La lithographie électronique étant une méthode extrêmement chronophage et non compatible avec
la production de masse, des méthodes originales ont été mises au point afin de pouvoir s’en passer,
et réaliser des nanofils très fins en utilisant des appareils communs de photolithographie.
Stern et al [56] réalisent tout d’abord un ruban de résine en utilisant la photolithographie sur
substrat SOI préalablement oxydé. L’oxyde est retiré à l’exception des zones sous les rubans de
résine, et la plaquette est ensuite gravée en phase liquide de façon anisotrope avec du TMAH
(hydroxyde de tétra-méthyl-ammonium) (les différentes orientations cristallines du silicium sont
attaquées à des vitesses différentes). Le ruban d’oxyde de silicium sert de masque et, en sur-gravant
le silicium, ils ont réalisé des nanofils de section trapézoïdale de dimensions inférieures au ruban
de SiO
2obtenu par photolithographie (figure 19 [56]). Comme avantage de cette méthode en
comparaison avec la gravure ionique réactive, les auteurs évoquent la rugosité inférieure des flancs
des nanofils, qui engendrerait une mobilité supérieure des porteurs de charge et un bruit intrinsèque
inférieur [61], augmentant ainsi le rapport signal sur bruit des capteurs.
Chen et al [62] utilisent un substrat SOI sur lequel ils déposent préalablement une couche de nitrure
de silicium Si
3N
4. Puis, ils réalisent un large ruban de résine en utilisant les techniques courantes de
photolithographie. Ce ruban est ensuite transféré dans le silicium par gravure sèche puis humide
anisotrope. Le nitrure est ensuite retiré et le centre du ruban de silicium est à son tour attaqué par
une gravure humide anisotrope. Les bords restants forment alors deux nanofils de section
trian-gulaire présentant les orientations cristallines (111) sur deux de ses cotés (figure 20 [62]).
Figure 19 : a) schéma et b) vue au MEB d’un nanofil réalisé par Stern et al. Les pointillés sur la vue
au MEB représentent les dimensions du masque de résine avant amincissement du nanofil de silicium.
Nanofil à section
trapézoïdale
Figure 20 : à gauche, schéma représentant les différentes étapes de réalisation des nanofils selon la méthode de Chen et al, et à droite, vue au MEB des nanofils. Les étapes sont les suivantes : a) gravure de la couche de nitrure de silicium ; b) gravure
humide du silicium suivi d’une oxydation ; c) retrait du nitrure de silicium et seconde gravure humide ; d) réalisation de
Afin de diminuer les coûts de fabrication en se passant d’onéreux substrats SOI, des équipes se
sont employées à réaliser des nanofils en silicium polycristallin sur substrats standard, en utilisant
une technique originale [63]–[67]. Le principe est de partir d’une plaquette de silicium (standard)
oxydée, et de réaliser un espaceur en oxyde ou nitrure de silicium par exemple. Ensuite il faut
déposer une couche de polysilicium sur toute la plaquette puis réaliser une gravure sèche. Cette
gravure est moins rapide dans les angles, ce qui permet d’obtenir des nanofils dans les angles formés
entre l’espaceur et le substrat (figure 21 [63], [64], [67]). C’est une technique bas coût, mais les
qualités du silicium polycristallin, en termes de mobilité des porteurs et de bruit intrinsèque, sont
loin d’égaler celles du silicium monocristallin, notamment à cause des joints de grain et des états
d’interface associés [19].
Toujours dans l’optique de pouvoir se passer de substrats SOI onéreux, il existe dans la littérature
des exemples de réalisation de nanofils monocristallins sur substrats standard. Rigante et al [68] ont
déposé une couche de nitrure de silicium Si
3N
4sur substrats silicium standard, puis ont réalisé de
hauts rubans de silicium en utilisant une lithographie électronique suivie d’une gravure sèche. Un
second dépôt de nitrure vient passiver les flancs des rubans, puis une seconde gravure sèche ouvre
le nitrure au niveau de la base des rubans. Pour finir, une oxydation humide affine le ruban de
silicium et consomme toute la base de celui-ci, l’isolant ainsi du substrat. Le tout engendre des
nanofils en forme d’aileron (FIN-FET) (figure 22 [68]). C’est une méthode grâce à laquelle il est
Figure 21 : a) schéma des étapes technologiques pour la réalisation de transistors à base de nanofils polycristallins ; b) vue au MEB en coupe transversale d’un nanofil polycristallin ; c) image au microscope
optique d’un transistor à base de nanofils polycristallins.
a)
c)
b)
possible de s’affranchir de substrats SOI, mais qui est assez complexe et nécessite beaucoup
d’étapes technologiques.
