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4. Suicides au travail et restructuration de l’entreprise :

4.2. Méthodologie

Cette recherche s’inscrit dans une approche sociologique qui s’inspire de l’œuvre d’É. Durkheim (1897). Elle considère le suicide comme un phénomène social – dont les causes dépassent l’individu – résultat de multiples facteurs sociaux. Tout comme É. Durkheim, nous traitons le suicide comme un fait social qui souligne un dysfonction- nement du lien social. L’objectif de cette étude est d’élucider les déterminants sociaux et structurels du suicide dans l’organisation du travail. Tout en s’inscrivant dans une approche sociologique, l’individu est replacé au centre de l’analyse : les causes sociales du suicide sont examinées du point de vue de l’individu suicidaire et de ses proches. Le projet s’inspire plus particulièrement de la méthodologie post-durkheimienne du sociologue américain J. Douglas. Ce dernier critique le déterminisme de É. Durkheim qui, selon lui, réduit l’individu à un objet passif faisant face à des forces sociales le dépassant (Douglas, 1967). Le suicide n’est pas un fait objectivé ou objec- tivable. Sa signification est à trouver dans l’analyse de cas concrets et plus particu- lièrement dans l’interprétation qui lui est accordée par le suicidé et par ses proches. Selon J. Douglas, pour comprendre le sens du suicide, il faut partir de la signification attribuée à leurs gestes par les acteurs eux-mêmes.

D’autres chercheurs ont mis en évidence la valeur des lettres de suicide dans l’analyse des causes du suicide. Pour le psychologue américain, E. Shneidman, avant-gardiste de la recherche sur les lettres de suicide aux États-Unis, ces der- nières représentent des documents très précieux. En effet, elles nous donnent accès directement aux suicidés car elles sont le produit de leurs propres pensées et de leurs sentiments à la fin de leur vie (Shneidman, 1976, 1996). Le suicide devient ainsi une construction discursive : les sens donnés au geste suicidaire prennent forme dans la parole, les mots et les gestes des acteurs sociaux. D’autres chercheurs ont examiné les lettres de suicide sous l’angle du genre (Canetto et Lester, 2002), des relations interpersonnelles (Sanger, McCarthy et Veach, 2008 ; Fincham et al., 2011) ou de l’attribution de la faute (McClelland, Reicher et Booth, 2000).

En examinant le recueil des lettres de suicide, cette recherche aborde les questions suivantes : qui est désigné coupable du suicide et pourquoi ? Quelles sont les causes

d’autres entreprises pendant la même période. La forme des lettres est très variée et comprend des notes brèves, des dossiers officiels, des courriels, des textos ou des enregistrements audio ou visuels. Les destinataires sont des proches, comme les conjoints ou les enfants, les parents ou les amis, mais aussi les managers, les patrons, les représentants syndicaux ou les collègues.

4.2. Méthodologie

Cette recherche s’inscrit dans une approche sociologique qui s’inspire de l’œuvre d’É. Durkheim (1897). Elle considère le suicide comme un phénomène social – dont les causes dépassent l’individu – résultat de multiples facteurs sociaux. Tout comme É. Durkheim, nous traitons le suicide comme un fait social qui souligne un dysfonction- nement du lien social. L’objectif de cette étude est d’élucider les déterminants sociaux et structurels du suicide dans l’organisation du travail. Tout en s’inscrivant dans une approche sociologique, l’individu est replacé au centre de l’analyse : les causes sociales du suicide sont examinées du point de vue de l’individu suicidaire et de ses proches. Le projet s’inspire plus particulièrement de la méthodologie post-durkheimienne du sociologue américain J. Douglas. Ce dernier critique le déterminisme de É. Durkheim qui, selon lui, réduit l’individu à un objet passif faisant face à des forces sociales le dépassant (Douglas, 1967). Le suicide n’est pas un fait objectivé ou objec- tivable. Sa signification est à trouver dans l’analyse de cas concrets et plus particu- lièrement dans l’interprétation qui lui est accordée par le suicidé et par ses proches. Selon J. Douglas, pour comprendre le sens du suicide, il faut partir de la signification attribuée à leurs gestes par les acteurs eux-mêmes.

