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L’épidémiologie nutritionnelle repose sur un phénotypage alimentaire établi à partir de données déclarées. En effet, d’une part, il existe peu de marqueurs biologiques fiables de l’apport alimentaire et d’autre part le recueil de tels marqueurs est difficilement envisageable sur de larges échantillons pour des raisons de coût et de logistique.

Plusieurs méthodes permettant le phénotypage alimentaire existent donc, chacune avec des avantages et des limites qui leur sont propres :

- Les enregistrements alimentaires « prospectifs » (ou carnets) portant sur une ou plusieurs journées consécutives. Cette méthode consiste à noter de manière exhaustive toutes les consommations d’aliments et de boissons sur une période donnée, en prenant en considération les recettes et les quantités. Cette méthode bien que précise, implique une bonne coopération des participants, un traitement lourd des données et nécessite, afin d’estimer les apports alimentaires usuels, la répétition sur plusieurs jours étant donné la variabilité individuelle importante de l’alimentation (Ma et al. 2009). Cette méthode étant prospective, elle permet de limiter le biais de mémorisation, néanmoins le sujet peut avoir alors tendance à modifier, consciemment ou non, son alimentation (par exemple pour simplifier les recueils ou dans le cadre d’un biais de désirabilité). Un effet de lassitude est également observé lorsque les enregistrements (par carnet de 3 ou 7 jours) sont réalisés sur plusieurs jours consécutifs.

- Le rappel des 24 heures (R24) sous forme d’interview menée par un diététicien entrainé, représente la méthode de référence de recueil de données alimentaires en épidémiologie nutritionnelle, bien qu’imparfaite elle aussi. Cette méthode consiste à interroger le sujet sans qu’il soit prévenu à l’avance sur ses consommations alimentaires de la veille, de minuit à minuit. La conduite de l’entretien par le diététicien est standardisée et les questions posées permettent un maximum de précision et d’éviter les oublis, tout en évitant de l’influencer dans ses réponses (Willett 1998). Cependant cette méthode ne peut s’absoudre d’un potentiel biais de mémorisation.

- Les questionnaires fréquentiels (Food Frequency Questionnaire, FFQ) permettent eux d’évaluer les consommations habituelles sur une période donnée, en général à partir d’une liste fermée d’aliments. Cette méthode est plus simple que les deux autres,

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raison pour laquelle elle a été largement utilisée en épidémiologie nutritionnelle. Les FFQ peuvent être purement fréquentiels: sans estimation des quantités consommées ou semi-quantitatifs intégrant des questions sur les tailles de portion et permettant ainsi une estimation des apports (Thompson & Byers 1994). Si la simplicité des FFQ est un de leur avantage majeur, cette méthode est peu précise dans la mesure où elle ne prend pas en considération la composition des repas, les modes de préparation et utilise des listes fermées d’aliments.

64 III.A.2 : Biais liés aux méthodes de recueil

Comme vu précédemment, chaque méthode de recueil alimentaire a des limites qui lui sont propres. Plus généralement, l’épidémiologie nutritionnelle est soumise à des biais inhérents au caractère auto-rapporté des données. Les principaux biais décrit correspondent à (Willett 1998; Gibson 2005 ; Andreeva & Kesse-Guyot 2015; Hebert et al. 1995 ; Thompson & Byers 1994):

- un biais de mémoire pour les rappels et FFQ - un biais de prévarication pour les carnets

- des biais liés à l’imprécision de la méthode (listes fermées et estimation non systématique des quantités) pour les FFQ,

- des biais liés à l’erreur d’estimation des portions consommées, - des biais liés aux imprécisions des tables de compositions,

- un biais de sous-déclaration qui est un phénomène complexe qui résulte de la tendance à sous-estimer les apports et les quantités consommées. Les oublis ou erreurs de déclaration de certains aliments peuvent être involontaires (problème de mémoire, estimation des quantités, etc.) ou volontaires en omettant préférentiellement des aliments ayant une image malsaine (biais de désirabilité sociale) (Lafay et al. 2000).

65 III.A.3. Gold standard et validation des méthodes de recueil :

Il existe pour quelques nutriments des biomarqueurs directement liés à l’apport alimentaire et dont la concentration n’est pas soumise à de substantielles différences interindividuelles liées au métabolisme. Ces biomarqueurs sont considérés comme des gold-standard pour l’estimation de ces nutriments. Ils sont peu nombreux et concernent :

- la dépense énergétique mesurée sur une période d’environ deux semaines à l’aide de la méthode de l’eau doublement marquée (Bingham SA. 2002)

- les apports en protéines, sodium et potassium par la mesure de l’azote, du potassium et du sodium excrétés dans des recueils d’urines de 24 heures. (Rhodes et al. 2013,

Tasevska et al. 2006, Bingham 2003)

Plusieurs grandes études notamment Intersalt (Stamler et al. 1989), Intermap (Elliott et al. 2006) et PURE (Mente et al. 2014) ont utilisé cette méthode d’estimation à partir de biomarqueurs afin d’étudier les relations entre apports en sodium, potassium et protéines et PA, sur de larges échantillons (dans le cas de l’étude PURE, il s’agissait d’estimation à partir de spots urinaires). Cependant, les résultats reposent en général sur un unique recueil de 24h et ne permettent pas de prendre en considération la variabilité individuelle des apports selon les jours. D’autre part, ces études se limitent à quelques nutriments, et apportent donc une information partielle quand il s’agit d’étudier les relations entre nutrition et santé. Ainsi pour avoir une idée de la validité des recueils alimentaires, la réalisation d’études sur des sous- échantillons permettant de comparer les données estimées par déclaration à des mesures objectives s’est beaucoup développée en épidémiologie nutritionnelle (de Boer et al. 2011, Crispim SP et al. 2012).

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II.B. Etude individuelle des facteurs nutritionnels et approche globale de

l’alimentation :