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Chapitre 2 : Capitalisation des connaissances en maintenance

3. Capitalisation des connaissances et mémoire d’entreprise

3.1. Méthodes dédiées à la construction de la mémoire d’entreprise

Pour toute opération de capitalisation des connaissances, il est important d’identifier les connaissances stratégiques à capitaliser. Ces connaissances peuvent être rassemblées dans une mémoire d’entreprise qui devrait fournir la bonne connaissance à la bonne personne au bon moment et au bon niveau pour que cette personne puisse prendre la bonne décision. Par mémoire d’entreprise nous comprenons « un ensemble structuré de la connaissance reliée à l’expérience d’une entreprise dans un domaine donné » [Grundstein & Barthès, 1996].

[Van Heijst et al., 1996] considère la mémoire d’entreprise comme « représentation explicite et persistante des connaissances et des informations dans une organisation, afin de faciliter leur accès et leur réutilisation par les membres adéquats de l’organisation pour leur tâche ». Cette représentation peut inclure par exemple, les connaissances sur les produits, les procédés de production, les clients, les stratégies de vente, les résultats financiers, les plans et buts stratégiques, etc…

La construction d’une mémoire d‘entreprise repose sur la volonté de « préserver, afin de les réutiliser plus tard ou plus rapidement possible, les raisonnements, les comportements, les connaissances, même en leurs contradictions et dans toute leur variété » [Pomian, 1996]. La gestion de la mémoire d’entreprise consiste à détecter les besoins en mémoire d’entreprise, à la construire, diffuser, utiliser, évaluer, maintenir et faire évoluer [Dieng et al., 1998] ce qui rentre parfaitement dans le cycle de la capitalisation des connaissances. Différentes méthodes et techniques existent et sont étudiées par les chercheurs dans chacune de ces phases.

Différents types de la mémoire d’entreprise

Nous pouvons trouver différentes typologies de la mémoire d’entreprise dans la littérature [Pomian, 1996], [Tourtier, 1995], [Grundstein & Barthès, 1996], [Dieng et al., 1999]. Généralement, la mémoire d’entreprise implique :

- Une mémoire technique (métier) composée de référentiel, documents, outils et méthodes utilisés dans la profession donnée et des fois appelée mémoire professionnelle dans les cas où le savoir faire des employés de l’entreprise y est compris.

- Une mémoire organisationnelle (de société) également appelée mémoire de la société composée de l’organisation de l’entreprise, ses activités, de ressources humaines, management, etc.

- Une mémoire individuelle composée de statut, compétences et activités des employés d’entreprise, occasionnellement de leur savoir faire si ce n’est pas le cas de la mémoire technique.

- Une mémoire de projet composée de la définition du projet, activités, histoire, résultats et les expériences capitalisées de ce projet.

Différentes méthodes de construction de mémoire

Nous présentons les méthodes les plus connues dédiées à la construction de la mémoire d’entreprise, à savoir REX, MEREX, CYGMA, atelier FX et Componential Framework.

La méthode REX (retour d’expérience) [Malvache & Prieur, 1993] a été définie au départ dans le but de capitaliser les expériences de conception de réacteurs nucléaires au sein du CLA (cf. fig. 2.4). La finalité requise est la constitution d’une base de connaissances pour les futures équipes et le principe consiste à constituer des « éléments d’expériences » extraits d’une activité quelconque et à restituer ces éléments pour qu’un utilisateur puisse les valoriser. Ces éléments peuvent être de trois types – élément de connaissance documentaire (résumé d’un document), élément d’expérience (formalisée au cours d’un entretien) et élément de savoir-faire (d’une personne dans une activité particulière).

REX se décompose en trois étapes : l’analyse des besoins et l’identification des sources de connaissances (spécification et dimensionnement du futur système de gestion des connaissances), construction et mémorisation d’éléments de connaissances sous forme d’une base de données ou une mémoire d’entreprise appelée CEMem, et enfin la mise en place et l’exploitation du système de gestion des connaissances créé. Pour constituer la mémoire d’expérience un modèle descriptif et un réseau terminologique sont définis.

