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Maladie d'Alzheimer

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Chapitre 1 : Physiologie et Pathologie de la protéine Tau

B. La physiopathologie de la protéine Tau

I. Les tauopathies

2 Maladie d'Alzheimer

a Quelques données épidémiologiques

La maladie d’Alzheimer est la forme la plus commune de démence. En effet, celle-ci représente entre 50 et 70% des cas de démence (Fratiglioni et al., 1999, 2001). A ce titre, elle constitue un enjeu majeur de santé publique. Selon le « World Alzheimer Report 2015 », on estime environ 47 millions de personnes affectées à travers le monde. D’après les projections épidémiologiques, ce chiffre devrait croître à 70 millions en 2030 et atteindre 131 millions de personnes en 2050. L’Organisation Mondiale de la Santé estime que la maladie d’Alzheimer revêt un caractère épidémique. Toutefois, un faisceau d’études récentes montrent un déclin progressif de l’incidence des démences dont la maladie d’Alzheimer dans les pays développés

30 (Satizabal et al., 2016). Cette tendance s’expliquerait par l’amélioration de l’hygiène de vie : alimentation, activité physique ainsi qu’une diminution de la consommation de tabac et d’alcool (Pour revue Arab and Saggabh, 2010).

b Définition clinique

La maladie d’Alzheimer progresse lentement et grossièrement selon trois stades. Le premier stade est dit « Mild Cognitive Impairement » (MCI), correspondant à la phase prodromique. Ces premiers symptômes consistent en des troubles de la mémoire épisodique à court-terme accompagnés d’une amnésie antérograde, c’est-à-dire une difficulté à stocker de nouvelles informations. La mémoire épisodique est une forme de mémoire explicite et permet de se souvenir d’évènements vécus et de leurs contextes. Le stade modéré correspond typiquement à la phase la plus longue de la maladie. Son évolution va conduire vers un déclin progressif et sévère des fonctions cognitives, une détérioration de la mémoire à long-terme et s’accompagner d’une apraxie, d’une agnosie et d’une aphasie. Ces perturbations accentuent les difficultés du patient à planifier et s’orienter. Parfois, des troubles comportementaux tels qu’une agressivité et de la paranoïa apparaissent. A terme, le patient sombre inéluctablement vers une perte totale d’autonomie, on parle alors de stade sévère. Cette détérioration est lente et peut s’étaler sur une longue période de vie. Aux stades très sévères de la pathologie, le décès survient à cause de facteurs externes : dénutrition, infection, asphyxie.

c Neuropathologie

A l’échelle macroscopique, l’examen anatomopathologique et l’analyse IRM révèlent que la maladie est caractérisée par une atrophie symétrique progressive du cortex et d’un élargissement des ventricules latéraux (Fig. 9). La première zone affectée est le lobe médian du cortex temporal en particulier le cortex enthorinal et l’hippocampe (Braak and Braak, 1991). Puis, l’atrophie se propage de manière stéréotypée au cortex temporal et enfin à l’ensemble des aires associatives du néocortex (Migliaccio et al., 2015). Cette perte est la conséquence directe de la mort neuronale.

31 Figure 9 – Comparaison neuro-anatomique du cerveau d’un sujet contrôle et d'un patient Alzheimer. Une importante atrophie du cerveau et un élargissement des ventricules sont observés au niveau du cerveau du patient Alzheimer (C-D) comparativement au cerveau du sujet contrôle (A-B). La flèche blanche indique la position de l’hippocampe. (Extrait de Soto- Rojas et al., 2015)

L’analyse histopathologique de cerveaux de patients atteints de la maladie d’Alzheimer montre la présence caractéristique de deux stigmates : des plaques amyloïdes extracellulaires ainsi que des dégénérescences neurofibrillaires intraneuronales (Fig. 10).