Les nanofils, du fait de leur faible section, présentent une forte résistivité en comparaison avec les
structures planaires classiques. Ceci engendre une diminution des courants utiles et rend difficile
leur utilisation. Pour y remédier, il est possible de multiplier le nombre de nanofils en parallèle,
mais cela engendre en contrepartie une plus grande occupation de la surface de la puce. Afin de
multiplier le nombre de nanofils en parallèle tout en minimisant la surface totale du capteur, des
équipes de recherche ont utilisé le procédé de gravure ionique réactive « Bosch » dans le but de
superposer des nanofils les uns sur les autres. Ce procédé mis au point dans le but de réaliser des
gravures à la fois profondes et verticales, est basé sur l’alternance de cycles de gravure et de
passivation des flancs de gravure. Ceci engendre des flancs de gravure en forme de vaguelettes,
comme la surface des coquilles Saint-Jacques (phénomène appelé « scalloping » en anglais). Cette
gravure réalisée sur de fins rubans, suivie d’une oxydation puis d’une désoxydation du silicium, a
pour effet d’obtenir des nanofils superposés (figure 23 [69]–[71]), procédé proposé pour la
première fois par Ng et al [69], [72] et utilisé depuis par d’autres équipes de recherche [73], [70].
Néanmoins, ce n’est visiblement pas un procédé très reproductible à cette échelle au vu du nombre
de nanofils brisés. Le moindre nanofil brisé engendrera fatalement des courants de fuite lors du
fonctionnement en phase liquide.
Figure 22 : à gauche, schéma des étapes technologiques nécessaires à la réalisation des transistors FIN-FET; à droite,
II.3.3 Intégration système
Un avantage prépondérant est la réalisation d’un procédé totalement CMOS compatible, un grand
nombre de travaux mettent en avant cet aspect [56], [60], [65], [74]–[76]. Le principal avantage est
la possibilité d’intégrer des transistors MOSFET pour réaliser un traitement du signal au plus près
des capteurs. Il est possible d’intégrer directement sur la même puce, capteurs, convertisseurs
analogiques/numériques, amplificateurs, microcontrôleurs et systèmes de communication sans fil,
comme l’ont fait Huang et al (figure 24 [65]). Ce système leur a permis d’obtenir de bons résultats
pour détecter l’ADN de virus d’hépatite B (10 fM) et de protéine troponine I cardiaque (3,2 pM).
Figure 23 : schéma et vue au MEB de différentes réalisations de nanofils empilés, utilisant le procédé de gravure Bosch.
II.3.4 Principales caractéristiques des transistors à base de nanofils de
silicium
II.3.4.1 Nanofil avec ou sans jonctions ?
Une grande partie des travaux dans la littérature présente des transistors à base de nanofils sans
jonction, autrement dit, les zones source et drain du transistor sont dopées avec le même type de
dopant que le canal (figure 25 [77]). Le fonctionnement de ces transistors en accumulation et non
en inversion, engendre des caractéristiques I
D(V
GS) différentes des MOSFET planaires. Le
transistor conduit aussi bien, que la tension de grille soit négative ou positive [78], [58]. Un avantage
de ne pas réaliser de jonctions est la simplification de la fabrication en éliminant une étape
d’implantation et un recuit d’activation, ce qui diminue le coût de fabrication selon Solankia et
Parmar [79]. Dans la configuration sans jonction, les courants de fuite lorsque le transistor est en
mode bloqué ne sont limités que par la résistance du nanofil, ce qui peut être problématique pour
les nanofils dont la section est grande. Les transistors sans jonction ont aussi le désavantage d’avoir
une tension de seuil moins reproductible, dépendante des dimensions du nanofil [77], ce qui peut
être problématique pour la fabrication d’ISFET, dont le fonctionnement est basé sur les variations
de tensions de seuil en fonction du pH. Le choix de réaliser un transistor avec ou sans jonctions
est un paramètre d’étude supplémentaire à prendre en compte. Il n’y a pas de comparatif dans la
littérature sur l’intérêt de créer ou non des jonctions, pour la réalisation de transistors destinés à la
détection en phase liquide.
II.3.4.2 Isolant de grille et couche de passivation
L’isolant de grille, qui est aussi la couche de passivation, est un point clé pour la réalisation de
capteurs en phase liquide de type ISFET. Cette couche ne doit pas être poreuse, et doit parfaitement
isoler le composant électronique de la phase liquide. La biocompatibilité est un plus qui permet des
applications biologiques. Cette couche est très importante pour la réalisation de capteurs durables,
fiables, reproductibles et précis. Le diélectrique utilisé sur les premiers ISFET était l’oxyde de
Figure 25 : schéma représentant deux transistors à base de nanofil de silicium, a) avec joncions, b) sans jonction.