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LES MÉTHODES CHOISIES : L’ANALYSE

SYSTÉMIQUE ET LA COMPARAISON

SPATIALE

L’état de l’art pluridisciplinaire du premier chapitre a conclu sur une définition de la congestion automobile comme perturbation du système automobile. Le développement du système automobile donne lieu à des effets d’interaction positifs (effets de club) et négatifs (congestion automobile). Le système réussit-il à s’adapter face à ces effets négatifs et à préserver son existence ? Les régulations sont-elles les mêmes d’une époque à une autre, d’un environnement à un autre ?

Nous étudierons d’abord les principes de l’analyse systémique et de la relation système-réseau. Nous montrerons comment le passage d’un fonctionnement urbain aréolaire à un fonctionnement urbain réticulaire, en privilégiant l’échelle du temps à celle de l’espace, est utile pour analyser les régulations à la congestion automobile (1). Puis nous justifierons le parti pris d’avoir recours à la comparaison spatiale pour étudier les manifestations de la congestion automobile au sein du système automobile et les régulations qu’elle suscite (2).

1.

L’analyse systémique

1.1

La Théorie générale des Systèmes

L’analyse systémique n’est pas synonyme d’analyse holistique, autrement dit d’une analyse exhaustive de toutes les composantes d’un ensemble. Le but de l’analyse systémique est d’examiner les interactions entre les différentes composantes d’un ensemble, dit système, et les interactions entre ce système et l’environnement auquel il appartient. Depuis l’après-guerre, une tendance à l’approche systémique se développe dans de nombreuses disciplines : mathématiques, informatique, biologie mais aussi sciences sociales et humaines… (Dupuy, 1985, p. 9).

La Théorie générale des Systèmes, élaborée par le biologiste L. von Bertalanffy à la fin de la Seconde Guerre mondiale, définit quatre propriétés essentielles des systèmes : l’autonomie, la cohérence, la permanence et l’organisation (Dupuy, 1985). Le système est un ensemble autonome par rapport à son environnement. Il est cohérent. L’ensemble des éléments qui le constituent forme un tout : le système. Le système est organisé par un ensemble de liaisons entre les différents éléments qui le constituent. Enfin, le système est permanent, car il sait s’adapter pour se maintenir en vie.

Il peut s’adapter aussi bien à des modifications qui lui sont internes, les autorégulations, qu’à des modifications de son environnement, nommées interaction ou boucle de rétroaction. La régulation est une caractéristique du système qui favorise sa propriété essentielle de permanence. Nous prenons comme exemple le corps humain. Après un exercice, lorsque sa température augmente, le corps transpire. Cette transpiration vise à refroidir la température corporelle. C’est une autorégulation. Si la température ambiante baisse, le corps se refroidit. Il mange plus et élève, ainsi, sa température corporelle7. C’est une régulation face à l’environnement auquel il appartient.

Le fonctionnement du système automobile est similaire. La congestion automobile, en perturbant le fonctionnement interne du système automobile, menace

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sa permanence. Le système doit s’autoréguler. Ces autorégulations peuvent passer, par exemple, par la construction de nouvelles routes, l’instauration d’un péage, l’usage de l’information trafic par les automobilistes… De même, les intempéries climatiques, caractéristiques de l’environnement dans lequel est inscrit le système automobile, affectent son fonctionnement. Une régulation possible est l’utilisation d’un plus grand nombre de chasse-neige pour parer aux chutes de neige qui immobilisent la circulation.

1.2

Systèmes et réseaux

La propriété essentielle d’organisation du système est assurée par l’existence de réseaux. Le terme réseau désigne l’ensemble des liaisons entre les différents éléments qui composent le système. Le réseau est caractérisé par cinq propriétés principales : la connexité, la connectivité, l’homogénéité, l’isotropie et la nodalité. Intervenant dans l’organisation du système, il participe à sa régulation et donc à sa permanence.

Après avoir décrit le fonctionnement des réseaux, G. Dupuy (1985) examine les évolutions des réseaux et des systèmes à travers les régulations mises en place. Il fait l’hypothèse qu’il existe deux types de régulations. Les premières laissent inchangées les principales propriétés du système et ne changent pas ou peu celles des réseaux. Il s’agit des régulations synchroniques. À l’inverse, les régulations diachroniques engendraient la création de nouveaux réseaux ou la disparition d’anciens réseaux, traduisant une impossibilité de maintenir le système associé (Dupuy, 1985, p. 137). Autrement dit, les régulations synchroniques maintiennent la permanence du système automobile tandis que les régulations diachroniques l’affectent.