32 Figure 10 – Lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer. A gauche, une dégénérescence neurofibrillaire mis en évidence par immunohistochimie à l’aide de l’anticorps anti-Tau AT8 dirigé contre des épitopes phosphorylés de la protéine Tau : sérine 202 et Thréonine 205 (extrait de Hasegawa, 2006). A droite, des plaques amyloïdes mis en évidence par immunohistochimie à l’aide d’un anticorps dirigé contre le peptide β-amyloïde 33.1.1 (extrait de Murray et al., 2014).

i. Les plaques amyloïdes

Les plaques amyloïdes résultent de l’accumulation extra-cellulaire du peptide beta amyloïde. Deux espèces de peptides beta amyloïde composent ces plaques : l’Aβ40 et l’Aβ42, correspondant respectivement aux nombres d’acides aminés dont ils sont respectivement constitués. Ces peptides sont des produits de clivage de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP), une protéine transmembranaire, présente dans les neurones. La production d’Aβ est le fruit de la voie amyloidogénique correspondant au clivage séquentiel de l’APP par des beta et gamma secrétases (Fig. 11).

33 Figure 11 – Protéolyse de l’APP. Le métabolisme de la protéine APP peut se faire selon deux voies : la voie amyloidogénique et non-amyloidogénique. La voie non-amyloidogénique correspond au clivage séquentiel de l’APP par l’α-secrétase et la γ-secrétase. La voie amyloidogénique correspond au clivage séquentiel de l’APP par la β-secrétase et la γ-secrétase et conduit à la production du peptide Aβ.

Dans la maladie d’Alzheimer, la distribution de ces dépôts de peptides beta amyloïde progresse selon une séquence bien décrite nommée stades de Thal. Initialement présentes dans le néocortex, les lésions vont peu à peu toucher le cortex enthorinal, l’hippocampe puis affecter des structures plus profondes tels que le thalamus, l’hypothalamus, les ganglions de la base notamment (Thal et al., 2002) (Fig. 12).

34 Figure 12 – Progression des plaques amyloïdes au cours de la pathologie Alzheimer. Lors de la phase 1, les plaques amyloides sont localisées au sein de l’isocortex (en noir). La phase 2 est caractérisée par l’atteinte de structures allocorticales telles que l’hippocampe et l’amygdale. Au cours de la phase 3, les plaques amyloides atteignent le diencéphale et le striatum. Aux phases ultimes, 4 et 5, une atteinte des noyaux du tronc cérébral apparaît. De plus, la phase 5 est associée à une apparition de plaques amyloides au sein du cervelet (adaptée de Thal et al., 2002).

ii. Les dégénérescences neurofibrillaires

L’examen au microscope électronique de l’ultrastructure des dégénérescences neuro- fibrillaires a permis de dévoiler leur nature fibrillaire. Elles sont principalement composées de fibrilles hélicoïdales appariés ou PHF (Paired Helicoidal Fibrils) (Kidd et al., 1963). L’isolation de ces PHF à partir de cerveaux de patients Alzheimer permit la caractérisation biochimique de son principal composant : une protéine d’environ 50kDa appartenant à la famille des MAP (Grundke-Iqbal et al., 1979; Iqbal et al., 1974). En 1985, à l’aide d’anticorps anti-DNF et anti- Tau, une étude publiée en français identifie Tau comme l’élément principal des dégénérescences neuro-fibrillaires (Brion et al., 1985). Dans la foulée, de nombreux travaux confirmèrent ce résultat (Delacourte and Defossez, 1986; Grundke-Iqbal et al., 1986a; Ihara et al., 1986; Kosik et al., 1986). La même année, l’hyperphosphorylation de la protéine Tau, au sein des DNF, est décrite pour la première fois (Grundke-Iqbal et al., 1986b).

L’évolution spatiotemporelle de ces lésions est stéréotypée, hiérarchisée. Ainsi différents « stades de Braak » décrivent l’évolution topographique de ces lésions et permettent d’évaluer la gravité de la pathologie. Aux premiers stades de la pathologie, les DNF sont

35 localisés au niveau du cortex trans-enthorinal. Puis, les DNF progressent vers le cortex limbique au niveau de l’hippocampe, structure qualifiée de « siège de la mémoire ». Les lésions gagnent ensuite les aires associatives du néocortex. Aux stades les plus sévères de la pathologie, la présence de DNF est généralisée dans l’ensemble du cortex (Fig. 13) (Braak and Braak, 1997; Delacourte et al., 1999). De surcroît, la progression de ces lésions est corrélée avec le déclin cognitif observée chez les patients (Delacourte et al., 1999; Duyckaerts and Hauw, 1997).

