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La principale méthode de lutte, qui assure des niveaux faibles de maladie et de dégâts, est la rotation. Aucune source de résistance contre cette maladie n'a pu être identifiée jusqu'à présent chez le blé et les espèces voisines (Cook, 2003). La lutte chimique a longtemps fait défaut et le fongicide Latitude®, récemment homologué, ne présente qu'une efficacité partielle (Schoeny & Lucas, 1999). Cependant plusieurs facteurs influencent la gravité des épidémies.

La gravité des épidémies dépend en grande partie des conditions pédoclimatiques : une étude menée de 1930 à 1976 dans l'est de l'Angleterre a permis de déterminer les conditions climatiques favorables au développement de la maladie (figure I-11) (Hornby, 1998). En particulier, une pluviosité importante (ou l'irrigation) favorise le piétin-échaudage. La maladie peut néanmoins causer des dommages importants dans les régions très sèches de l'Australie ou des Etats-Unis mais il n'y a alors pas de foyers : sous ces conditions, le mycélium ne peut progresser de plante à plante et les épidémies résultent uniquement des infections primaires (Cook, 2003).

Figure I-11 : association entre le climat et le piétin-échaudage, principalement sur blé d'hiver à Rothamsted (Est de l'Angleterre) entre 1930 et 1976. Les quatre classes d'incidence de la maladie (rare, fréquente, dommageable, grave) ont été obtenues à partir des observations portant sur 23 saisons culturales. Le climat associé est caractérisé par comparaison avec une moyenne sur 83 ans. Les symboles indiquent des valeures inférieures, égales ou supérieures à la moyenne pour la température (noir, gris, blanc), les précipitations ("dry", pas de symbole, goutte de pluie) et l'ensoleillement (nuage, pas de symbole, soleil) (Hornby, 1998).

D'autres facteurs, sur lesquels l'agriculteur peut agir, influencent également le niveau de maladie. Le tableau I-6 regroupe quelques références dans lesquelles l'effet des facteurs agronomiques a été étudié. Les mécanismes impliqués sont développés ci-dessous.

La succession culturale, par exemple, détermine la quantité d'inoculum primaire présent au début du cycle cultural dans une parcelle. Colbach (1994) propose un classement des cultures en trois groupes : hôtes (céréales à paille d'hiver et de printemps), non-hôtes (luzerne, pois, sorgho, tournesol) et amplificatrices (maïs, ray-grass) en fonction de leur influence sur la maladie. Ainsi, les cultures hôtes ont tendance à augmenter le risque piétin-échaudage en augmentant la quantité d'inoculum et les cultures non-hôtes à le diminuer. Les cultures amplificatrices augmentent le risque dû aux cultures hôtes présentes dans la succession culturale, en augmentant la réceptivité des sols. Le risque de maladie augmente

donc lorsqu'on implante successivement plusieurs cultures hôtes. Cependant on observe après quelques années de monoculture un déclin de la maladie, dû à une modification de la

microflore antagoniste, ce phénomène est désigné sous le nom de "Take-All Decline" (Slope & Cox, 1964).

Le travail du sol influence également le développement de la maladie. Le piétin-échaudage est cité comme exemple de maladie favorisée par les techniques culturales simplifiées (Bockus & Shroyer, 1998) mais au champ, des résultats contradictoires ont été obtenus par différents chercheurs : le travail simplifié du sol diminue parfois le risque de piétin-échaudage (Brooks & Dawson, 1968; Lockhart et al., 1975; Rothrock, 1987; Cotterill & Sivasithamparam, 1988; De Boer et al., 1993) parfois l'augmente (Moore & Cook, 1984; Colbach, 1994; Ennaïfar et al., 2005; Gosme et al., 2006), parfois enfin, la simplification du travail du sol n'a pas d'effet (Bodker et al., 1990). Ces contradictions sont sans doutes dues à des effets opposés de plusieurs facteurs, dont voici les principaux :

la profondeur de l'inoculum (en interaction avec la rotation du fait de l'inversion ou de la non-inversion de la couche contenant les débris de culture infestés (Colbach, 1994)). Ce facteur influence la maladie via deux paramètres :

- la vitesse de déclin de l'inoculum : plus l'inoculum est profond, plus son déclin est rapide, vraisemblablement à cause des différences d'humidité du sol d'un horizon à l'autre (Kollmorgen & Walsgott, 1984; Wong & Southwell, 1987)

- la distance verticale entre les racines et l'inoculum : il a été démontré que plus les résidus sont proches de la graine, plus l'intensité de la maladie (matérialisée par les pertes de rendement causées par la maladie) est élevée (Kabbage & Bockus, 2002)

la structure du sol : au champ, un sol tassé limite en général le développement de la maladie (Griffiths, 1933; Garrett, 1981), éventuellement uniquement en début d'épidémie (Colbach, 1995). Les paramètres potentiellement impliqués sont les suivants :

- le potentiel matriciel, qui favorise la croissance mycélienne,

directement (Cook, 1981) et indirectement en favorisant la solubilité de l'azote et des autres nutriments (Huber, 1981)

