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Méthodologie : Ethnographie de l’intimité

L’intimité, comme objet de recherche, pose des défis méthodologiques particuliers : elle réfère à l’intimité d’un sujet, l’intériorité d’un « soi », la proximité physique et psychologique, les désirs, rêves, souvenirs et sentiments, et les formes qu’elle prend sont liées à des dynamiques d’appartenance sociale. Pour l’étudier, il s’agissait donc pour moi de chercher des méthodes qui permettent une connaissance intime des sujets impliqués. C’est pourquoi je me suis tournée vers l’ethnographie, qui donne un accès approfondi aux complexités de l’intimité telle que vécue dans mon réseau. Les participant-es à ma recherche sont majoritairement des femmes, des jeunes, des gens vivant en milieu urbain dont plusieurs sont queer, et la plupart sont blancs et francophones, originaires du Québec. Beaucoup d’entre eux sont en couple, mais une seule a des enfants.

Les outils méthodologiques que je mobilise dans cette recherche sont chapeautés par une approche ethnographique, comprenant un ensemble de méthodes qualitatives et une composante autoethnographique, c’est-à-dire qui étudie un groupe de gens tout en donnant une attention particulière au chercheur et à sa réflexivité. Elle combine ainsi une approche réflexive à une approche analytique plus traditionnelle. Étudier mon réseau personnel comporte toutefois quelques risques, notamment quant à la confidentialité des participants et mon rapport de pouvoir avec eux en tant que chercheuse. Pour y remédier, j’ai utilisé différents moyens, notamment la modification de certains exemples pour faciliter le maintien de la confidentialité. Au fil de ce chapitre, j’aborde plus en détail la combinaison d’outils méthodologiques, les questions éthiques et la représentativité.

Afin de me permettre d’aborder l’expérience des gens et les aspects plus difficiles à capturer « empiriquement » de l’intimité, une combinaison de méthodes, participant toutes de l’ethnographie, s’est révélée pertinente : des entrevues de groupe pour considérer les spécificités de deux groupes (« les filles », « l’université »), des entrevues individuelles pour des questions plus personnelles et plus détaillées (sur la famille, les tensions entre amis, les pratiques de communication, etc.), un schéma des relations personnelles pour faire ressortir leur perception de l’intimité et la multiplicité des affiliations, un dessin du chez-soi pour voir l’importance accordée aux objets associés à l’intimité et à l’environnement, et mon journal de bord pour l’introspection,

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la réflexivité et pour noter des éléments d’observations générales et plus particulières sur des choses qui risquent de ne pas être relevées autrement. Dans l’ordre temporel, j’ai commencé par écrire mon journal de bord (qui a servi pendant l’élaboration de mon projet de recherche et s’est continué jusqu’à la rédaction de cette thèse), puis j’ai fait les entrevues de groupe (dans lesquelles je faisais faire les schémas et dessins) et individuelles avec les membres de ces groupes, et j’ai terminé avec les entrevues individuelles avec les participantes qui n’appartiennent à aucun de mes groupes d’ami-es.

Les entrevues étaient très importantes, spécialement pour recueillir les impressions des gens sur leur famille (auxquelles je n’avais pas accès autrement) et leur perception sur leurs relations. Elles étaient complémentées par des observations, par exemple sur les groupes d’amis auxquels je participe également. Certaines observations personnelles se sont avérées cruciales pour aborder certains aspects de l’intimité, notamment les tensions entourant l’appartenance et les intimités mineures. En effet, je m’inspire des études queer et m’intéresse à des aspects qui ne résonnent pas avec l’acceptation commune du sens de « intimité », c’est-à-dire que quand les gens répondent à mes questions, ils et elles sont guidé-es par leur idée de ce qu’est l’intimité au sens commun du terme (lié à la famille et au couple, au dévoilement, etc.), ce qui oriente les discussions vers des aspects plus conventionnels. L’écriture du journal constitue un travail qui active des réflexions. Mon journal de bord a fait l’objet d’une analyse sommaire : lecture exhaustive et inscription de mots-clés et de questionnements dans les marges dans le but de mener à ou d’appuyer certaines réflexions tirées des entrevues ou des réflexions conceptuelles. Par exemple, je prends connaissance de mes notes concernant tel aspect, des propos des participant-es, et j’écris en m’en inspirant et en y faisant parfois explicitement référence. Dans le texte, ma voix personnelle est marquée par les italiques, aussi utilisés pour désigner les extraits d’entrevues.

