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Méthodes d'analyses et de calculs du système des carbonates

1. Méthodes et Approches

1.2. Méthodes d'analyses et de calculs du système des carbonates

Les mesures AT et CT sont effectuées suivant une méthode de dosage potentiométrique mise au point au Laboratoire d’Océanologie et du Climat : Expérimentations et Analyses (LOCEAN). Cette méthode est basée sur celle publiée par Edmond (1970) et utilise le programme du DOE (1994) pour le calcul des points équivalents. Sa reproductibilité exprimée par l'écart type est de l'ordre de 3 μmol kg-1(0.15 %) pour ces 2 paramètres. Cette précision de mesure du système de carbonates est en accord avec les normes imposées par les bases internationales de CO2 (CDIAC-Carbon Dioxide Information Analysis Center et SOCAT-Surface Ocean CO2Atlas). L'acidité de l'eau (pH, Eq.3), la pression partielle de CO2 (pCO2), les concentrations en acide carbonique (H2CO3), ions hydrogénocarbonates (HCO3-), ions carbonates (CO32-) et le dioxyde de carbone (CO2 (aq)), sont calculées à partir des équations du système des carbonates définies dans Zeebe et Wolf-Gladrow (2001) et Sarmiento et Gruber (2006) en utilisant les valeurs de ATet CT, salinité (S) et température (T) mesurées in situ.

AT≈ [HCO3-] + 2 [CO32-] + [B(OH)4-] + [OH-] - [H+] + bases mineures (1) CT= [H2CO3*] + [HCO3-] + [CO32-] (2)

pH = -log([H+]F+ [HSO4-] + [HF]) (3)

NB: [H2CO3*] = [H2CO3] + [CO2 (aq)], (Stumm et Morgan, 1981) et [H+]F est la concentration en ions hydrogène libres (“free”) incluant les formes hydratées.

Pour résoudre les équations du système des carbonates nous avons utilisé, les constantes de dissociation de l'acide carbonique K1et K2 définies par Mehrbach et al. (1973) et modifiées par Dickson et Millero (1987) (équations des constantes présentées en annexe a, figure 1). Il a été montré que les constantes de dissociation K1 et K2 de Mehrbach donnent les meilleurs

résultats lorsque l'on souhaite déterminer le pCO2 à partir des mesures de AT et CT (Wanninkhof et al., 1999; Lueker et al. 2000). La constante de solubilité du CO2, K0 définie par Weiss (1974) est utilisée ainsi que les constantes de dissociation des autres espèces Kw (Millero, 1995) et Kb(Figure 1 en annexe a, Dickson, 1990). Pour chaque point de mesure, les constantes sont calculées avec la salinité et la température mesurées in situ S(x,y,z)et T(x,y,z) où x, y et z sont respectivement la latitude, longitude et profondeur. L’échelle « seawater scale » (mol/kg-SW) a été utilisée pour le calcul du pH.

La sous-saturation des eaux arctiques conduit à une pénétration du CO2 atmosphérique dans l'océan. Lorsque le CO2 (gaz) pénètre et se dissout dans l'océan, il est d’abord hydraté sous forme de CO2 aqueux (CO2 (aq)), lequel réagit avec l’eau pour former de l’acide carbonique (H2CO3). Les espèces chimiques CO2 (aq) et H2CO3 étant très difficilement distinguable analytiquement, nous utiliserons le terme H2CO3* qui exprime la somme des concentrations hypothètiques de ces deux espèces ([H2CO3*] = [H2CO3] + [CO2 (aq)], Stumm et Morgan, 1981). H2CO3*se dissocie ensuite en deux étapes pour former les ions hydrogénocarbonates (HCO3-) et carbonates (CO32-). Ces trois réactions sont résumées par les équations 4, 5 et 6 (Sarmiento et Gruber, 2006)

CO2 (gaz) + H2O <=> H2CO3* (4)

H2CO3*<=> H++ HCO3- (5)

HCO3-<=> H++CO32- (6)