Quels sont les réseaux, plus exactement les opérateurs de réseaux, qui organisent le système automobile ? Est-il imaginable, comme le prédit la Théorie générale des Systèmes, que, sous l’impulsion de régulations diachroniques, certains de ses réseaux disparaissent ou que d’autres naissent, entraînant alors une crise, voire

une disparation, du système automobile ? Avons-nous des exemples passés ou contemporains de telles régulations ?

La croissance urbaine suscite le développement de nouveaux réseaux, l’offre s’adaptant à la demande. L’inverse est-il vrai ? Les municipalités qui font face un déclin démographique doivent-elles réduire, voire fermer, une partie de leurs réseaux techniques (eau, assainissement, électricité, transport...) ? La littérature consacrée à l’étude des réseaux dans les shrinking cities ou villes en déclin, en particulier aux États-Unis et en Allemagne (Hoornbeek et Schwartz, 2009 ; Schetke et Hasse, 2008 ; Koziol, 2004), montre que le décroît démographique mais aussi les progrès techniques (une bonne isolation réduisant les dépenses en énergie) et les changements de comportement (la baisse de la consommation d’eau) entraînent une sous-utilisation des réseaux. Ce qui, du fait de coûts fixes importants d’infrastructures, entraîne une hausse des charges pour les utilisateurs, qui, par ailleurs, sont de moins en moins nombreux. La situation devient intenable et la qualité de service se dégrade. Des solutions de désossement (delinking) ou de fermeture (decommissioning) des réseaux sont alors avancées. Pourtant, la plupart des auteurs n’est pas favorable à telles options et plaide pour le maintien de l’intégrité des réseaux techniques afin d’éviter de désolidariser les shrinking cities. Même en situation de crise, une certaine permanence des réseaux et des systèmes est observée.

1.3

Les trois niveaux de réseaux du système automobile

La dialectique entre système et réseau permet de repenser le territoire. Le territoire n’est plus une donnée géographique ou administrative a priori mais devient le produit de cette dialectique. Les systèmes territoriaux (système automobile, de distribution d’électricité, de distribution et collecte de l’eau, de télécommunications…) dont l’organisation est assurée par des réseaux techniques (réseaux routiers, lignes électriques, égouts…) produisent un territoire, non plus caractérisé par son maillage (organisation aréolaire) mais par ses réseaux. L’organisation en réseaux qui se met en place au début du XIXème

siècle se surimpose progressivement à l’organisation traditionnelle en zones et en subvertit les limites

traditionnelles. L’urbanisme réticulaire concurrence l’urbanisme aréolaire (Dupuy, 1991).

Le réseau se constitue de nœuds et de projets transactionnels, autrement dit de volontés de mise en relation entre les nœuds. Le réseau de projets transactionnels est un réseau virtuel. C’est le réseau maximal qui pourrait être réalisé. Le réseau réel ou réseau technique est le réseau réalisé qui tente de réaliser le plus de projets transactionnels mais ne peut les réaliser tous. Prenons l’exemple d’un réseau de lignes de bus. J’aimerais que l’arrêt de bus soit localisé devant ma porte, que le bus arrive quand je le souhaite, qu’il ne soit jamais surchargé et que le trajet ne coûte pas cher. Techniquement, il apparaît difficile de réunir toutes ces conditions d’autant que je ne suis pas la seule à avoir ces désirs ou projets transactionnels. Mon voisin, le voisin de mon voisin, etc., ont aussi les mêmes souhaits.

Les réseaux réels sont donc toujours insuffisants, inachevés par rapport aux relations souhaitées. L’acteur du réseau, qu’il s’agisse d’un individu, d’un ménage, d’une entreprise, d’une municipalité…, s’il tient à réaliser ses projets, doit pallier ces déficiences. Comment ? En mettant en œuvre le pouvoir d’organisation dont il dispose pour compléter les réseaux réels. G. Dupuy (1991, p. 115) fait alors appel aux travaux de R. Fishman (1990) pour définir trois niveaux de réseaux, et donc trois niveaux d’opérateurs de réseaux, ainsi que les interactions qui existent entre ces trois niveaux.