Dans la mesure où le « je » de la chercheuse est situé, positionné socialement et épistémologiquement, et où mon étude implique d’autres personnes que moi-même, il y a une part d’inégalité dans le pouvoir de représentation. En effet, « je » propose des interprétations de mes propres expériences, et « je » propose aussi des interprétations des expériences des autres à partir de ma position théorique (choix conceptuels, études critiques) et sociale (notamment en tant que célibataire). Puisque le « je » est situé, il l’est parmi plusieurs milieux (universitaire, LGBTQ, urbain), ce qui ouvre une fenêtre sur la complexité de l’appartenance. Le « je », qui désigne la subjectivité, est formé dans l’intersubjectivité de ces réseaux amicaux, familiaux et professionnels.

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Par ailleurs, les participant-es ont eu la possibilité de réagir à mes analyses. De plus, bien que cette méthodologie centre à priori la recherche sur ma propre expérience (de l’intimité et de chercheuse), elle inclut d’autres méthodes et outils qui « décentrent », au moins partiellement, mon expérience : les entrevues, schémas et dessins. Cela soulève plusieurs défis, comme la combinaison d’une voix personnelle à l’interprétation de ces entrevues et à une conception poststructuraliste de la subjectivité. J’y reviens un peu plus loin et dans le chapitre final de discussion.

Ethnographie

L’ethnographie a évolué au cours des dernières décennies vers une série de pratiques de plus en plus réflexives. L’observation anthropologique a commencé avec les récits de voyage et l’inventaire des objets fait par l’archéologie, et dépendait de témoignages recueillis auprès d’informateurs. « L’observation réflexive et systématique de l’homme est en partie née de la curiosité, de l’étonnement, voire de la peur de voyageurs, conquérants, missionnaires, commerçants et administrateurs envers des groupes humains différents des groupes occidentaux. » (Peretz, 1998, p. 32) Les premières études se concentraient sur des pratiques (entourant la parenté, entre autres) que les auteurs tenaient pour symboliques de la culture étudiée, portant souvent leur intérêt sur ce qu’un regard étranger ne comprenait pas à priori, comme la magie. Bronislaw Malinowski est vu comme le fondateur de la méthode d’observation directe parce qu’il fut l’un des premiers à partager la vie de la communauté qu’il étudiait et à parler directement aux gens. (Peretz, 1998) Mary Louise Pratt (1986) souligne par ailleurs qu’il y a toujours eu une tension entre un récit plus personnel et des descriptions qui se veulent objectives sur les peuples étudiés. Ces premières recherches étaient problématiques au sens où le chercheur utilisait un peuple différent du sien pour ses fins personnelles et celles de la science occidentale. Les codes scientifiques d’objectivité lui permettaient de présenter son point de vue (inévitablement teinté de sa propre culture) comme étant neutre, et rien n’exigeait qu’il redonne quelque chose au peuple étudié en retour.

Pratt (1986) remarque que les chapitres d’introduction des ethnographies incluent en général une réflexion plus personnelle servant à souligner l’autorité du chercheur par son expérience du terrain. Ces chapitres « are responsible for setting up the initial positionings of the subjects of the ethnographic text: the ethnographer, the native, and the reader » (p.32). Les récits plus personnels

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qui émergent entre les descriptions objectives permettent de négocier une contradiction entre l’autorité personnelle et l’autorité scientifique, spécifique au travail de terrain :

Personal narrative mediates this contradiction between the engagement called for in fieldwork and the self-effacement called for in formal ethnographic description, or at least mitigates some of its anguish, by inserting into the ethnographic text the authority of the personal experience out of which the ethnography is made. It thus recuperates at least a few shreds of what was exorcised in the conversion from the face-to-face field encounter to objectified science. (Pratt, 1986, p. 33, emphase ajoutée)

