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MÉTROPOLES, MÉTROPOLISATION

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I. LA MÉTROPOLISATION

I. I. MÉTROPOLES, MÉTROPOLISATION Précisions sémantiques

Les mutations territoriales des dernières décennies, dans un contexte de mondialisation et d’urbanisation généralisée, ont conduit à développer un nouveau vocabulaire et à faire évoluer notre compréhension du phénomène urbain.

La métropolisation désigne un ensemble de transformations essentiellement qualitatives des territoires. Premièrement, elle se manifeste comme la tradition spatiale de la globalisation de l’économie : les villes prennent de plus en plus d’importance dans les échanges mondiaux, dans un système en réseau qui dépasse les cadres nationaux. Certaines grandes villes concentrent les fonctions commerciales et les flux économiques et financiers. Deuxièmement, la métropolisation induit des mutations spatiales à l’échelle d’une région. Elle affecte les centres urbains mais également l’hinterland, par un étalement urbain diffus caractérisé par des centralités dispersées qui rend difficile la distinction ville-campagne, et par le délaissement de certains espaces (ségrégation socio-spatiale).

Troisièmement, la métropolisation se caractérise par un changement dans les modes de vie : éclatement des espaces de vie quotidienne, usage des nouvelles technologie, mobilité accrue des citadins et activités en réseaux au détriment des activités de proximité géographique. La métropolisation est donc plus que la seule « urbanisation».

La métropole désigne étymologiquement la « ville-mère ». Associé parfois au pays colonisateur vis-à-vis de ses colonies, le mot désigne aujourd’hui, dans le cadre d’une réflexion sur les mutations territoriales, la ville-centre, qui concentre des fonctions clés de commandement et les flux économiques, financiers, culturels et en termes de savoirs, dans un réseau urbain déterminé (qui peut être d’échelle mondiale, nationale, régionale, etc.).

La métropole est donc plus qu’une seule « grande ville ».

Les aires métropolitaines ou régions métropolitaines peuvent désigner soit une aire fonctionnelle (un ensemble géographique représentant le territoire vécu ou économique), soit un nouveau territoire politico-administratif (entité autonome ou pour un service urbain particulier).

Métropolisation dans le Sud global

Puisqu’elles sont intimement liées à la mondialisation, ces mutations territoriales s’observent à travers le globe. Dans le Sud global, dans un contexte de pauvreté, la métropolisation prend des caractéristiques particulières, notamment la ségrégation socio-spatiale accentuée, ainsi qu’une informalité généralisée (foncier, auto-construction, activités économiques). Cette dernière traduit des logiques de survie mais peut également être porteuse d’innovations métropolitaines en lien fort avec es réseaux internationaux (via la diaspora, le commerce, etc.). Caracas au Venezuela, Kinshasa en République Démocratique du Congo, ou encore Lagos au Nigeria sont des exemples de ces métropoles extrêmement dynamiques, où se côtoient des classes socio-économiques très différenciées et pleinement insérées dans la mondialisation, parfois au détriment des conditions de vie de certaines populations.

18 L’aire métropolitaine de Port-au-Prince

Port-au-Prince subit également des mutations territoriales très rapides qu’il est important d’étudier au-delà de la seule échelle de la commune de Port-au-Prince. De nombreux périmètres ont déjà été définis dans des documents de planification ou à travers la fourniture de services pour désigner l’ensemble urbain port-au-princien. Notre recherche adopte comme périmètre l’aire métropolitaine élargie qui correspond à la tache urbaine allant de Léogâne, jusqu’aux limites de Cabaret.

