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CHAPITRE II. Les méthodes d’estimation de la dynamique de la

II.3. Les modèles mathématiques ou statistiques

II.3.2. La méthode du rétrocalcul

Initialement proposé par Brookmeyer et al. (Brookmeyer et al. 1986 ; Brookmeyer et al. 1988), le rétrocalcul est un modèle statistique qui vise à estimer l’incidence de l’infection par le VIH à partir des nouveaux diagnostics de cas de SIDA et de la durée d’incubation du SIDA. Le rétrocalcul développé par Brookmeyer et al., que nous appellerons dans la suite rétrocalcul « classique », est défini par l’équation de convolution suivante : 0 ( )

t t s t s s E N λ f , ∀t>0 (équation II-4),

où, ( )E Nt représente l’espérance mathématique de la variable aléatoire Nt

représentant le nombre de nouveaux diagnostics de cas de SIDA au temps t ; λs est l’espérance mathématique du nombre de nouvelles infections survenues au temps s et

t s

f est la probabilité de développer un évènement SIDA (t-s) unités de temps après l’infection.

Le rétrocalcul « classique » a permis de reconstruire la courbe de l’incidence de l’infection par le VIH dans les pays à revenu élevé au début de l’épidémie du VIH (Brookmeyer 1991 ; Rude et al. 1993a ; Rude et al. 1993b, Rosenberg et al. 1992 ; Rosenberg et al. 1994 ; Downs et al. 2000). L’introduction des TARV à partir de 1996 a eu pour effet de retarder la survenue d’évènements associés au SIDA. Aujourd’hui, la méthode du rétrocalcul « classique » n’est plus applicable car la plupart de PVVIH ont accès au TARV avant le stade SIDA. En 2002, la période d’incubation du SIDA chez les personnes traitées était en médiane de 20 ans (Tassie et al. 2002) et a certainement augmenté depuis cette période. Par conséquent, les cas diagnostiqués au

sur les nouvelles infections survenues dans le passé récent. Ainsi, le rétrocalcul « classique » a été plusieurs fois modifié afin de prendre en compte des sources de données autres que les cas de SIDA (Becker et al. 2003 ; Hall et al. 2008 ; Birrell et al. 2012).

II.3.2.1. La prise en compte des données sur les nouveaux diagnostics du VIH Le diagnostic du VIH intervenant avant le stade SIDA et la mise au TARV, la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH est plus courte que la période d’incubation du SIDA car elle n’est pas influée par l’effet des traitements et donc permet d’estimer l’incidence dans le passé récent.

L’extension du rétrocalcul aux données de nouveaux diagnostics du VIH est fondée sur l’idée que la date du diagnostic de l’infection par le VIH correspond à la date de l’infection augmentée de la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH. Ainsi, si l’on apporte de l’information sur la distribution de la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH, il est possible d’estimer le nombre d’infections survenues dans le passé à partir des nombres déclarés de nouveaux diagnostics du VIH.

Becker et al. ont développé cette approche en considérant que la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH dépend de paramètres inconnus à estimer simultanément avec les taux d’infection (Becker et al. 2003). Une application de cette approche a permis d’estimer l’incidence de l’infection par le VIH aux Etats-Unis (Hall et al. 2008). La formulation de la méthode de Becker est décrite comme suit :

, ( )

td t s a-t+s a-t+s s t s s=1 E N × π × β × f (équation II-5), où,  d, a t

N est la variable aléatoire du nombre de personnes d’âge a, diagnostiquées VIH pour la première fois au temps t au stade clinique d. d étant le stade non-SIDA (d=H) ou non-SIDA (d=A) ;

 mesure l’intensité de l’infection au temps s ; s  a t s est la proportion de la population d’âge a-t+s ;  a t s est le risque relatif d’être infecté à l’âge a-t+s ; d, 

s t s

f est la probabilité d’avoir un premier test positif au stade d au temps t sachant que l’individu a été infecté au temps s. Pour définir f, Becker et al. ont considéré, pour chaque stade, deux événements supposés indépendants à savoir, la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH au stade SIDA (noté TA) et la durée entre l’infection et le diagnostic du VIH au stade non-SIDA (noté TH). TA est supposée suivre une loi de Weibull dont la fonction de répartition, noté FA, est celle de la période d’incubation naturelle du SIDA (Brookmeyer et al. 1989) : F x = - exp - αxA( ) 1  ( )β. TH est supposée suivre une loi dont la fonction de répartition est :

1 ( ) 1 ( ) ( ) 1 ( ) ( )  β H H H β H H H β H H - exp -γ× αx si s < τ et x < τ - s F (x s) = - exp -ν× x - τ + s - γ× αx si s < τ et x τ - s - exp -ν× x - τ + s - γ× αx si s τ

où,γ,ν, τet H sont, respectivement, le paramètre qui reflète le recours au diagnostic du VIH à cause des symptômes cliniques, le paramètre qui reflète le

recours aléatoire au test de dépistage du VIH, et le temps calendaire où les tests de dépistage du VIH sont devenus disponibles.