Figure 13 – Progression de la dégénérescence neurofibrillaire au cours de la maladie d’Alzheimer. L’apparition des DNF progresse de façon stéréotypée au sein des structures cérébrales et forme un continuum. Les premières DNF apparaissent dans le cortex trans- enthorinal (Stade I) puis envahissent le cortex enthorinal et la région de la CA1 de l’hippocampe (stade II). Ensuite, l’ensemble de l’hippocampe est atteint et des DNF apparaissent dans le cortex associatif (stade III et IV). Aux stades utltimes, elles gagnent l’ensemble des aires corticales (adaptée de Braak and Del Tredici, 2013)

d Une maladie multifactorielle

On distingue les formes sporadiques de la maladie d’Alzheimer des formes familiales. A l’exception de ces formes héréditaires causées par des mutations de gènes spécifiques, la maladie d’Alzheimer résulte d’un ensemble de facteurs de risques.

Parmi eux, le plus déterminant est l’âge. Bien que relativement démuni face à ce dernier, d’autres facteurs de risques sur lesquels nous pouvons avoir une emprise partielle existent. De nombreuses études appuient sur l’importance de facteurs associés à notre mode de vie tels que les risques cardio-vasculaires, l’hypertension, le diabète, l’obésité, la dépression, l’inactivité physique, un faible entretien de la réserve cognitive, le tabagisme ou le régime alimentaire (Norton et al., 2014). De manière intéressante, les actions de préventions de ces risques ont permis de diminuer l’incidence des cas de démences d’environ 30% d’après une étude épidémiologique réalisée aux Pays-Bas sur 10000 participants (De Bruijn et al., 2015).

36 Des facteurs de susceptibilité génétique existent. Parmi eux, l’allèle apolipoproteine ε4 (APOE4) a été identifié comme le principal facteur de risque génétique pour développer une maladie d’Alzheimer. APOE est un transporteur du cholesterol impliqué dans la clairance du peptide aβ (Castellano et al., 2011). Les porteurs hétérozygotes et homozygotes de l’allèle ε4 sont respectivement 3 et 12 fois plus susceptible d’être affectés comparativement aux porteurs du génotype le plus fréquent ε3/ε3 (Corder et al., 1993). Récemment, des études d’associations pangénomiques (Genome Wide Association Study) ont permis d’identifier une vingtaine de loci de susceptibilité (pour revue Van Cauwenberghe et al., 2016).

Outre ces formes dites « sporadiques », moins de 1% des cas Alzheimer correspondent à des formes familliales résultants de mutations localisées dans trois gènes : le gène de l’APP, de la préséniline 1 et 2 (Bekris et al., 2010). Ces présénilines appartiennent au complexe gamma sécretase impliqué dans la production du peptide aβ (Karran et al., 2011). Ces formes autosomales dominantes sont caractérisées par une apparition précoce de la pathologie.

e L’hypothèse de la cascade amyloïde : la pathologie Tau

est-elle un épiphénomène ?

Ces formes génétiques de la maladie d’Alzheimer associées à l’APP ont conduit à l’émergence de l’hypothèse de la cascade amyloïde (Hardy and Higgins, 1992). Elle postule que l’agrégation des peptides beta amyloïdes en plaque est le phénomène central à l’origine de la maladie d’Alzheimer. Cette théorie est appuyée par les observations réalisées chez les patients souffrant de trisomie du chromosome 21, possédant de fait trois copies du gène APP. Ces derniers présentent un risque accru de développer une démence de type Alzheimer.

Cependant, cette hypothèse est controversée. En effet, de manière inattendue, l’apparition des DNF précèdent généralement celle des dépôts amyloïdes (Duyckaerts and Hauw, 1997). Ainsi Braak rapporte que la pathologie Tau se développe avant l’agrégation d’Aβ et qu’aucun sujet Alzheimer ne présente de pathologie Aβ sans pathologie Tau (Braak et al., 2011). De plus, à l’inverse des lésions amyloïdes, la distribution spatio-temporelle des DNF est corrélée au déclin cognitif au cours de la maladie d’Alzheimer (Dickson et al., 1995; Giannakopoulos et al., 2003).

37 S’éloignant de la représentation linéaire que proposait originellement la cascade amyloïde, de nombreuses études tendent à montrer que la pathologie Tau et beta amyloïde agissent en synergie (pour revue Bloom, 2014).

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