- la taille et la connectivité des pores remplis d'air, nécessaires à la croissance mycélienne. Ce facteur a été étudié en détail dans le cas de Rhizoctonia (Otten & Gilligan, 1998; Otten et al., 1999; Harris et al., 2003; Otten et al., 2004), il semble que les mêmes mécanismes soient impliqués dans le cas de Ggt (Glenn et al., 1987 ; Heritage et al., 1989) - l'aération du sol qui, en augmentant l'activité microbienne, accélère le

déclin de l'inoculum (Reicosky & Lindstrom, 1993). Cependant l'aération pourrait également favoriser la croissance du mycélium

(Cook, 1981; Garrett, 1981) bien qu'il ait été démontré que l'oxygène n'était pas un facteur limitant (Glenn et al., 1987)

la taille des débris infectieux, qui joue sur :

- leur infectivité : plus les débris sont gros, plus ils sont infectieux (Wilkinson et al., 1985)

- leur vitesse de déclin : les petits débris perdent leur pouvoir infectieux plus rapidement que les gros (Hornby, 1975)

La gestion des résidus de culture a également un effet controversé. Selon certains auteurs, les pailles laissées sur le sol pendant l'été augmentent le risque de piétin-échaudage (Cook & Haglund, 1991; Bockus et al., 1994) tandis que pour d'autres, la gestion des pailles n'a pas d'effet (Bodker et al., 1990, Colbach et al., 1997). Le paillage peut avoir un effet sur :

la présence d'une grande quantité de résidus potentiellement infectés (Colbach et al., 1997)

l'ombrage du sol et donc la température ; or les hautes températures en été

accélèrent le déclin de l'inoculum (Bockus et al., 1994)

la rétention d'eau et la diminution de l'évaporation, qui peuvent avoir des effets contradictoires en favorisant la croissance du champignon (Cook & Haglund, 1991), mais en favorisant également la dégradation de l'inoculum

La date de semis est citée comme le facteur sous contrôle de l'agriculteur ayant le plus d'effet sur le piétin-échaudage (Hornby, 1998). Un semis précoce augmente en général les risques de maladie (Olsen, 1984; Colbach et al., 1997) mais d'autres travaux ont montré que cette augmentation n'est sensible qu'en début de saison (Werker & Gilligan, 1990) ou même que la date de semis n'a pas d'effet (Bodker et al., 1990). La réduction des attaques dans le cas d'un semis tardif s'explique par :

la réduction de la période propice aux infections, du fait de la sensibilité de Ggt aux baisses de température en début d'hiver (Cook, 1981; Grose et al., 1984)

le rallongement de la période de jachère estivale, qui allonge la période de déclin de l'inoculum

La répartition spatiale des plantes (densité et/ou localisation des plantes) a un effet sur :

la distance horizontale entre la plante et l'inoculum (soit en moyenne, lorsque la densité de plantes est réduite, soit systématiquement lorsque les plantes sont semées exactement entre deux rangs du blé précédent (Garrett et al., 2004)). Or une augmentation de la distance horizontale entre l'inoculum et la graine augmente le rendement (Kabbage & Bockus, 2002)

le nombre de racines par plante, qui a un effet sur le développement de maladie en augmentant la probabilité de rencontre entre l'inoculum et les racines (Gilligan, 2002)

les caractéristiques du sol : l'agrégation des plantes crée des zones à découvert, au niveau desquelles la couche superficielle peut se réchauffer et sécher plus vite, ce qui réduit la capacité de croissance du mycélium (Cook et al., 2000)

Enfin, la fertilisation est également importante car toute carence nutritionnelle de la plante exacerbe les effets de la maladie. La fertilisation azotée a de plus des effets directs sur l'agent pathogène (l'azote disponible favorise la croissance de l'agent pathogène (Shipton, 1981)) et indirects sur la microflore antagoniste : une forte dose d'azote augmente les

infections primaires et réduit les infections secondaires (Colbach et al., 1997), l'azote sous forme ammoniacale réduisant plus la maladie que l'azote sous forme nitrique (Sarniguet et al., 1992).

Le piétin-échaudage est donc une maladie très étudiée depuis plus d'un siècle. En particulier, les mécanismes biologiques impliqués dans les processus de survie, de dispersion et d'infection sont bien connus, ainsi que l'effet des pratiques agronomiques sur ces mécanismes. Néanmoins, la plupart des études épidémiologiques menées jusqu'à présent étaient basées sur une évaluation globale de la maladie à l'échelle de la parcelle. Une telle approche peut se justifier si l'infestation est homogène comme c'est plus ou moins le cas pour les agents pathogènes à dispersion aérienne. Cependant le piétin-échaudage, comme de nombreuses maladies d'origine tellurique, présente une forte hétérogénéité spatiale, avec en particulier un développement en foyers (Clarkson & Polley, 1981). C'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles les résultats concernant l'impact des facteurs agronomiques sont souvent contradictoires. Il est donc nécessaire d'étudier la structure spatiale du piétin-échaudage.

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