité du membre, qui à l’inverse ne se compliquent que beaucoup moins fréquemment d’une EP même si ce risque n’est pas à exclure.

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Nous venons d’étudier ce qu’était une TVP, mais pourquoi sont elles si préoccupantes en terme de santé publique ?

Cela tient du fait que la complication majeure de ces TVP du membre inférieur est l’EP, une pathologie grave mettant en jeu le pronostic vital. [20]

Le taux de mortalité peut atteindre 40% sans traitement mais cela dépend du type d’EP, de la tolérance hémodynamique individuelle et du terrain. A l’origine de l’EP, il y a une fragmentation du thrombus formé puis une migration de celui-ci via le système veineux jusqu’à la circulation pulmonaire.

On distingue deux types d’EP, les EP massives et non massives. Les premières sont les plus graves car elles oblitèrent totalement le tronc de l’artère pulmonaire ou l’une des ses branches provoquant une ischémie du parenchyme pulmonaire et une chute du débit sanguin pulmonaire pouvant conduire à un choc cardiogénique. Ces conséquences délétères peuvent favoriser l’apparition d’un syndrome de cœur pulmonaire aigu correspondant à une insuffisance du cœur droit et survenant brutalement et consécutivement à une augmentation de la pression à l'intérieur des artères pulmonaires. [21]

A l’extrême et sans traitement approprié, la défaillance cardiaque peut conduire à un arrêt cardiaque et au décès du patient. Suivant le type d’EP, les manifestations cliniques peuvent être très variables. Elles peuvent être discrètes ou même absentes lorsque le thrombus est de petite taille ou se manifester plus clairement en cas d’EP massive. Dans ce cas, les signes les plus fréquents sont une gène ou des douleurs thoraciques, une toux, des hémoptysies en cas d’infarctus pulmonaire, une dyspnée d’apparition brusque, une polypnée avec des signes d’hypoxie comme la cyanose des extrémités, une tachycardie ou des signes d’instabilité hémodynamique.

Cette complication gravissime étant souvent insidieuse, on comprend ainsi l’importance d’une prophylaxie appropriée et d’un dépistage systématique dans des contextes à haut risque de thrombose comme la chirurgie orthopédique majeure du membre inférieur.

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Figure 7 : Migration d’un caillot d’une veine du membre inférieur vers les poumons [22]

Une autre complication des TVP est le syndrome post-phlébitique. Il se caractérise soit par une obstruction induite par un œdème, soit par un reflux avec suppléance ou développement des réseaux saphènes, ou encore un reflux avec reperméation et destruction du système valvulaire entraînant une stase importante [21]. Dans tous les cas, ces mécanismes concourent au développement de symptômes invalidants comme des œdèmes réfractaires, des varices, une dermite ocre, des ulcères variqueux ou encore des lésions eczématiformes.

Toutefois, cette complication ne met pas en jeu le pronostic vital, seulement le pronostic fonctionnel du membre atteint, ce qui est tout de même problématique.

Après toutes ces précisions, on comprend donc aisément que suivant la localisation superficielle ou profonde, proximale ou distale du caillot, les conséquences sont très variables. Intéressons nous désormais aux facteurs de risques des thromboses veineuses, c'est-à-dire aux facteurs qui vont favoriser leur formation.

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