L’opérateur de premier niveau est en charge du réseau lourd, celui des infrastructures. L’opérateur du second niveau anime les réseaux de production et de consommation qui se calent sur les infrastructures. Enfin, les ménages constituent les opérateurs du troisième niveau. La figure ci-après illustre les trois niveaux d’opérateurs de réseaux qui organisent le territoire urbain.

Les flèches, à gauche sur la figure, symbolisent les interactions entre les niveaux. Une modification du réseau d’infrastructures entraîne une modification des réseaux de production et de consommation (adaptation de la demande à l’offre) tandis qu’une modification des réseaux de production et de consommation a un impact sur le réseau d’infrastructures (adaptation de l’offre à la demande). Ces interactions existent entre les trois niveaux de réseaux.

Figure 3 - Les trois niveaux d'opérateurs de réseaux (Dupuy, 1991).

Nous reprenons les travaux de P. Hall (1988) sur le système automobile (voir chapitre 1). P. Hall montre comment, en un siècle, s’est constitué un véritable système automobile à partir d’une technologie artisanale (moteur à combustion interne) utilisée par des amateurs sur un réseau de voies inadaptées à cette technologie. Les trois niveaux d’opérateurs de réseaux et les interactions entre les niveaux sont entrés en jeu dans la constitution du système automobile (Dupuy, 1991, p216). Au premier niveau, les pouvoirs publics ont trouvé les moyens techniques et financiers pour créer un réseau de routes carrossables. Au deuxième niveau, s’est développée sur le territoire toute une architecture automobile : stations-services, parkings, motels, restaurants rapides… Au troisième niveau, les automobilistes ont établi leurs propres réseaux d’usagers.

La congestion automobile, en empêchant une circulation fluide sur le réseau routier et en faisant perdre temps et argent aux opérateurs du réseau, perturbe le bon fonctionnement du système automobile. Pour assurer sa permanence, le système

automobile doit réagir à cette perturbation. Pour cela, il s’appuie sur son organisation en réseaux.

Un des objectifs de cette recherche est d’examiner, niveau par niveau, les régulations proposées par chaque opérateur de réseau. Comment les ménages motorisés s’adaptent-ils à la congestion automobile ? Quelles sont les régulations mises en œuvre par les pouvoirs publics en charge de l’infrastructure ? Et quelles sont les régulations proposées par les opérateurs de second niveau (entreprises, associations, communautés…) ? Les régulations d’un niveau influent-elles sur celles d’un autre niveau ?

Au cours de ce travail de recherche, nous étudierons les macro-régulations mises en œuvre par les opérateurs du premier niveau (chapitres 5 et 6), les méso- régulations mises en œuvre par les opérateurs du second niveau (chaptire 7), et les micro-régulations mises en œuvre par les opérateurs du troisième niveau (chapitres 8 et 9) ainsi que les interactions entre ces différents niveaux de régulation (chapitre 10). L’accent sera porté sur les régulations mises en œuvre par les ménages motorisés, vers lesquelles convergent, nous semble-t-il, l’ensemble des régulations.

1.4

Les territoires du système automobile

Le territoire de la ville traditionnelle, au fonctionnement aréolaire, est un espace dont les limites sont définies par le principe d’organisation « centre et périphéries ». Le développement du système automobile remet en cause le territoire de la ville traditionnelle. Le système automobile propose des territoires qui dépassent les limites de la ville traditionnelle. Les territoires de l’automobile s’organisent autour de nœuds du réseau offrant des opportunités aux déplacements motorisés et aux activités qui en dépendent. L’échelle du temps remplace l’échelle de l’espace (Dupuy, 1995b). Les temps de parcours l’emportent sur les distances parcourues.