La méthode a ensuite évolué en étant intégrée à des enquêtes sociales locales, par exemple sur les ouvriers de Londres (par Charles Booth) et sur la population Noire de Philadelphie (par William E. B. Du Bois) (Peretz, 1998). Elles concernaient toujours une population assez différente du chercheur ou socialement marginalisée, ici par la classe sociale et la race (même si Du Bois était lui-même Noir). Les ethnographies locales affichaient déjà un plus grand lien culturel entre le chercheur et les participants. Après la Deuxième Guerre mondiale, les critiques envers le colonialisme ont augmenté, interrogeant et affaiblissant la légitimité de l’Occident à représenter les autres sociétés, et ont été renforcées à cette époque par un processus de théorisation des limites de la représentation. Les ethnographies ont alors évolué pour se pencher sur les cultures occidentales et admettre que la représentation d’un autre implique toujours celle d’un soi. (Clifford, 1986) À ce stade, la critique postmoderne a mis l’accent sur la nécessité de comprendre la position du chercheur (en termes de genre, classe, etc.) dans l’interprétation ethnographique (Angrosino, 2005). Cette « crise de la représentation » explique en partie les passages successifs de l’ethnographie « exotique » à l’ethnographie locale, puis à l’autoethnographie (Fortin, 2006). Avec le développement grandissant de la réflexivité et de sa visibilité dans les textes, la présence du chercheur ou de la chercheuse a acquis une importance nouvelle, de là à l’inclure de plus en plus explicitement dans son étude. « Il devint admis qu’à travers le choix d’une question de recherche et le poids des mots utilisés dans les descriptions, le trajet d’une pensée se construisait : celle du chercheur travaillant toujours à partir d’un parti pris plus ou moins avoué. » (Fortin, 2006 : 103) Le saut n’était plus très grand à faire avec l’autoethnographie qui prend en compte l’expérience culturelle du chercheur, sa position, sa subjectivité, autant que celle d’autres participant-es (Anderson, 2006, donne les exemples de chercheurs-joueurs de poker et de chercheurs-boxeurs, membres du club de boxe qu’ils étudient). L’expérience personnelle illustre certaines facettes d’une culture, que ce soit à travers la comparaison de cette expérience avec la

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littérature existante, à travers des entrevues avec d’autres personnes ou à travers l’étude d’objets culturels (Ellis, Adams & Bochner, 2011).

La réflexivité grandissante et l’autoethnographie bousculent les normes de « scientificité » en donnant une place prépondérante à la position de la chercheuse et à son expérience personnelle. Joan W. Scott (1992) explique que les approches basées sur l’expérience présument qu’elle constitue le fondement du savoir et que ce savoir est nécessaire pour contester l’oppression. Seuls ceux qui « possèdent » telle expérience peuvent en parler (i.e. les femmes comme « source » de la connaissance féministe). Cependant, étant donné que chacun fait partie d’une culture, d’un réseau, qui partage un ensemble de significations, elle souligne que l’expérience est toujours déjà une interprétation autant qu’elle a besoin d’être interprétée (Scott, 1992). Selon Haraway (1988), qui propose dans son texte Situated Knowledges une importante réflexion épistémologique, ce n’est pas tant le fait qu’un savoir soit basé sur « l’expérience » qui le rend pertinent, mais le fait qu’il soit « situé ». Elle prend son point de départ dans une discussion sur l’objectivité et les approches féministes, et critique le fait que l’objectivité (la légitimité d’un savoir) soit ancrée dans l’universalisme. Pour elle, « situated knowledges » signifie l’objectivité féministe. Être « situé » a trait à la position que prend le « je » (ou le « moi » du schéma) et est lié à la réflexivité. Adopter une perspective « située » présume une éthique dans laquelle un point de vue extérieur aux relations de pouvoir n’est pas tenable. Au fil du projet, je me positionne de différentes manières, en mettant de l’avant un aspect de mon identité ou de mes relations, par exemple comme célibataire ou comme Montréalaise, ou encore comme chercheuse. Le « je » de l’écriture est donc un « je » d’une expérience située ; se positionner donne un certain angle de vision et reconnaît notre position parmi un ensemble de relations sociales :