I. II. RACINES HISTORIQUES DU DÉSASTRE DU 12 JANVIER 2010 À PORT-AU-PRINCE

Le séisme du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince a révélé la vulnérabilité de la ville. On y a recensé plusieurs centaines de milliers de morts et de blessés. Près de 50 % des maisons ont été affectées. Ailleurs en Amérique centrale, un séisme de caractéristiques semblables n’a jamais eu des conséquences aussi dramatiques. Notre démarche de recherche s’est attachée à montrer comment la trajectoire du développement de Port-au- Prince pendant la première occupation américaine (1915-1934) est marquée par un ensemble de transformations (politiques, économiques et sociales) qui, tout en la renforçant dans le système urbain haïtien, ont semé les graines de sa vulnérabilité contemporaine. La période 1915-1930 marque en effet le début de la croissance rapide de la capitale, ce dont témoignent les récits de voyageurs qui traversent Haïti dans les années 1920-1930. Tous soulignent le fait que la capitale connaît à cette époque de profonds changements. Malgré tous les bouleversements qu'a connu Haïti depuis son indépendance, aucun d’eux n’a cependant été assez fort, assez puissant pour remettre en cause le maillage territorial issu de la colonisation. Certes, il y a eu des modifications, des changements, en un mot des remaniements, mais aucune remise en cause radicale. Le passage de la période 1804-1915 à celle de l’occupation américaine (1915-1934) s’accompagne d’un changement des cadres administratif et territorial. Ce glissement d’une structure du pouvoir à une autre signifie en effet la substitution d’une assiette territoriale à une autre, caractérisée par le poids grandissant de Port-au-Prince dans le système urbain haïtien.

Trois moments structurent notre présentation. Un premier moment s'attache à revisiter les processus du poids grandissant de la capitale pendant la période américaine. Le deuxième fait un bilan des modalités de gestion de la ville et rend compte du fait que la centralisation haïtienne, voulue par l’administration américaine au moment de l’occupation, joue un rôle fondamental dans le devenir politique du pays. Il convient par ailleurs de montrer que les actions urbaines depuis l’occupation américaine (1915) jusqu’à la veille du départ de Duvalier fils (1986) du pouvoir ne s'inscrivent pas dans la durée. Elles se révèlent ponctuelles, de prestige et engendrent les dysfonctionnements auxquels est confrontée la ville de Port-au-Prince depuis plus de 50 ans. Enfin, il revient de montrer que la catastrophe du 12 janvier est révélatrice d'une crise généralisée.

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I. III. DÉMOGRAPHIE DE PORT-AU-PRINCE : LA POPULATION DE L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE, 2009 – 2030 : UNE MISE EN

PERSPECTIVE

L’agglomération urbaine de Port-au-Prince est actuellement en phase de croissance rapide. À ce rythme, « l’Aire Métropolitaine élargie de Port-au-Prince » regroupera en 2030, plus de cinq millions d’habitants. Cette croissance s’appuie à la fois sur une évolution naturelle soutenue de la population locale et sur un très important apport migratoire.

L’afflux migratoire vers Port-au-Prince résulte de facteurs structurels puissants. Y figurent : - Les caractéristiques démographiques d’Haïti : la population est une population jeune et

en phase de transition démographique lente qui se répercute d’année en année dans la création d’un volume important de nouveaux ménages;

- La transition systématique des modes de vie ruraux à des modes de vie plus urbains;

- Le contexte de pauvreté structurelle généralisée dans tout le pays, en particulier en milieu rural;

- L’attrait relatif de l’Aire Métropolitaine en raison du niveau de pauvreté comparativement moins élevé, d’une plus grande disponibilité de services et de la diversité d’activités économiques, culturelles et sociales qui émergent dans le tissu urbain d’une grande ville.

- L’attrait dont fait l’objet l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince s’inscrit aussi dans un courant d’urbanisation généralisé à travers le monde, en particulier dans les pays en voie de développement. Comparativement aux autres pays d’Amérique Latine et des Caraïbes, Haïti accuse un retard dans sa transition urbaine, un retard qu’inéluctablement elle sera amenée à combler.

L’expansion récente de l’agglomération urbaine de Port-au-Prince concerne principalement trois zones : la zone nord-est dans les communes de Croix-des-Bouquets, de Thomazeau, de Ganthier et de Cabaret, la zone ouest dans les communes de Gressier et de Léogâne et la zone sud-est dans les communes de Pétion-Ville et de Kenscoff. Cette expansion est concomitante d’une saturation progressive (selon les modes d’occupation actuels) des espaces plus proches du centre-ville de Port-au-Prince.

Les trois zones sont confrontées à de graves problèmes d’étalement urbain rapide et non planifié. S’y développent des territoires « urbanisés » de plus en plus étendus, à dominante d’habitat résidentiel informel dans un contexte de grande vulnérabilité environnementale : naturelle et anthropique.

