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la ration dans le rumen

I.3. Méthodes in vitro

Le terme « in vitro » peut s’appliquer aux méthodes fermentaires utilisant du fluide et / ou contenu ruminal et aux méthodes enzymatiques (type pepsine-cellulase de Aufrère et Demarquilly (1989)). Cette partie concerne uniquement les méthodes fermentaires.

I.3.1 Principe

Les méthodes fermentaires consistent à incuber un substrat (ration, aliment, additif, …), pendant une durée définie, en présence d’un inoculum constitué d’une population microbienne (fluide et / ou contenu ruminal) et d’une solution saline tamponnée. Ces méthodes nécessitent des animaux donneurs, fistulés du rumen. Ces animaux sont néanmoins moins sollicités dans une même journée qu’avec la méthode in situ. Notons qu’il est également possible de substituer le contenu ruminal par des fèces du fait de leur contenu microbien (Cone et al., 2002 ; Rymer et al., 2005a).

Il existe plusieurs systèmes in vitro. On distingue les systèmes en flux continu ou semi- continu des systèmes fermés de type « batch ».

I.3.2 Systèmes en flux continu ou semi-continu

a) Matériels et méthodes

Ces systèmes fonctionnent avec un apport continu de solution tampon, un apport continu ou discontinu d’aliment, et une sortie continue des produits de fermentation et des microorganismes (Slyter et al., 1964 ; Hoover et al., 1976 ; Czerkawski et Breckenridge, 1977). Dans le cas des systèmes continus de type Hoover (Hoover et al., 1976 ; Broudiscou et al., 1997), dit à double effluent, les phases solides et liquides sont séparées en sortie. Czerkawski et Breckenridge (1977) ont mis au point le système RUSITEC (Rumen Simulation Technique) où les liquides sont évacués en cours de fermentation, tandis que les solides sont enfermés dans des sachets de nylon (Durand et al., 1988 ; Giger-Reverdin et al., 1993). Les expériences durent plusieurs jours : jusqu’à 20 jours (Blanchart et al., 1989) pour

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la méthode RUSITEC, 7 jours pour la méthode continue de Broudiscou et al (1997). Ces systèmes permettent d’étudier des cinétiques, mais aussi d’effectuer des mesures de bilan.

b) Avantages et limites

Ces systèmes rendent possible un bon renouvellement de la population microbienne sur le long-terme et l’adaptation des microorganismes aux substrats et aux facteurs étudiés (Durand et al., 1988 ; Broudiscou et al., 1997). Ils permettent d’étudier à la fois les aspects cinétiques et les bilans de la fermentation. En effet, le RUSITEC permet la mesure simultanée de la plupart des paramètres de fermentation : taux de disparition de la MS, production d’AGV, de gaz, de NH3 et de protéosynthèse microbienne (Blanchart et al., 1989). Il évite

l’accumulation dans le milieu des produits de fermentation qui risquent d’entraîner des déviations fermentaires (Blanchart et al., 1989).

En revanche, ces systèmes sont lourds à mettre en œuvre et donc difficiles à utiliser en routine. Dans le cas du RUSITEC, l’aliment est conditionné en sachet nylon. La porosité des sachets pourrait autoriser des pertes de particules et freiner les échanges de gaz, de liquides et de microorganismes entre l’intérieur et l’extérieur des sachets. De plus, le rythme d’alimentation d’un repas par jour qui est différent du rythme habituel d’alimentation, peut introduire des différences de résultats avec l’in vivo. Ce système pourrait sous-alimenter les microorganismes dans les périodes les plus éloignées de l’approvisionnement en substrat (Blanchart et al., 1989).

D’autre part, à notre connaissance, il ne semble pas exister d’étude comparative entre les résultats issus de flux duodénaux in vivo et de fermenteurs à double effluent.

I.3.3 Systèmes « batch »

a) Matériels et méthodes

Les techniques « batch » sont dérivées de la méthode de Tilley et Terry (1963) qui permet de déterminer la digestibilité apparente de la MS ou de la MO d’aliments, mais en ont supprimé la dernière étape qui consiste en un traitement à la pepsine chlorhydrique, qui simule la digestion des aliments dans la caillette. Ces techniques ne simulent donc que les phénomènes ruminaux.