L’augmentation de la vitesse de déplacement permise par l’automobile (parcourir une distance plus grande en un temps donné) encourage l’étalement urbain (Wiel, 1999). L’accessibilité des espaces périurbains entraîne, dans les années 1960- 70, un déclin des centres-villes. Certains espaces périurbains acquièrent alors une autonomie fonctionnelle qui les rend, partiellement, indépendants du centre-ville. Le

processus de déclin de la centralité urbaine s’inverse dès les années 1980. Ce renversement s’explique par la prise en compte des conséquences négatives du zonage et par les politiques de renaissance du centre-ville portées par une gouvernance locale que la décentralisation, du moins en France, a rendue autonome (Dumont, 2010, p. 272). La problématique de la congestion se présente ainsi très différemment selon les territoires métropolitains considérés, qu’il s’agisse du centre-ville et de son importance retrouvée ou des nouvelles centralités nées des territoires de périurbanisation, voire au-delà. Se pose alors la question de savoir comment assurer l’accessibilité, autrement dit la capacité d’accès, aux différents territoires de l’aire métropolitaine, qu’ils soient centraux, urbains ou périurbains, quand le réseau routier qui les irrigue est congestionné (Crozet et al, 2007).

Pour résumer, l’analyse systémique permet de comprendre les interactions au sein du système automobile et, en particulier, les régulations face à l’un de ses principaux effets négatifs : la congestion automobile. Autrement dit, il s’agit d’examiner comment le système automobile cherche à assurer sa permanence face à un élément potentiellement destructeur. L’hypothèse d’organisation en trois niveaux de réseaux du système automobile mène à étudier trois types de régulations : les macro-, les méso- et les micro-régulations.

Le système automobile, en reconfigurant le territoire urbain, transforme l’échelle d’appréhension de la ville. La ville de la marche à pied est conditionnée par l’échelle spatiale. La distance à parcourir est déterminante. La ville de l’automobile est structurée par l’échelle temporelle. Les temps de parcours déterminent les déplacements plus que les distances parcourues. Or, la congestion automobile affecte les temps de parcours (voir chapitre 1). Il importe alors de savoir, ce que nous ferons dans la troisième partie de la thèse, si les régulations à la congestion sont efficaces pour limiter l’impact de la congestion sur les temps de parcours.

2.

La comparaison spatiale

Le recours à l’analyse systémique permet d’étudier les stratégies d’adaptation à la congestion automobile mises en place par différents niveaux d’acteurs et les interactions entre ces stratégies. Pourtant, ce recours à l’analyse systémique ne nous satisfait pas complètement lorsqu’il s’agit d’étudier les degrés de perturbation du système automobile. Il en est de même pour l’étude des interactions entre le système automobile, lorsque la congestion perturbe son fonctionnement, et l’environnement auquel il appartient.

Le degré de perturbation du système automobile dépend-il du niveau de développement du système ? Autrement dit, peut-on affirmer que plus le système automobile est développé, moins le degré de perturbation est fort parce que les régulations sont efficaces ou parce que la demande stagne ou baisse (Lesteven, 2008, p. 7) ? Dans un système automobile peu développé, le degré de perturbation est-il faible parce que la demande reste modeste ? Ou est-il fort parce que l’offre est insuffisante ?

À quelle méthode faut-il alors faire appel pour compléter l’analyse systémique ? Deux options s’ouvrent à nous : l’approche diachronique, qu’elle soit rétrospective ou prospective, ou l’approche synchronique.

Nous éliminons la prospective car, à la différence de la thèse, exercice individuel, elle tire sa force d’une réflexion collective. Nous citons, à titre d’exemple, les scénarios d’évolution de la mobilité urbaine élaborés par un groupe d’une dizaine d’experts, dénommé « groupe de Batz » en référence au lieu où la structure des scénarios a été définie (Crozet et al, 2001). Cette thèse n’étant pas une thèse d’histoire, nous ne prétendons pas faire l’histoire du système automobile. Nous préférons nous appuyer sur les travaux des historiens de l’automobile, comme ceux de M. Flonneau sur le système automobile à Paris (Flonneau, 2005). Il reste l’analyse synchronique que nous adoptons sous la forme de la comparaison spatiale. Toutes choses étant égales par ailleurs, l’étude du système automobile à différents stades de développement nous permet de tester l’hypothèse selon laquelle le degré de perturbation du système automobile dépendrait de son niveau de développement.

Autrement dit, plus le système automobile serait développé, plus la course-poursuite entre l’offre et la demande s’essoufflerait, moins le degré de perturbation serait élevé.