Compte tenu du fonctionnement institutionnel actuel, l’extension urbaine dans ces trois zones s’impose comme une réalité inéluctable et irréversible… qu’il importe, par contre, de façon urgente et prioritaire « d’apprivoiser » dans une perspective de développement durable. La mise en place de modes de gestion intégrée de ces espaces en voie d’urbanisation rapide implique à la fois la coordination de divers paliers gouvernementaux, d’organismes internationaux et la participation des instances représentatives de la population locale.

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II. L’ECONOMIE DE L’AIRE METROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE

II. I. MACROECONOMIE, URBANISATION ET METROPOLISATION DE PORT-AU-PRINCE

Questions principales

Cette section essaie de répondre de façon succincte aux questions principales suivantes : (a) Quelles sont les variables macroéconomiques qui expliquent l’urbanisation rapide en Haïti entre 1971 et 2016 et particulièrement la croissance fulgurante de la population de la Région Métropolitaine de Port-au-Prince ? (b) Pourquoi cette évolution significative contraste-t-elle avec la croissance plutôt lente de la RMPAP et de la population urbaine en général entre 1804 et 1970? (c) Quelles sont les perspectives sur le plan macroéconomique et quels impacts les variables macroéconomiques auront-elles sur d’évolution de la Région Métropolitaine de Port-au-Prince ? Après une revue rapide des conséquences de cette croissance rapide de PaP, quelques suggestions sont faites dans l’objectif de ralentir la croissance de la RMPAP et d’arriver à une répartition spatiale plus équilibrée de l’économie et de la population.

Les explications : l’ouverture de l’économie, la faible productivité agricole, la croissance démographique

1) En Haïti, le phénomène d’urbanisation rapide s’explique, en dépit d’une absence de croissance intensive et de la faiblesse des exportations, par une ouverture sur l’extérieur basée (a) sur l’accroissement rapide des transferts courants privés, (b) l’assistance externe sous forme de prêts et de transferts courants publics et (c) dans une moindre mesure sur l’investissement national et étranger dans les secteurs industriels. Le desserrement – grâce aux flux de financement externe – de la contrainte que constituait la faiblesse du surplus agricole et de l’épargne nationale dans le contexte de l’économie paysanne dominante, a permis la dynamisation et la diversification de l’économie urbaine. La migration externe favorise donc la migration interne.

2) La croissance de la population et l’augmentation de la densité démographique dans un contexte de stagnation technologique (rendement décroissant de la production agricole par tête) contribuent à alimenter la migration rurale-urbaine ainsi que la migration de la population des provinces vers Port-au-Prince à cause de la perception de meilleures opportunités (emplois salariées et auto-emplois) ainsi que du différentiel de revenus.

Conséquences de l’urbanisation rapide et de la métropolisation de Port-au-Prince L’urbanisation rapide sans croissance intensive et sans une réelle industrialisation provoque un ensemble de conséquences macroéconomiques négatives bien connues : un taux élevé de chômage et de sous-emploi urbains, un taux élevé de pauvreté et d’extrême pauvreté, le développement d’un secteur tertiaire hypertrophié, un secteur informel qui compte pour plus de deux-tiers du PIB et un peu plus de 80% de l’emploi, des recettes municipales dérisoires, des dépenses publiques locales insuffisantes et mal orientées.

21 Perspectives et propositions

Port-au-Prince va garder sa position dominante. La migration interne de la population active et non active va se poursuivre et va continuer à alimenter la catégorie des chômeurs et des sous-employés. Il est nécessaire toutefois d’empêcher ou tout au moins de ralentir le taux de croissance de la Région Métropolitaine et de réduire l’écart économique et démographique entre celle-ci et les autres régions du pays. Pour atteindre cet objectif, il faut tout d’abord élaborer et appliquer une véritable stratégie de croissance et supporter cette stratégie par une politique économique cohérente. Il faut viser une croissance intensive (5-6

%) à moyen-long terme spatialement équilibrée. Un des objectifs explicites de cette stratégie de développement devrait être la déconcentration et la décentralisation politique et économique à travers le développement des chefs lieux de département et surtout des villes moyennes. Cette politique, pour être crédible, devrait être traduite concrètement dans une programmation budgétaire de long terme.