Dans un récipient, un échantillon du substrat est mis en présence d’un inoculum, pendant une durée relativement courte (maximum 120 h (Calabro et al., 2008)) par rapport aux systèmes en flux continu ou semi-continu. Il y a donc un apport unique de substrat et de solution tampon et aucune sortie d’effluents ou de substrat après le démarrage de l’expérimentation. Pendant l’incubation, les conditions de température et d’anaérobiose se rapprochent autant que possible de celles du rumen.

Il existe quelques méthodes in vitro de référence (voir plus loin pour les méthodes gaz- test). Néanmoins, les équipes travaillant avec ces méthodes les ont toutes adaptées à leurs objectifs expérimentaux et à leurs contraintes. La Figure 3 représente les différentes étapes de ces méthodes et les choix méthodologiques pouvant être faits concernant le prélèvement de contenu ruminal, le type de solution tampon, le traitement du substrat et de l’inoculum (Rymer et al., 2005a).

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Différentes mesures sont possibles : AGV, protéines microbiennes, dégradation de la MS et de la matière organique (MO), etc... Les prélèvements et mesures sont généralement faits en fin d’incubation ou à des temps donnés pendant l’incubation pour étudier la cinétique de fermentation (Maaroufi et al., 2009). Au cours de ces 30 dernières années, de nombreuses équipes ont mesuré le volume de gaz produit, car cette mesure permet d’estimer la digestibilité de la MO des aliments (Menke et al., 1979). Elle nécessite des dispositifs spécifiques automatisés ou non : seringues (Menke et al., 1979), « liquid displacement system » (Beuvink et al., 1992), « pressure transducer » (Pell et Schofield, 1993 ; Theodorou et al., 1994 ; Cone et al., 1996 ; Mauricio et al., 1999 ; Adesogan et al., 2005). Ces méthodes sont appelées « gaz-test ». De nombreux auteurs ont cherché des outils mathématiques pour interpréter les courbes de production de gaz cumulée obtenues avec ces méthodes (France et al., 2000).

b) Avantages et limites

L’avantage premier de ces techniques est leur adaptabilité aux objectifs expérimentaux en termes de protocole (Figure 3) et de mesures réalisées. Elles permettent d’étudier les vitesse et intensité de dégradation des substrats, mais également les quantités de produits de fermentation (AGV, protéines microbiennes, gaz…) (Mauricio et al., 1999), en cinétiques ou non. La facilité de la mesure de la production de gaz est un réel avantage surtout dans le contexte actuel du questionnement sur la production de méthane des ruminants (Getachew et al., 2005).

Les méthodes in vitro « batch » ont une répétabilité et une reproductibilité acceptables (Gosselink et al., 2004 ; Rymer et al., 2005b). Leur coût est très variable selon le niveau d’automatisation du système (Getachew et al., 1998 ; Mauricio et al., 1999). D’autre part, selon plusieurs auteurs, ces méthodes sont rapides (Cone et al., 1996 ; Williams et al., 2005) et simples à mettre en œuvre (Coles et al., 2005 ; Williams et al., 2005). Elles permettent l’évaluation simultanée d’une grande quantité de substrats (Getachew et al., 1998 ; Doreau, 2008). Les méthodes in vitro semblent être une alternative intéressante à la méthode in situ pour l’étude des aliments solubles ou ayant de petites particules (Cone et al., 1996).

La principale limite de ces systèmes consiste dans le fait que ce sont des systèmes fermés à l’opposé du rumen, induisant une accumulation des produits terminaux qui peut inhiber le développement des populations microbiennes (Lopez et al., 1998). L’apport important de bicarbonate dans la salive artificielle pour tamponner la chute de pH liée à la production d’AGV (non absorbés) entraîne une surestimation de la production de CO2

fermentaire par ces systèmes (Mould et al., 2005). Les systèmes n’utilisant que du jus sans contenu solide ruminal (Menke et al., 1979 ; Pell et Schofield, 1993 ; Cone et al., 1996) ont le désavantage de ne prendre en compte qu’en partie l’activité fermentaire des bactéries attachées aux particules alimentaires.