L’étude comparative des régulations à la congestion en fonction du niveau de développement du système automobile pose également la question du leapfrogging (Brezis et al, 1993)8. Les systèmes automobiles en constitution adoptent-ils les mêmes régulations que les systèmes automobiles développés quand ceux-ci étaient en phase de développement ? Ou choississent-ils les mêmes régulations que les systèmes automobiles développés aujourd’hui ? Cette seconde option correspondrait à un « effet de mode » des régulations. Ou bien, pour des raisons qui leur sont propres, proposent-ils leurs propres adaptations à la congestion dont pourraient s’inspirer à l’avenir les systèmes automobiles développés ? Ce qui signifierait alors que si le système automobile, par ses propriétés essentielles d’autonomie et de cohérence, semble reproductible d’un environnement à l’autre, les régulations à la congestion dépendent de l’environnement dans lequel est inscrit le système automobile et des interactions entre le système et son environnement.

2.1

L’échelle d’étude : l’aire métropolitaine

La réflexion sur l’environnement du système automobile introduit une réflexion sur la dimension spatiale du système automobile.

L’internationalisation du système automobile, à travers la standardisation de la production de véhicules automobiles dont la normalisation facilite la distribution, se manifeste dans l’adoption d’un modèle productif unique à l’échelle mondiale. Ce modèle évolue au cours du XXème siècle. Le modèle japonais de la « production au plus juste » succède ainsi au modèle américain de la production de masse qui a lui- même succédé au modèle européen de la production artisanale. Ce point de vue est défendu par un groupe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology dans un ouvrage intitulé La machine qui a changé le monde (Womack et al, 1990). Il est réfuté par des chercheurs du Groupe d'Étude et de Recherche Permanent sur

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Dans la littérature économique, le mécanisme de leapfrogging signifie que des personnes, des entreprises, des régions ou des pays avec de l’expérience mais ayant recours à une technologie ancienne, manquent, pour cette raison, une opportunité de développement technologique dans laquelle s’engouffrent des personnes, entreprises, régions ou pays avec moins d’expérience (Brezis et al, 1993, p. 1219).

l'Industrie et les Salariés de l'Automobile (Gerpisa) dans l’ouvrage consacré au monde qui a changé la machine (Boyer et Freyssenet, 2000). Les chercheurs du Gerpisa observent une pluralité de modes de croissance nationaux depuis l’après-guerre et non pas un modèle unique. G. Dupuy confirme le propos en montrant que le système automobile s’est historiquement développé sur des bases nationales (Dupuy, 1999, p. 52). C’est à l’échelle nationale que sont définies les réglementations concernant le permis de conduire, le code de la route, la limitation de vitesses, que sont décidées les grandes politiques de transports... Les systèmes automobiles nationaux s’internationalisent, à travers l’interconnexion, au-delà des frontières, des réseaux routiers, à travers la production automobile standardisée et normalisée, à travers l’extension des réseaux de services aux automobilistes (Dupuy, 1999, p. 82). Néanmoins, s’il y a internalisation du système automobile, cela ne signifie pas, pour autant, uniformisation. L’échelle de délimitation du système automobile reste bien nationale.

Étudier les perturbations du système automobile à l’échelle nationale ne nous satisfait pas. Cela ne permet pas de différencier les territoires où il peut avoir un fort déséquilibre entre la demande automobile et l’offre viaire, en particulier dans les grandes villes et leurs périphéries, et ceux où il n’y en a pas ou peu. Certes, la congestion automobile interurbaine existe. C’est la congestion des grands départs en vacances ou en week-ends, bien prédite et bien régulée. Il existe aussi des épisodes de congestion dans l’espace rural, suscités par d’événements (foires, festivals…) ou par la présence de lieux touristiques. La congestion automobile dans l’espace rural s’apparente, néanmoins, plus à une perte d’aménité qu’à une rupture fonctionnelle, telle que nous la connaissons en milieu urbain et périurbain (Cullinane et Stokes, 1998).

Cette rupture fonctionnelle, quand l’offre n’arrive pas à répondre à la demande, est la conséquence de l’attractivité des grandes villes. Deux concepts structurent les fondements théoriques de l’organisation des aires métropolitaines ou « zones d’extension des relations quotidiennes des grandes villes » (Pumain, 2006b) :

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