II. II. L’ÉCONOMIE INFORMELLE DANS L’AIRE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE

Soyons clairs : il ne faut pas dénigrer l’informel. Il est une source de revenu pour des millions d’Haïtiens; il génère 50% du PIB du pays et est souvent le résultat d’une grande créativité.

Cependant, par définition, il ne fournit aucune ressource à l’État. Aussi, sa productivité étant souvent relativement faible, les revenus qu’il génère le sont également. Un plus fort taux de formalité permettrait de consolider le rôle de l’État et d’améliorer le niveau de vie des ménages. Trois aspects seront abordés : l’emploi, les revenus, les politiques.

L’emploi

Quelques chiffres. Dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (AMPAP), en 2012, selon l’enquête IHSI-DIAL publiée en 2014, 77,1% des emplois se trouvent dans le secteur informel, c’est-à-dire dans des entreprises – ou des unités – dépourvues de la patente, non enregistrées. Cependant, parmi ces emplois, 91,5% – seulement ? – ne sont pas déclarés, les autres, 8,5%, sont protégés par un système de couverture volontaire.

14% des emplois se trouvent dans le secteur privé formel. Parmi ces emplois, 49,8% ne sont pas déclarés et de ce fait se trouvent informels.

8.1% des emplois se trouvent dans le secteur public. Parmi ces emplois, 37,6% ne sont pas déclarés et de ce fait se trouvent informels.

On peut calculer qu’en 2015, le nombre d’emplois formels dans l’AMPAP était de l’ordre de 77 500. Si le taux de formalité se maintient jusqu’en 2030 – et n’augmente pas - on estime qu’on aura créé chaque année en moyenne 3 645 emplois formels. C’est tout à fait possible et on peut même s’attendre à ce que ce scénario se réalise.

Ce point de vue est confirmé par les prédictions des économistes et par une enquête d’opinion menée par le projet. Selon cette enquête, à la question : « Pensez-vous que l’économie informelle continuera de dominer le système économique métropolitain? », 35 enquêtés sur 50 répondent clairement: oui, 7 enquêtés ne répondent pas, 7 enquêtés ont une réponse ambigüe et 1 enquêté répond clairement: non

22 Les revenus

En 2012, on avait un taux de change de 40 gourdes/1$US, 1000 gourdes valaient 25$US.

Dans l’informel de l’aire métropolitaine, y compris les revenus nuls, le revenu mensuel moyen était de 7 620 gourdes, soit 190,5 $US. Hors les revenus nuls, le revenu mensuel moyen était de 8 810 gourdes, soit 220,25 $US. Dans le privé formel et le secteur public, les revenus mensuels étaient sensiblement plus élevés : 22 700 et 26 100 gourdes, soit 567 $US et 652,50 $US respectivement.

Pour l’ensemble de l’aire métropolitaine, le revenu mensuel moyen, y compris et hors revenus nuls, est de 11 230 et 12 570 gourdes, soit 280,75 $ US et 314,25 $US respectivement.

Par ailleurs, les différences de revenus mensuels moyens entre l’aire métropolitaine d’une part, « l’autre urbain » et le « rural » d’autre part, sont notables. Les revenus sont beaucoup plus élevés dans l’aire métropolitaine. Près du double comparé à « l’autre urbain » et 4.8 fois plus élevé par rapport au « rural ». L’attraction de l’aire urbaine métropolitaine est dès lors certaine. L’analyse des revenus médians renforce encore cette conclusion.

Les politiques

Les politiques visant à augmenter le taux de formalité de l’économie sont nombreuses et diverses, elles vont de la macroéconomie à la microéconomie, de l’incitation à la coercition.

La plupart ne sont pas faciles à appliquer. Mais, comme le soutenait Albert Hirschman, « il faut d’abord commencer et ensuite agir de façon à ne pouvoir arrêter ».

II. III. POIDS RELATIF DE L’ÉCONOMIE INFORMELLE DANS L’ÉCONOMIE HAITIENNE

Deux estimations convergent vers le taux de 50%. Un poids relatif de 50% du secteur informel dans l’économie Haïtienne semble tout à fait réaliste. Les différentes branches de l’économie informelle qui regroupent pas loin de 90% des actifs constituent des marchés mettant en contact la majorité des petits et micro-opérateurs économiques et l’immense majorité des consommateurs. Ce large secteur informel comprend pratiquement toute l’agriculture, la commercialisation de la production agricole, la petite et micro-production de biens manufacturés et la vente au détail des marchandises importées. Cette dernière activité a pris de plus en plus d’importance au cours de ces 30 dernières années parallèlement à l’urbanisation croissante de l’économie.