L’étude en cinétique nécessite de stopper les fermentations de certains flacons ou seringues pour pouvoir effectuer des prélèvements. Ainsi pour une cinétique donnée, les prélèvements sont effectués sur des flacons différents (Getachew et al., 2005 ; Maaroufi et al., 2009). Les méthodes gaz-test permettent de préserver l’échantillon, permettant ainsi de

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réaliser des mesures répétées de gaz sur le même flacon (Coles et al., 2005). L’inconvénient est qu’en général, seul le gaz est mesuré en cinétique et que les autres critères sont mesurés uniquement en fin d’incubation (Garcia-Gonzalez et al., 2008 ; Goiri et al., 2009).

Nous utiliserons la méthode de Menke et al. (1979) lors de notre travail expérimental. Cette technique est reconnue à l’échelle internationale et est utilisée dans de nombreux laboratoires. Cette technique est très répétable (CV = 1,7 %) et permet l’étude d’une cinquantaine d’échantillons simultanément. Même si ce système n’est pas automatisé, impliquant ainsi potentiellement un nombre d’erreurs et une durée de manipulation supérieurs aux systèmes automatisés (Cone et al., 1996), il est plus facilement adaptable à l’étude de cinétiques de plusieurs critères mesurés simultanément (Maaroufi et al., 2009).

Il n’existe pas de méthode optimale pour l’étude de la biotransformation dans le rumen. Les méthodes in vivo présentent l’avantage d’être directement représentatives du fonctionnement digestif de l’animal, mais sont lourdes à mettre en place et ne permettent pas l’étude simultanée de nombreux facteurs expérimentaux et de leurs interactions. Les méthodes in

vitro sont au contraire très adaptables pour leur mise en œuvre et la multiplicité des mesures à

réaliser mais elles sont moins représentatives des processus physiologiques. Croiser ces différentes méthodes pourrait être intéressant, car les critères mesurés ne sont pas les mêmes.

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Figure 3 : Choix à faire lors des étapes des méthodes in vitro « batch »

PRELEVEMENT :

Espèce animale du (des) donneur(s) (vache, chèvre, mouton) ?

Source (jus de rumen / fèces) ?

Moment du prélèvement par rapport au repas ?

Nombre d’animaux prélevés ?

INOCULUM :

TRAITEMENT DU PRELEVEMENT Quel moyen pour maintenir la température et l’anaérobiose ?

Jus et / ou contenu solide ?

Si utilisation du contenu solide, système de détachement de la flore (stomacher) ? Moyen de filtration (gaze, tissu nylon) ?

SOLUTION TAMPON

Quelle composition ? Bicarbonates, phosphates ? Quels minéraux ? Quelle quantité d’azote ? etc…

Quel moyen pour maintenir l’anaérobiose ?

MELANGE

Quel ratio de dilution ? SUBSTRAT :

Mode de séchage du substrat (étuve, lyophilisation) ?

Quelle grille de broyage ?

Conditionnement (sachet nylon) ? Stockage ?

Préhydratation par la solution tampon ?

INOCULATION :

Quel ratio substrat / inoculum ?

INCUBATION : Quels moyens :

- de maintien de la température et de l’anaérobiose ? - d’agitation des flacons ?

Quelle durée d’incubation ?

MESURES :

Quel nombre de répétitions ?

Mesures en cinétique ou en fin d’incubation ? Quelles mesures ?

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II.

Dynamique du devenir des aliments dans le rumen

Le réticulo-rumen constitue un écosystème anaérobie strict où une diversité de microorganismes permet la dégradation des constituants de la ration. Dans cette partie, nous décrirons les microorganismes présents dans le rumen ainsi que les paramètres physico- chimiques de cet écosystème. Nous verrons ensuite la dégradation et la transformation des constituants majeurs de la ration (protéines, glucides et lipides). Ces éléments seront décrits sous l’angle de la dynamique postprandiale et d’un point de vue quantitatif.