Ainsi, H, s x

f , la probabilité d’être diagnostiqué avec le VIH au stade non-SIDA, x unités de temps après l’infection au temps s et de n’avoir pas été diagnostiqué avec le VIH au stade SIDA avant le temps (s+x), et ,A

s x

f , la probabilité d’être diagnostiqué avec le VIH au stade SIDA, x unités de temps après l’infection au temps s et de n’avoir pas été diagnostiqué avec le VIH au stade non-SIDA jusqu’au temps (s+x), sont définies comme suit : , , [ ( 0,5 ) ( 0,5 )][1 ( 0,5)] [1 ( 0,5 )][ ( 0,5) ( 0,5)]    H H H A s x A H A A s x f = F x + s - F x - s - F x + f = - F x - s F x + - F x - .

La méthode de rétrocalcul développée par Becker et al. présente quelques limites :  TA et TH sont supposées indépendantes alors qu’en réalité, il pourrait y avoir

une dépendance entre les deux évènements.

Une autre limite de cette méthode est que le paramètre ν qui reflète le recours au test de dépistage du VIH est considéré stable au cours du temps alors qu’il peut varier du fait des changements au cours du temps des comportements vis-à-vis des tests de dépistage.

II.3.2.2. La prise en compte des taux de CD4 mesurés au diagnostic du VIH Pour prendre en compte les changements de comportement vis-à-vis des tests de dépistage, Birrell et al. ont développé un modèle bayésien multi-états de rétrocalcul (Lodwick et al. 2011 ; Birrell et al. 2012 ; Birrell et al. 2013). Ce modèle est fondé sur l’idée que, après l’infection par le VIH, chaque individu va progresser jusqu’au stade SIDA en transitant graduellement d’une classe k de CD4 à une classe inférieure (k-1).

Les 5 classes de CD4 précédant le stade SIDA considérées sont : CD4 ≥500, 350 ≤ CD4< 500, 200 ≤ CD4< 350 et CD4 < 200.

L’incidence de l’infection par le VIH est alors estimée en combinant trois sources de données : i) le nombre de nouveaux diagnostics du VIH au stade non-SIDA ou SIDA, ii) les taux de CD4 mesurés au moment du diagnostic du VIH et iii) le taux de déclin naturel des CD4. Ce modèle est formulé comme suit :

1 5 , , 1 1 1 5 , , 1 1 ( ) ( )  





j H H j i i j k k i j A A j i i j k k i E N λ f E N λ f où,  H j

N est le nombre de nouveaux cas de VIH diagnostiqués au stade non-SIDA au temps j ;

A

j

N est le nombre de nouveaux cas de VIH diagnostiqués au stade SIDA au temps j ;

λi est le nombre attendu de nouvelles infections survenues au temps i ; , ,H

i j k

f est la probabilité d’être diagnostiqué avec le VIH au stade non-SIDA dans la classe k de CD4, (j-i) unités de temps après l’infection au temps i et de n’avoir pas été diagnostiqué avec le VIH au stade SIDA jusqu’au temps j ; , ,A

i j k

f est la probabilité d’être diagnostiqué avec VIH au stade SIDA (j-i) unités de temps après l’infection au temps i et de n’avoir pas été diagnostiqué avec le VIH au stade non-SIDA dans la classe k avant le temps j.

II.3.2.3. L’approche multi-états du rétrocalcul

Sommen et al. ont utilisé une formulation multi-états en modélisant la progression du VIH de l’infection jusqu’au SIDA par un modèle de markov (Sommen et al. 2009). Dans leur approche, ils considèrent que les personnes nouvellement infectées au temps t, définies par ν(t), progressent jusqu’au SIDA et au décès à travers 10 états (voir Figure II-4). Le passage d’un état à l’autre est gouverné par des probabilités de transition horizontale et verticale. Les probabilités de transition horizontale correspondent à l’évolution naturelle de la maladie. Ces probabilités définissent la progression à travers trois stades cliniques : le stade asymptomatique (états 1, 4, 7), le stade symptomatique non-SIDA (états 2, 5, 8) et le stade SIDA (états 3, 6 et 9). Les probabilités de transition verticale correspondent à la progression des états où les personnes ignorent leur séropositivité (états 1 et 2) vers le diagnostic du VIH (états 4 et 5) et le traitement (états 7 et 8). L’état 10 correspond aux individus des états 1, 2, 4, 5, 7 et 8 qui décèdent.

De ce processus, le but est d’estimer ν(t) en combinant les probabilités de transitions avec les données de surveillance du VIH. Les probabilités de transition sont estimées à partir des données de la progression naturelle du SIDA, de l’effet des TARV et de la mortalité pré-SIDA. Cette méthode a été appliquée aux données françaises de la DO du VIH pour estimer l’incidence de l’infection par le VIH chez les homo/bisexuels, les hétérosexuels et les UDI (Sommen et al. 2009).

Figure II-4 : Modèle de Markov pour la progression de l’infection par le VIH et du décès, incluant les diagnostics du VIH, le traitement et la mortalité pré-SIDA. Source (Sommen et al. 2009).

Une autre méthode d’estimation de l’incidence de l’infection par le VIH à partir des données provenant d'une étude de cohorte de personnes infectées par le VIH a été développée par Alioum et al. (Alioum et al. 2005). Dans leur méthode, Alioum et al. ont modélisé conjointement la probabilité d’être inclus dans la cohorte et les probabilités de progression à différents stades de la maladie à travers un processus de Markov. Cette méthode a été illustrée en utilisant les données de la cohorte de PVVIH suivies en milieu hospitalier dans la région Aquitaine en France.

CHAPITRE III. Nouveau modèle de rétrocalcul pour

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