Figure 2.4. Principes de la méthode REX [Malvache & Prieur, 1993]

La méthode MEREX (Mise en Règle de L’expérience) [Corbel, 1997] est une méthode de l’expression. Elle a été mise au point par Jean Claude Corbel chez Renault pour l’amélioration continue des processus de l’ingénierie de ses véhicules (cf. fig. 2.5). Il s’agit d’un système de fichiers simples pouvant être remplies par tous les acteurs de l’entreprise. Le principe de cette méthode consiste à rédiger les fiches d’abord sur simple papier, les fiches sont ensuite informatisées et mises à la disposition des acteurs via l’intranet de l’entreprise. Les fiches contiennent les solutions techniques, leur contexte, preuves de validité et le nom de la personne ayant rédigé la fiche. MEREX permet de capitaliser des connaissances et des expériences portant sur les produits et les processus dans l’industrie automobile afin de les améliorer.

Figure 2.5. Exemple d'une fiche de retour d’expérience MEREX [Corbel, 1997]

La méthode CYGMA (Cycle de vie et gestion des métiers et des applications) [Bourne, 1997] a été développée par la société KADE-TECH. Cette méthode a été appliquée dans les industries manufacturières et spécialement dans l’activité de conception (bureau d’études, de méthodes et d’industrialisation) pour faire des systèmes experts. Cette méthode analyse le contexte où sont situées les connaissances, l’organisation des acteurs, les enjeux existants et leur pondération.

Elle prévoit six catégories de connaissances industrielles : connaissances singulières, terminologiques, structurelles, comportementales, stratégiques et opératoires. En se basant sur ces catégories la méthode définit des référentiels métiers et des bases de connaissances exploitables par des algorithmes de raisonnement déductif. La méthode préconise des entretiens avec les experts et une étude de la documentation de l’entreprise afin de définir un « bréviaire de connaissances » structuré en quatre documents, à savoir le glossaire métier, le livret sémantique, le cahier de règles et le manuel opératoire.

L’atelier FX [Fouet, 1997] est basé sur une méthode appelée M3A qui s’inspire de travaux issus des sciences sociales pour définir une mémoire d’entreprise. La méthode part de la technique « observateur-apprenti » pour capitaliser les connaissances du processus industriel d’un expert afin de formaliser les connaissances d’entreprise. Dans la première étape un observateur est choisi et formé dans les techniques d’observation et de description des connaissances préconisées par la méthode M3A. L’observateur ensuite suit un technicien et analyse ses activités dans une notice d’instruction décrivant les connaissances acquises. Cette notice sera informatisée dans une base technologique. Le logiciel NOMINO a été développé pour indexer les documents dans cette base.

L’approche Componential Framework [Steels, 1993] a été proposé dans le cadre de l’acquisition des connaissances pour développer des systèmes à base de connaissances. Il a été ensuite adapté pour supporter la gestion des connaissances dans une entreprise [Matta et al., 1999]. Ici, une activité est définie selon trois perspectives : tâche (objectifs à atteindre), information (construites pour réaliser les tâches) et méthode (comment les informations sont utilisées pour réaliser les tâches).

Les informations sont organisées dans « Componential Framework » sous forme de deux modèles : du domaine (d’application) et de cas (spécialisation de certaines informations). La perspective tâche utilise les informations appelées sources pour atteindre un but concrétisé par un état cible. Un diagramme de dépendances permet de représenter le flou de données entre les informations « sources », les tâches et les informations « cibles ». Le logiciel KREST a été développé comme support de la méthode.

Ces méthodes présentent l’avantage de ne pas être trop compliquées à mettre en œuvre mais ont comme inconvénient majeur de ne pas suffisamment développer toute la manipulation de connaissances et d’exploitation automatique de ces connaissances. C’est pour cela que notre intérêt se porte sur les méthodes et modèles de l’ingénierie des connaissances.