II. IV. LE PROJET LAFITEAU GLOBAL

Le projet Lafiteau Global du Group GB va au delà du port Lafiteau. Il prévoit la création d’une zone franche et d’un parc industriel, de parcs de jeu, d’un espace commercial, d’une clinique médicale, d’une centrale électrique de 25 mégawatts et d’un village. C’est un projet de zone économique intégrée répartie sur plus de 400 hectares. Les promoteurs prévoient la création de 25 000 emplois pendant les cinq années d’exécution du projet.

D’après son site Internet (http://gbgroup.com/our-businesses/infrastructure/lafito-global/), le projet Lafiteau Global est conçu pour :

1) Engendrer la création de nouveaux emplois en Haïti;

23 3) Établir une logistique régionale attrayante ;

4) Devenir un centre industriel de choix dans la région.

Les défis sont nombreux

III. L’HABITAT

III. I. L’HABITAT DANS LA ZONE MÉTROPOLITAINE DE PORT-AU-PRINCE : PRINCIPALES REPRÉSENTATIONS, DÉFIS, OPPORTUNITÉS ET

PROSPECTIVES

Cinq phénomènes connexes caractérisent aujourd’hui l’habitat dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince (ZMPAP) : un étalement urbain accentué, un processus accéléré de bidonvilisation de la périphérie, une densification et dégradation rapides des quartiers centraux, une vulnérabilité significative face aux risques environnementaux, et un important déficit quantitatif et qualitatif de logements causé – entre autres – par une pression démographique sans précédent. En réponse à ces déficits, les habitants de la métropole ont développé toute une série de solutions informelles dans les secteurs du foncier, du crédit, de l’immobilier et de la construction. Paradoxalement, une série de représentations sur l’habitat largement répandues auprès des acteurs locaux et internationaux du domaine de l’aménagement associent l’informel aux causes fondamentales des problèmes de la métropole. Ces représentations accordent aussi une confiance démesurée à l’égard du potentiel de transformation issu des lois et des grandes opérations de planification fondées sur la régularisation foncière et l’éradication des solutions informelles, souvent perçues comme « anarchiques ». Indépendamment des intentions véhiculées, ces représentations tendent à légitimer la formulation de politiques et de projets peu adaptés aux besoins des habitants les plus pauvres, fomentent la discontinuité et la superposition de plans et de programmes, appauvrissent le débat sur les pistes de solutions, occultent les finesses et les opportunités des solutions informelles et enfin, limitent la à caractère national encore fragile. Des interventions structurantes axées sur le développement économique, la gouvernance, le régime foncier, les infrastructures, les espaces publics, le financement, l’industrie de la construction, et la gestion environnementale sont certes nécessaires. Cependant, ces interventions seront peu viables s’il n’existe pas au préalable un questionnement rigoureux de ces représentations sur l’habitat. Elles seront de plus peu bénéfiques si elles compromettent les avancées des dernières années et entretiennent davantage la superposition de structures de gouvernance et de plans. Au contraire, elles méritent de bâtir sur les réalisations récentes et sur les opportunités et ressources existantes. Les bailleurs de fonds peuvent contribuer à soutenir cette continuité, à créer les conditions favorables pour une remise en question de ces représentations, à la construction d’un dialogue plus riche sur l’habitat, et à faciliter la participation active des professionnels haïtiens, des entreprises locales et du secteur

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informel à la prise de décisions sur la transformation de la métropole.

III. II. UNE NOUVELLE VILLE EN CINQ ANS : LE CAS DE CANAAN

Canaan est un important établissement humain informel à 18 km au nord de Port-au-Prince.

Héritage du séisme de 2010 suite à la déclaration d’utilité publique de la zone pour y aménager des camps de sinistrés, cette « terre promise » autrefois inhabitée héberge aujourd’hui plus de 250 000 personnes informellement installées.

Au travers d’un narratif chronologique factuel de l’évolution du secteur, la présente étude

Au travers d’un narratif chronologique factuel de l’évolution du secteur, la présente étude

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