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La méthodologie des essais en clusters : intérêt, implications, conséquences

protocol for a randomized controlled trial

B. Les résultats

2) La méthodologie des essais en clusters : intérêt, implications, conséquences

L’essai en cluster est une méthode particulière qui nécessite d’être justifiée, selon les recommandations CONSORT130 et de prendre en compte ses conséquences spécifiques.

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a) Intérêt de l’essai en cluster

La randomisation en cluster se justifie lorsque l’intervention testée ne s‘applique pas à l’individu mais à un échelon collectif. Les individus ne sont alors plus indépendants. Un changement de pratique médicale aura typiquement un effet collectif sur les patients, ils deviennent alors une ‘unité sociale’131,132. Cette technique de randomisation permet de protéger les patients du groupe témoin d’une contamination, en évitant qu’il ne bénéficie de l’intervention. L’étude CANABIC consistait à former des MG à une technique de communication, et d’en évaluer l’impact. Il est difficile d’envisager que ces médecins formés puissent mener un entretien usuel à des patients du groupe témoin sans être influencé par l’apprentissage de cette technique. Ils l’ont d’ailleurs témoigné dans l’évaluation de l’étude pilote de l’essai133. Les médecins de l’étude pilote qui avaient bénéficié de la formation à l’intervention brève, ont souligné que cela avait modifié leur manière de mener un entretien autour de ses consommations avec le patient. Former les médecins puis randomiser les patients aurait engendré un très fort risque de minimiser les effets de l’étude.

b) Implications sur le nombre de sujets nécessaires

La randomisation en cluster présente des contraintes statistiques. Les patients d’un même cluster ont des similarités créées par l’intervention même. La réponse de patients à une intervention réalisée par le même professionnel de santé par exemple, va être corrélée134. On parle d’homogénéité intra-cluster, que l’on mesure par le coefficient de corrélation intra- cluster135. Pour pallier à cette perte de puissance statistique, la taille de l’effectif doit être donc augmentée136. L’essai en cluster ajoute donc une contrainte de faisabilité étant données les difficultés de recrutement et d’inclusion exposées.

Dans l’étude CANABIC, l’ICC final était de 0.02, donc bien inférieur au 0,2 prévisionnel. Cela peut garantir une puissance satisfaisante à l’essai malgré les perdus de vus MG et patients.

c) Implications sur les effets de l’intervention

Dans l’étude CANABIC, le profil des patients inclus dans chaque groupe peut témoigner d’un premier effet de l’intervention sur les médecins. En effet, les médecins du GI ont inclus des consommateurs plus ‘sévères’ que le GC. On peut imaginer qu’ils se sont sentis plus à l’aise pour prendre en charge leurs patients, même à des niveaux de consommation élevés.

Un des éléments aurait pu pallier à ce déséquilibre dans le profil des patients inclus : nous aurions pu randomiser les MG, et donc les former, après les inclusions. Cependant, au vu des

111 difficultés d’inclusions ci-exposées, il n’aurait pas été raisonnable de faire patienter les premiers patients inclus jusqu’à ce que la totalité des patients nécessaires soit incluse, car cela représentait parfois une période de plus d’un an. Le risque aurait été de perdre de vue un nombre encore plus grand de patient.

Le coefficient de corrélation était de 0,02 au total. Si on le détaille par groupe, il était de 0,01 dans le groupe contrôle et de 0,12 dans le groupe intervention. Plus l’ICC est élevé, plus cela traduit un effet médecin important. On peut faire l’hypothèse que la formation à l’IB a renforcé l’effet médecin, et a donc homogénéisé la pratique d’un même MG avec ses patients.

d) Implications sur l’analyse

L’effet de notre étude a une tendance positive mais les résultats peuvent sembler décevants par rapport à ceux attendu. Enseigner une méthode de communication aux MG, basée sur l’écoute empathique, semble intuitivement de nature à améliorer la prise en charge de ses patients par le médecin, en tout cas ne semble pas pouvoir nuire à l’alliance thérapeutique. En réalité, la cascade de conséquences d’une intervention menée dans le cadre d’un projet de recherche peut être inattendue137 et mérite une évaluation spécifique. C’est ce qu’illustre une récente étude au Pays-Bas, qui visait à faire diminuer la quantité d’alcool consommée de patients consommateurs à risque en soins primaires. L’intervention était basée sur des activités à visée des professionnels de santé et des patients138. Les participants du groupe contrôle avaient significativement plus diminué leur consommation à la fin de l’étude. Une équipe américaine a tenté d’analyser cette variabilité. L’étude SCOPE (Supporting Colorectal Cancer Outcomes through Participatory Enhancements) était un essai randomisé en cluster qui avait pour but de mesurer l’efficacité d’un programme d’enseignements et de mesures pour augmenter le taux de repérage du cancer colorectal139. Les résultats ont été globalement positifs, mais certains groupes ont eu des résultats discordants, notamment une diminution du taux de repérage. Les auteurs ont analysés les résultats par groupe, avec une méthode mixte quali/quantitative afin d’identifier s’il y avait des critères expliquant ce résultat. Ces éléments contribuent à discuter de la variabilité intra et inter groupes et médecins137.

Pour l’analyse, les caractéristiques des médecins ont été intégrées comme covariables dans l’analyse des résultats patients. Mais l’unité d’analyse reste le patient. L’analyse de résultats pourrait être complétée par une analyse considérant le cluster comme unité d’analyse statistique. Les effets inattendus d’une intervention sur un système de soins sont décrits depuis

112 longtemps140 et sont un enjeu pour la recherche en soins primaires137. Les processus en jeu dans les effets sur les patients d’une intervention sur des professionnels de santé sont complexes et nécessite le recours à des méthodes mixtes, quali-quantitatives, qui permettent d’explorer plus finement les comportements.