The moral is simple: only partial perspective promises objective vision. All Western cultural narratives about objectivity are allegories of the ideologies governing the relations of what we call mind and body, distance and responsibility. Feminist objectivity is about limited location and situated knowledge, not about transcendence and splitting of subject and object. It allows us to become answerable for what we learn how to see. (Haraway, 1988 : 583, emphase ajoutée)

Plusieurs chercheurs ont à cet effet fait valoir la pertinence de l’autoethnographie et de l’ethnographie réflexive pour remédier aux problèmes de représentation de « l’autre » et au rôle des normes de scientificité dans les recherches (Ellis, Adams & Bochner, 2011). De plus, le fait que les chercheurs mènent aujourd’hui des recherches auprès de leurs pairs et se concentrent sur

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des ethnographies « du particulier » (au lieu de « la culture » d’un groupe dans son ensemble), par exemple, surmonte certaines difficultés associées à la représentation de l’autre, étant donné que les personnes représentées sont plus à même d’établir un dialogue, voire de contester les comptes- rendus, ce qui peut mener à une représentation plus juste des différentes voix dans la recherche (Angrosino, 2005).

À cet effet, certains auteurs ont souligné la frontière floue entre ethnographie et autoethnographie : « making a strict differentiation between “autoethnography” and “ethnography” is problematic, as ethnography always implicates, and depends on, the ethnographer’s autos, just as autoethnography always implicates, and depends on, the people being studied” (Brummans, 2012, p. 456). Dans sa thèse, Diane Patricia Watt (2011) propose le découpage du terme comme suit : auto/ethno/graphie. Ce découpage permet de rendre visibles les rapports de pouvoir problématiques dans les ethnographies traditionnelles et ce que la réflexivité apporte pour les contrebalancer. L’ethnographie rend traditionnellement invisible son processus d’écriture : « traditional ethnographic practices assume that readers can be taken into an actual world to witness for themselves cultural knowledge as it is “lived through the subjectivities of its inhabitants’’ (p.229) » (Watt, 2011, p. 41, citant en partie Britzman, 1995). Cette invisibilité présente le chercheur comme étant « objectif » et cela lui donne le pouvoir le présenter son interprétation comme une fenêtre transparente sur la vie des gens qu’il étudie. Cet aspect de l’ethnographie a pourtant été contesté.

En se basant sur James Clifford (1986) et Deborah Britzman (1995), Watt (2011) soutient qu’une ethnographie ne peut que mobiliser des fictions et des vérités partielles. Pour déconstruire le terme « auto/ethno/graphie », elle se base sur Ted T. Aoki (2005), Cynthia M. Morawski et Pat Palulis (2009). D’un côté, il y aurait une perspective qui accentue « ethno/graphie » où un objet d’étude existe et attend d’être découvert et révélé, selon une compréhension du langage comme un outil qui représente ce qui est déjà-là, mais caché ; c’est à cette perspective que réfère l’invisibilité du processus d’écriture. De l’autre côté, il y aurait une perspective qui accentue « ethno/graphie » qui suggère que « ethno » est un effet de l’écriture. Selon cette deuxième perspective, dans l’auto/ethno/graphie, le soi est situé en relation à une culture, le chercheur écrit sur ce soi/culture et les (re)présente par le langage (par ses techniques narratives, le style, la mise en scène, les circonstances historiques et sociales qui balisent son usage). « Literary processes - metaphor, figuration, narrative - affect the ways cultural phenomena are registered, from the first

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jotted 'observations,' to the completed book, to the ways these configurations 'make sense' in determined acts of reading. » (Clifford, 1986, p. 4) Le chercheur, en devenant son propre objet d’étude, trouble la division sujet/objet du savoir, autrement dit trouble l’idée d’un chercheur (sujet) qui investiguerait un objet : « Rather than a unique focus on participants, the researcher’s subjectivity is brought into the study—a de/centering that troubles researcher as knower. » (Watt, 2011, p. 29)

Suivant ce genre de réflexions, ma recherche correspond à ce qu’on peut appeler une ethnographie réflexive :