La dissolution de CO2 (gaz) dans l’eau de mer ne change que faiblement la concentration en CO2 (aq) parce que le système est « tamponé » par les ions CO32-. C'est l'effet tampon de l'océan quantifié par le facteur de Revelle (Eq. 7, Revelle et Suess, 1957). Le facteur de Revelle estime le changement de la concentration de CT relatif au changement de la concentration de CO2 causée par le flux entrant de CO2 dans l'océan. Ainsi nous pourrons estimer l'augmentation de CT résultant de l'invasion de CO2 dans l'eau entre l'hiver, où les eaux sont couvertes de glace, et l'été où elles sont libérées ou partiellement couvertes de glaces.

Dans le calcul du RF réalisé pour les données CHINARE 2008 et 2010, l'AT utilisée est considérée comme constante dans le temps (entre l'hiver et l'été) mais variable dans l'espace : AT = f(x,y,z) avec x, y et z représentants la latitude, longitude et profondeur, respectivement. Les concentrations en CO2et CTsont celles mesurées lors des deux campagnes en mer et sont exprimées en µmol kg-1.

Le facteur de Revelle peut aussi bien être utilisé dans les hautes latitudes avec une présence partielle de glace que dans les basses latitudes et montre de fortes disparités entre ces deux régions (Sabine et al., 2004 ; Gruber et al., 2011). La valeur du facteur de Revelle est un paramètre clé qui renseigne sur la capacité des eaux à neutraliser le CO2 qui pénétre dans l’océan ainsi que la vitesse d’acidification des eaux. Dans ce sens, Gruber dans une publication récente indique: “Waters with low Revelle factor are characterized by high concentrations of CO32-, which allows them to absorb more CO2 from the atmosphere as this additional CO2 is more effectively neutralized by reacting with CO32- to form HCO3-. This result in large changes in CO32-and the saturation state, while moderating the pH changes. The opposite is the case in the high latitudes. They experience much smaller changes in the saturation state, but larger changes in pH. This can again be explained mostly by differences in the Revelle factor, i.e. the fact that the high latitudes tend to have low concentrations of

CO32-” (Gruber, 2011). Un facteur de Revelle élevé, comme dans les zones polaires, exprime une faible capacité des eaux à neutraliser le CO2 anthropique qui pénètre dans l'océan. Dans un tel cas de figure, l'invasion de CO2conduit rapidement à la saturation des eaux en CO2et à l'équilibrage avec l'atmosphère (Sabine et al., 2004 ; Cai et al., 2010).

La diminution du CO32- causée par la neutralisation du CO2 entrant dans les eaux de surface va affecter la solubilité de l'aragonite et de la calcite. Ces deux espèces carbonatées sont utilisées par certains organismes marins tels que les ptéropodes, foraminifères et coccolithophores pour former leur coquille (Kobayashi, 1974 ; Kleypas et al., 2006). L’impact de l’acidification des eaux sur ces organismes est quantifié par les degrés de saturation de l'aragonite (ΩAr) et de la calcite (ΩCa) définis par les équations 8 et 9 (Sarmiento et Gruber, 2006):

ΩAr= [CO32-] × [Ca2+] / KAr (9)

Des valeurs de Ω <1 illustrent une sous-saturation impliquant la dissolution de l'espèce carbonatée et les valeurs Ω >1 une sursaturation. Les produits de solubilité KCa et KAr sont extraits de Mucci (1983) et calculés avec les salinités et températures mesurées in situ S(x,y,z) et T(x,y,z) où x, y et z sont respectivement la latitude, longitude et profondeur.

L'ensemble des composantes du système des carbonates décrit ci-dessus est calculé par le programme CO2sys (Lewis and Wallace, 1998). L’incertitude du calcul de pCO2 de l’eau de surface est estimée à 10 μatm (SNAPO-CO2 -Service National d’Analyse des paramètres Océaniques du CO2- LOCEAN). Les données historiques (1991 à 2005) des paramètres des carbonates ont été fournies par la base de données internationale CDIAC (http://cdiac.ornl.gov/) et Nick Bates (données de 2004 et 2004, communication personnelle).