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3. Résultats

4.2 La maison / idéal domestique

L’analyse des petites annonces donne de nombreuses informations qui permettent d’établir l’évolution des caractéristiques de la maison en tant que lieu de la vie domestique. C’est cet idéal domestique que nous décrivons ici.

4.2.1 Trois à quatre chambres, dont une au rez-de-

chaussée

66% des annonces indiquent une maison de type 4 ou 5 (Figure 27). Ces résultats sur les maisons du second marché correspondent à ceux de la commercialisation des maisons neuves en France. Selon les statistiques officielles en effet (5), 70,43% des maisons mises sur le marché sont de type 4 ou 5.

L’analyse des annonces du Sud (Figure 29) montre une diminution dans le nombre de pièces entre 1985 et 2005, les maisons passant d’une plus forte présence de T4/T5 à celle de T3/T4. Nous n’avons pas pu trouver de statistiques spécifiques aux régions du Sud qui puissent étayer ces résultats.

L’étude du nombre de chambres confirme les résultats obtenus sur le type. En effet, la plupart des maisons présentent de 3 à 4 chambres (Figure 32) et l’évolution du nombre de chambres par maison indique une augmentation des maisons de 3 chambres en détriment de celles de 2 ou 5 chambres. Ces résultats sont en corrélation avec l’évolution des types des maisons (T4 et T5).

La présence d’au moins une chambre au rez-de-chaussée dans les maisons à étages est très faible en 1985, mais elle présente une hausse notable pour atteindre plus de 3% des maisons en 2005. Cette progression montre l’intérêt des habitants pour ce type de distribution, et correspond aux conclusions de Bellanger (2000). Ce dernier voit dans la chambre au rez-de-chaussée une solution pour accommoder les nouvelles compositions du foyer : familles recomposées, accueil d’un parent âgé, indépendance d’un adolescent ou des parents, etc. Nos résultats montrent que la majorité des références à une chambre au rez-de-chaussée sont dans l’Ouest. Cette tendance peut s’expliquer par le fait que les maisons du sud sont des maisons moins urbaines, avec plus de terrain, et par conséquence plus souvent de plain-pied. La typologie des maisons du Nord au contraire (construction à plusieurs étages de plus faible surface sur un terrain urbain étroit) ne permet pas d’installer facilement une chambre au rez-de-chaussée.

5. Ministère des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, SESP N° 343 août 2006

4.2.2 Un espace social informel, prolongé par une

terrasse et le jardin

Alors que l’espace social le plus présent dans les annonces classées est le « séjour », il est intéressant de faire remarquer que c’est le « salon- séjour » qui connaît la plus forte évolution moyenne et que c’est la « pièce de vie » qui présente la plus forte émergence.

Le « séjour » est principalement décrit par sa taille en mètres carrés, information objective qui permet de juger immédiatement les usages potentiels de la pièce ainsi nommée. Il est aussi qualifié, mais dans une proportion moindre, par sa taille subjective (« grand », « vaste », etc.). Les références aux ambiances lumineuses et à l’orientation sont aussi importantes. Ces résultats rejoignent notre recherche précédente (Rodriguez 2004) qui met en évidence l’importance de l’orientation des ouvertures et de l’éclairage naturel des pièces de vie de la maison individuelle périurbaine (espaces avec triple orientations, avec une ouverture principale de préférence vers le jardin et vers le sud).

Le « séjour » est également associé au « parquet », qui présente une progression très importante entre 1985 et 2005, ainsi qu’avec l’objet « cheminée », qui reste assez stable. On trouve souvent des descriptions du type « beau séjour sur parquet avec cheminée ». Ce sont des éléments qui valorisent l’espace social en tant que lieu chaleureux et accueillant (idée du foyer).

« Pièce de vie » fait son apparition en 1995 et présente une très forte croissance principalement dans l’Ouest. Dans cette région, elle atteint 8% des annonces en 2005. Cette référence décrit une grande pièce qui réunit les activités sociales de la famille mais qui est moins formelle que le « salon ». Elle est principalement qualifiée par sa relation avec d’autres pièces (« ouvrant sur jardin », « pièce de vie avec cuisine

ouverte ») et par sa taille qualitative (vaste, grand).