D’autres chercheurs ont mis en évidence la valeur des lettres de suicide dans l’analyse des causes du suicide. Pour le psychologue américain, E. Shneidman, avant-gardiste de la recherche sur les lettres de suicide aux États-Unis, ces der- nières représentent des documents très précieux. En effet, elles nous donnent accès directement aux suicidés car elles sont le produit de leurs propres pensées et de leurs sentiments à la fin de leur vie (Shneidman, 1976, 1996). Le suicide devient ainsi une construction discursive : les sens donnés au geste suicidaire prennent forme dans la parole, les mots et les gestes des acteurs sociaux. D’autres chercheurs ont examiné les lettres de suicide sous l’angle du genre (Canetto et Lester, 2002), des relations interpersonnelles (Sanger, McCarthy et Veach, 2008 ; Fincham et al., 2011) ou de l’attribution de la faute (McClelland, Reicher et Booth, 2000).

En examinant le recueil des lettres de suicide, cette recherche aborde les questions suivantes : qui est désigné coupable du suicide et pourquoi ? Quelles sont les causes

encadré - StatiStiqueSduSuicideautravail : uneperSpectivecomparatiSte

En France, il est actuellement impossible de dénombrer les suicides au travail. Il n’existe aucun système permettant de repérer les suicides qui pourraient avoir un rapport avec le travail ou avec la situation professionnelle. Quelques enquêtes locales ont été menées – notamment l’enquête par questionnaire réa- lisée auprès des médecins du travail, en 2002, dans le département de Basse- Normandie – mais la fiabilité d’une extrapolation nationale de ces résultats est limitée. Il existe pourtant des sources d’information importantes, telles que les données du Régime général de la Sécurité sociale qui enregistre les suicides déclarés en accident du travail. Selon l’article L.411-1 du Code de la Sécurité sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ». Ainsi, « pour qu’il y ait accident de travail, deux conditions doivent être remplies ; il faut qu’il y ait un fait ayant entraîné une lésion immédiate ou différée ; que cet accident survienne à l’occasion ou par le fait du travail. Tout accident survenant pendant et sur le lieu de travail est présumé "accident du travail". Cela signifie que, les conditions étant réunies, la victime n’a pas à apporter la preuve du lien entre son accident et son travail. » (INRS, 2017)1. L’Institut national de Veille sanitaire (ou Santé publique France,

depuis 2016) a mené une enquête en 2013 visant à améliorer le système de sur- veillance des suicides, en développant un système multisource pour en estimer le nombre (Bossard, Cohidon et Santin, 2013).

Au Royaume-Uni, les suicides au travail ne font pas actuellement l’objet de don- nées statistiques. Un rapport publié par l’Institut national de la statistique (Office for National Statistics) en 2017 a enregistré pour la première fois les suicides par profession en Angleterre entre 2011 et 2015. Ce rapport confirme que cer- taines professions ont un risque élevé de suicide, notamment le secteur de la construction qui présente un taux de suicide trois fois plus élevé que la moyenne nationale pour les hommes. Pourtant, le rapport n’établit pas un lien de cau- salité entre le suicide et le travail : « Bien que notre étude indique le risque relatif de suicide dans les différents groupes professionnels, elle ne fournit aucune preuve directe concernant la causalité » (Windsor-Shellard et Gunnell, 2019). Selon les auteurs, il n’est pas possible de dire si le taux élevé de suicide 1. http://www.inrs.fr/demarche/atmp/principales-definitions.html

sociales liées à l’organisation du travail ? Pourquoi le suicide est-il perçu comme le recours ultime à la souffrance au travail ?