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Méthodologie

Dans le document en fr (Page 138-141)

Le choix de l’étude de cas s’explique par différentes motivations.

En effet, cette recherche est directement née de notre travail de clinicienne. Vouloir ajuster, au mieux, notre prise en charge de patients incarcérés comporte, certes, une origine « personnelle», mais cela a eu pour avantage de faire émerger cette recherche. Nous souhaitions rendre intelligible des situations cliniques particulières, sidérantes, perturbantes.

« C’est souvent pour se détacher d’une relation clinique trop confusionnelle, trop vampirisante, dans laquelle les mouvements contre-transférentiels sont violents et énigmatiques, que le clinicien est poussé à un dégagement, à une élaboration, à une réflexion théorique distanciante » (Ciccone, 1998, p110).

Nous incluons notre propre dimension subjective dans le dispositif de recherche, ne pouvant faire l’économie de nos propres émotions avec un tel sujet de recherche.

Aussi, notre double positionnement de clinicienne et de chercheuse a généré de nombreux questionnements sur la méthode à utiliser. Nous souhaitons garder une posture proche de chacun d’eux, sans léser l’un ou l’autre.

Ce que souligne Le Poulichet (2004) : « On ne peut situer d’un côté la clinique et de l’autre la recherche, telles deux phases bien ordonnées : la clinique se trouve d’emblée à l’œuvre à l’intérieur de la recherche et l’on ne fait pas d’expérience clinique qui ne soit déjà, d’une certaine façon, une recherche. » p 72

Pour recueillir un matériel clinique suffisant sans altérer la relation patient-thérapeute nous avons fait le choix de travailler sur nos notes d’entretiens, écrites rigoureusement après chaque rencontre avec le patient. Nous n’écrivons jamais durant l’entretien, souhaitant être totalement disponible pour les patients, dans l’instant de la rencontre. S’ajoute le fait qu’en milieu carcéral les écrits (du juge, du travailleur social, des

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surveillants, des experts) sanctionnent une conduite, un comportement, sans que le détenu ne puisse en avoir la maitrise, laissant la place, chez certains patients à des fantasmes de persécution à l’encontre de tout écrit.

Tout au long de cette recherche, l’intérêt du patient est resté le fil conducteur de nos choix méthodologiques.

Par ailleurs, le choix épistémologique du cas unique semble pertinent puisqu’il « se prête à une démarche scientifique authentique ». (Widlöcher, 1990)

Le cas unique n’a pas pour fonction de prouver des connaissances, mais « il enrichit les connaissances de ceux qui partagent le même type d’expérience » et il vise « à montrer par un cas exemplaire l’existence d’un état mental ou d’un mécanisme jusque là inconnu ou insuffisamment pris en compte ». (Widlocher, 1990, p288)

Notre recherche, tout comme notre pratique clinique, a comme référence de base la psychanalyse, ce qui nous permet de mettre à jour, de comprendre, la dynamique intrapsychique et le fonctionnement mental de chaque sujet, dans des échanges avec les éléments théoriques choisis.

Marty (2009) précise « qu’un cas n’est pas seulement un aperçu clinique, pas seulement un compte rendu, mais qu’il restitue un processus. Nous comprendrons mieux alors que ce qui pousse un clinicien à écrire un cas concerne la nécessité dans laquelle il se trouve d’éclairer le dit processus. » p66

Une étude de la complexité

Nous empruntons à Edgar Morin (1990) l’étude de la complexité. Ce sociologue et philosophe français nous montre l’importance de la complexité du monde et de l’homme. Il propose une méthode pour appréhender cette complexité. Selon lui, la connaissance ne doit pas être réduite, cloisonnée, il faut pouvoir accèder au singulier sans omettre de prendre en compte l’univers intérieur et extérieur de l’être humain. La complexité « comporte la reconnaissance d’un principe d’incomplétude et d’incertitude ». p11

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En ces périodes de cloisonnement, de catégorisation, de classement, où l’être humain est de plus en plus appréhendé par des échelles actuarielles et des statistiques, où les données psychologiques ont remplacé les données anthropométriques (abandonnées dans les années 70), la rencontre humaine tend à ne s’appréhender que par un seul axe d’approche et non plus dans sa globalité.

La personne incarcérée ne se réduit pas à son acte, même si, en prison, tout semble lui rappeler.

Ainsi, les éléments relevés dans cette thèse n’ont pas pour fonction de cloisonner une théorie ni d’enfermer un sujet dans un fonctionnement particulier.

Ce qui est observé ne peut être détaché de son environnement, isolé. C’est l’essence même du fonctionnement humain qui serait alors réduit. L’observation s’est faite à un moment donné, avec un sujet donné, dans un contexte particulier et dans une relation particulière avec le clinicien chercheur. Tous ces facteurs influent sur les résultats, et loin de vouloir les contrôler, nous souhaitons juste en tenir compte.

Dans une optique de recherche et de transmissions, notre pensée s’est synthétisée et nous avons porté le focus sur un objet particulier.

1- Population

Notre population comporte des patients hommes, adultes, tous jugés.

Nous avons exclu les patients limités intellectuellement et ceux souffrant d’une pathologie psychiatrique clairement décompensé (trouble bipolaire, schizophrénie etc.)

Dans notre appellation d’«agirs violents », nous incluons les sujets ayant commis des actes violents envers une ou plusieurs personnes, de manière soudaine et bruyante.

Nous avons exclu les femmes car elles étaient peu nombreuses à rentrer dans les critères, celles ayant commis des agirs violents souffrant bien souvent d’une pathologie psychiatrique lourde.

Afin d’appréhender au mieux le fonctionnement humain, nous avons inclus dans notre population de recherche des patients suivis en entretien de manière régulière et suffisamment longtemps pour avoir un matériel clinique conséquent. Le choix s’est

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porté sur des patients reçus au moins vingt fois en entretien. Le suivi des patients s’est arrêté soit du fait d’une libération, soit du fait de mon départ du centre de détention pour un autre établissement.

Si le critère numérique peut sembler particulier, nous l’avons choisi car il nous permet d’inclure, en toute objectivité, nos cas cliniques. Nous ne choisissons pas les cas qui nous « conviennent » et qui semblent intuitivement coïncider avec nos hypothèses, nous tentons avec une certaine neutralité d’apporter un matériel clinique à travailler. L’invalidation d’une hypothèse produit tout autant de réflexion que sa validation.

Dans le document en fr (Page 138-141)

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