Notons également la percée de l’idée de « volume », notion abstraite qui fait référence aux qualités spatiales de la maison, apparue en 1995 et présente dans 5,2% des annonces en 2005. Il est intéressant de noter que les qualificatifs associés au volume sont subjectifs, c’est-à- dire qu’ils ne sont pas quantifiables. On le distingue par sa beauté et par sa taille subjective. Ceci renforce l’idée que le « volume » est une notion abstraite qui renvoie plus à la qualité de l’espace qu’à l’idée d’une pièce. C’est une référence aux qualités architecturales de la maison, qui ne s’appuie pas sur un style en particulier. Il est utilisé pour décrire une pièce qui est généralement plus grande que celles de la maison moyenne. A travers ce mot, l’acheteur potentiel infère que la hauteur sous plafond est supérieure à celle de la plupart des maisons. L’apparition de la « pièce de vie » et du « volume », la forte croissance du « salon-séjour » et la régression du « salon » montrent des changements dans les manières d’utiliser l’espace social. Ces résultats indiquent une tendance vers des espaces plus grands et moins formels. Le « salon », qui est traditionnellement la pièce de réception des visiteurs, est peu à peu remplacé par des espaces où les pratiques sociales se font de manière plus informelle.

On peut également noter l’augmentation des références aux « jardin » et à la « terrasse » (Figure 24), qui renforce le constat que les espaces extérieurs ont pris plus d’importance depuis quelques années. Ils sont passés du statut d’espaces de service à celui d’espaces de vie et de réception, extension de la maison à travers l’espace social.

Il est intéressant de faire remarquer que le « jardin » est parmi les objets importants dans le Nord et dans l’Ouest alors que ce n’est pas le cas dans le Sud. Serait-il possibles que dans le Sud le « jardin » soit considéré comme acquis et alors ne nécessite pas d’être nommé ? Nos résultats montrent aussi l’augmentation de « piscine » et de « clôture ». La « piscine » est une installation d’agrément qui se trouve principalement dans les annonces publiées dans le Sud, ce qui répond aux caractéristiques climatiques, et qui confirme ce changement dans l’usage des espaces extérieurs. L’apparition de l’objet « clôture » montre l’importance accordée au fait que les espaces extérieurs soient privatifs, protégés des intrusions et à l’abri du regard des autres, sorte de pièces de plein air prolongeant le séjour lorsque le climat le permet.

4.2.3 Cuisine ouverte et cuisine fermée, deux modèles

en concurrence

« Cuisine » est l’objet présentant la deuxième plus forte croissance entre 1985 et 2005. Il est souvent jumelé avec « équipement ». La « cuisine équipée » présente une forte progression pour atteindre plus de 50% des références en 2005. Cette importance accordée à la « cuisine équipée » est plus forte dans l’Ouest et dans le Nord.

La « cuisine » est aussi qualifiée par son caractère « aménagé » et sa taille. Relativement peu de cuisines sont qualifiées d’« ouvertes » mais c’est lorsque l’on analyse leur évolution qu’elles prennent toute leur importance. La cuisine ouverte apparaît en 1995 et continue à progresser en 2005. Cette évolution est une influence directe du modèle Nord Américain, qui présente presque exclusivement des cuisines ouvertes sur une pièce de vie. Le terme « cuisine américaine », qui est deux fois plus utilisé que « cuisine ouverte », est une indication flagrante de cette influence.

L’apparition et progression de « cuisine ouverte » sont accompagnées de l'arrivée, en 2005, de l’idée de « cuisine fermée ». Cette apparition peut être interprétée comme une réaction à la cuisine « américaine » qui ne correspond pas aux désirs d’une partie du public qui recherche une cuisine dans la tradition française, c’est-à-dire cuisine fermée par rapport aux autres pièces.

Nos résultats ne s’accordent pas avec les propos avancés par Guy Tapie (2005b) qui considère que la cuisine ouverte n’est plus dans les préférences des usagers. Ceux-ci reviendraient vers une cuisine fermée qui permettrait de « masquer le désordre et les coulisses de la préparation du repas ». D’après nos analyses, les deux modèles semblent être actuellement en concurrence.

4.2.4 Des pièces secondaires de plus en plus

importantes

Les pièces traditionnellement considérées comme secondaires sont de plus en plus souvent citées et qualifiées dans les annonces. On peut ainsi remarquer l’apparition des objets « bureau » et « cave » qui ne sont pas traditionnellement considérés comme des pièces importantes. La forte croissance des références au bureau reflète le changement dans les modes de vie avec l’augmentation du travail à domicile. On peut aussi relier cette évolution avec la présence d’une chambre au rez-de-chaussée. Cette hypothèse rejoint celle de Bellanger (2000) sur l’augmentation du travail à la maison et les changements conséquents dans l’usage des pièces.

L’augmentation des références à la cave montre l’intérêt croissant pour les espaces de rangement ou d’extension de la maison. La cave est perçue en premier lieu comme un espace d’entreposage, mais elle est aussi vue comme une réserve d’espace qui peut être facilement aménageable pour agrandir l’espace habitable.