Narrative and realist ethnographies21 are criticized by more radical reflexive ethnographers

who suggest that the ethnographic ‘reality’ being studied is not independent of the ethnographers’ work to produce an ethnographic text. Reflexive ethnography makes no claims for objectivity then, but rather seeks to emphasize its validity through reflexive subjectivity. That is, the involvement of research participants in the collection, organization and analysis of data, their opportunities to reflect on these processes and reflection on the researcher's own involvement in these processes all form a part of the data collection, organization and analysis. Such ethnography seeks validity by not making claims to objectivity and instead through carrying out analysis of its subjectivity, its involvement in the production and continuation of the field. (Neyland, 2008, p. 14)

Ainsi, au fil du texte, je réfléchis à ma participation dans les groupes, à l’influence de mon regard personnel sur mes interprétations, et j’inclus parfois les commentaires que certain-es participant-es ont fait sur des versions préliminaires des analyses.

Processus du terrain de recherche

Mon travail de terrain a constitué en des observations et des réflexions personnelles écrites dans un journal de bord, ainsi qu’en des entrevues individuelles et de groupe. Celles-ci se sont déroulées d’août à novembre 2012, alors que le journal de bord dans lequel je notais mes observations et réflexions a été tenu de l’automne 2011 à l’hiver 2014 (avec d’importantes variations quant à la fréquence). L’observation participante est une méthode qui fait partie intégrante du travail de terrain et se déroule dans des contextes naturels. L’immersion du chercheur dans ces contextes, dans la vie quotidienne des communautés, dans les ambiguïtés de

21 Les ethnographies « réalistes » sont celles où le chercheur adopte une posture qui se veut objective et les

ethnographies « narratives » sont celles qui se basent sur le point de vue d’un ou de quelques « informateurs » spécifiques et constituent en bonne partie leur récit de la situation.

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leur vie dans les circonstances réelles qui sont les leurs, est ce qui fait la valeur de cette méthode (Angrosino & Rosenberg, 2011). Étant donné mon « objet » de recherche, pratiquement tout ce qui m’entourait pouvait être observé. Il n’y a pas à priori de moments spécifiques d’observation (versus des moments de non-observation). La tradition ethnographique voudrait que l’on remplisse son journal chaque jour ou à la fin de chaque « séance » d’observation. (Peretz, 1998) Dans le but de maintenir une certaine rigueur dans mes observations, j’ai établi des périodes d’observation : de janvier à avril 2012, d’août à septembre 2012 et de décembre 2012 à janvier 2013, durant lesquelles je notais mes observations personnelles et le déroulement des événements chaque fois que je voyais des ami-es, de la famille ou une fréquentation. Je ne me présentais pas devant les gens avec un carnet de notes à la main (pour ne pas rendre mon rôle de chercheuse trop évident et briser la dynamique) ; j’optais plutôt pour la prise de notes une fois de retour à la maison. L’objectif était à la fois descriptif de ce qui s’était passé, en respectant le point de vue des participant-es, et réflexif, c’est-à-dire effectuant un retour sur mon rapport, en tant que chercheuse, au milieu à l’étude, par exemple l’évolution de mes relations, mes difficultés et réorientations (de recherche), incluant parfois des notes de méthode et des notes théoriques. En dehors de ces périodes, je continuais le journal de bord de manière plus sporadique, prenant des notes seulement si quelque chose m’affectait particulièrement ou si j’avais des idées concernant les méthodes, les concepts ou des pistes d’analyse.

Les observations sont importantes pour plusieurs raisons ; elles ont servi de base à certaines questions d’entrevues (par exemple : « comment procèdes-tu lorsque tu veux organiser un 5 à 7 ou une fête ? ») et constituent un accès unique aux expressions d’intimité, aux détails, aux subtilités qui passent autrement inaperçus. Dans ce sens, par une attention portée aux réponses affectives (les miennes), le journal de bord permet de réfléchir et de se (re)positionner (Hemmings, 2005), par exemple en attribuant de l’importance à des éléments qui n’en ont habituellement que très peu ou dont l’impact n’est pas reconnu. En outre, tout ce qui touche aux intimités mineures ne retient pas à priori l’attention (ce qui sort du cadre famille, couple, amitié).

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