Parmi les pièces secondaires, les salles de bain et les salles d’eau connaissent également des évolutions. Nos résultats montrent que moins de 50% des annonces présentent 2 ou plus salles de bains, avec peu de changement dans le temps. À première vue, ceci ne correspond pas aux tendances projetées par d’autres études sur l’évolution de l’habitat qui prévoient une augmentation de la superficie et du nombre de salles de bain. Ce n’est que lorsque nous analysons les objets avec la plus forte variation que nous trouvons une hausse sensible du nombre de « salles d’eau ». Cette pièce est presque toujours jumelée avec « salle de bain », mais comporte moins d’équipements que celle- ci. La « salle d’eau » est donc une prestation supplémentaire à l’espace d’hygiène de base qui est la salle de bain.

La tendance vers une augmentation du nombre de pièces d’hygiène personnelle est donc confirmée par notre étude. Cette augmentation n’est pas liée à une multiplication du nombre de « salles de bain » traditionnelles, mais elle résulte plutôt de la création de pièces d’eau plus restreintes qui n’ont pas toutes les installations et prestations de la salle de bains. La maison peut ainsi présenter une salle de bain commune et une ou plusieurs salles d’eau attachées à des chambres, c’est-à-dire plus ou moins privatives.

4.2.5 Des équipements spécialisés

Nos résultats montrent la disparition des références au « confort » et au « tout confort » entre 1985 et 2005, parallèlement à une forte augmentation des références aux équipements et installations techniques. Ces différences sont appréciables aussi dans les analyses par région qui font apparaître l’engouement pour des installations spécifiques, représentatives de chaque région. Dans l’Ouest et le Nord, ce sont les références aux équipements de la cuisine qui sont en forte

hausse. Dans le Nord, le chauffage au gaz prend plus d’importance alors que dans le Sud c’est le chauffage au fioul. C’est seulement dans le Sud que les références à la climatisation augmentent de façon importante entre 1985 et 2005.

Ces tendances permettent d’avancer que la notion générale du « tout confort » (toilettes et salle de bains intérieures, chauffage), est considérée comme étant acquise. Il est alors nécessaire de mettre en avant dans les annonces les autres installations et équipements qui peuvent agrémenter le niveau de confort domestique. La maison évolue donc vers une notion de confort plus complexe, basée sur des installations et équipements techniques qui incluent le chauffage et la cheminée, les systèmes de sécurité, les installations de balnéothérapie, les systèmes contre incendie, la climatisation, etc.

4.2.6 Différences Nord/Sud

L’analyse de l’évolution des ensembles (Figure 12) montre que les annonces publiées dans le Sud présentent davantage le contexte de la maison, alors que celle publiées dans le Nord parlent plus des pièces et des équipements. Cette tendance est confirmée par l’analyse des plus fortes variations moyennes des classes (Figure 13) qui montre que les occurrences et la croissance des classes qui référent aux espaces intérieurs (« espace sociaux », « espaces privatifs », « cuisine » et « hygiène personnelle ») sont plus importantes dans l’Ouest et le Nord que dans le Sud.

Cette tendance est confirmée dans l’analyse des objets les plus importants dans les différentes régions (cf. 3.2.4, 3.2.5 et 3.2.6) qui montre que dans le Sud, seule la « chambre » est importante alors que dans le Nord et dans l’Ouest, elle est rejointe par le « séjour », la « cuisine » et la « salle de bain ». Dans le Sud, les objets qui ont le plus progressé renvoient au contexte (« environnement », « transports en commun ») et aux équipements de confort (« climatisation », « chauffage fioul », « piscine »). Dans le Nord, les références au contexte progressent fortement (« secteur », « lotissement » et « écoles »), mais également les références aux pièces de la maison (« salon-séjour », « repas », « salle de douche », « rez-de-chaussée », « parking », « parquet » et « volume »). Il en est de même dans l’Ouest, avec des fortes progressions des objets qui renvoient au contexte (« quartier », « impasse », « proche commodités », « transports en commun » et « sans vis-à-vis »), mais aussi de ceux qui composent la maison (« volume », « parquet », « pièce de vie » et « salle d’eau »).

Ces résultas montrent que dans les régions de l’Ouest et du Nord, l’intérieur de la maison prend plus d’importance que dans le Sud, où les références au contexte priment. Il serait possible d’avancer que ces résultats reflètent les modes de vie du Sud où l’on habite plus souvent à l’extérieur de la maison que dans le Nord. On peut aussi y voir une incidence de la différence entre les maisons plus rurales vendues par la Dépêche du Midi et les maisons plus urbaines des autres publications.

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