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Chapitre 1. Présentation des sites et méthodes de traitement des données de flu

4. La méthode des fluctuations turbulentes

4.1. Théorie du calcul des flux

Un flux se défini comme le transfert d'une grandeur scalaire (quantité de matière ou d’énergie) par unité de surface et par unité de temps. Le flux total (F) d'une grandeur scalaire donnée au dessus d'une surface donnée, correspond à la somme de trois composantes principales suivantes :

F = Ft + Fs + Fa (1)

Avec Ft, le flux turbulent vertical qui est calculé à partir des mesures d'EC. Les deux

principaux moteurs de la turbulence sont : 1) les mouvements d'air créés par les forces de cisaillement, correspondant à l'interaction du vent avec une surface rugueuse, 2) la convection résultante du réchauffement de la surface par le soleil qui correspond à l'action de la poussée d'Archimède des masses d'air réchauffées en surface, donc moins denses, sur les masses d'air plus denses situées au dessus.

Fs correspond à la variation de stockage du scalaire considéré sous la hauteur de mesure d'EC.

Quand les conditions turbulentes dans la couche limite de surface sont suffisamment développées, le terme Fs peut être négligé, le stockage étant alors quasi nul (Figure 5). Une description des problèmes

liés à l'utilisation des mesures d'EC en conditions de stabilité atmosphérique sera effectuée dans la section 5.2 du présent chapitre.

Le flux d'advection (Fa) correspond au transport horizontal ou vertical du scalaire selon un

écoulement non turbulent. L'hypothèse de l'homogénéité spatiale des flux, qui suppose une parcelle suffisamment grande, plane avec un couvert homogène, permet généralement de négliger le terme Fa.

Une description exhaustive des différents termes composant le flux total est donnée dans Aubinet et al. (2000) et Aubinet (2008) pour les différents types d'advection.

Sur une période d’intégration donnée (n), Ft se calcule comme la covariance entre la vitesse

verticale du vent (w) et le scalaire considéré (ρ). Pour pouvoir obtenir ce flux moyen, un échantillonnage temporel suffisant de w et ρ est nécessaire, afin de bien prendre en compte l'ensemble des évènements se produisant à des échelles de temps propres aux phénomènes de turbulence. Pour estimer Ft, on calcule la moyenne du produit des fluctuations de w et ρ, définies par rapport à leurs

Ft = 1 n

t=1 t=n

(

(w(t) − w ) · (ρ(t) − ρ )

)

(2)

Ce calcul suppose que le flux est stationnaire sur la période considérée (Foken & Wichura, 1996). En utilisant la décomposition de Reynolds (Reynolds, 1895) pour définir les fluctuations de w et ρ (w'(t) et ρ'(t)) par rapport à leurs moyennes respectives sur la période d'intégration n :

w'(t) = w(t) − w (3a)

ρ'(t) = ρ(t) − ρ (3b)

L'équation (2) peut alors s'écrire plus simplement :

Ft = w'(t) · ρ'(t) (4)

La période d'intégration (valeur de n) la plus couramment utilisée est de trente minutes car elle permet une bonne prise en compte des basses fréquences du signal turbulent, correspondant à des turbulences de grande amplitude (Figure 3). Par ailleurs, pour une bonne prise en compte des hautes fréquences du signal turbulent (turbulences de petite amplitude), w et ρ doivent être échantillonnés à une fréquence minimale de 10 Hz. La Figure 3 permet de visualiser l'importance de la contribution respective des turbulences au flux moyen en fonction de leur amplitude. Ainsi, les turbulences contribuant le plus au flux sont celles d'amplitude moyenne (période ≈ 20 s). Les turbulences de basses fréquences (période de plusieurs minutes) et de hautes fréquences (période < 1 s) ont des contributions moindres au flux moyen.

Figure 3 : Distribution en fréquence de cospectres moyens de flux de chaleur sensible (w'Ts') et de flux de chaleur latente (w'q'), normalisés par la covariance moyenne, à Lamasquère entre le 12 avril 2006 et le 25 avril 2006 (sol nu).

4.2. Dispositif expérimental

La méthode des fluctuations turbulentes requiert deux instruments principaux : un anémomètre/thermomètre sonique à trois dimensions (SAT pour Sonic Anemometer-Thermometer) et un analyseur de gaz infra rouge (IRGA pour InfraRed Gas Analyzer). Ces deux instruments doivent être capable de faire des acquisitions rapides (20 Hz dans notre cas) pour une bonne prise en compte des hautes fréquences du signal turbulent.

Le SAT est composé de trois couples d'émetteurs/récepteurs d'ultrason. Le temps de propagation des ondes sonores permet une évaluation directe de la vitesse du vent dans les trois directions de l'espace (u, v et w) ainsi que la vitesse du son dans l'air. La vitesse du son étant directement reliée à la densité de l'air (dépendant de la température, de l'humidité et de la pression), le SAT permet de calculer la température sonique virtuelle (Ts) (voir les manuels des SAT pour le détail des calculs). Sur nos parcelles expérimentales les SAT étaient des CSAT3 (Campbell Scientific Inc, Logan, UT, USA). L'IRGA permet de mesurer la fraction molaire de CO2 et d'H2O dans l'air (c et q,

respectivement). Il existe deux types d'IRGA, ceux qui fonctionnent en système ouvert et ceux qui fonctionnent en système fermé. Les analyseurs en système ouvert permettent une mesure directe dans l'air ambiant de c et q à proximité du SAT, ce qui permet une mise en œuvre plus simple car les problèmes de synchronisations avec le SAT sont limités, la consommation électrique est faible et les re-calibrations sont relativement espacées (plusieurs mois). Le système fermé nécessite un système de pompage de l'air au niveau du SAT qui engendre une importante consommation électrique et un décalage temporel plus important entre les mesures de l'IRGA et du SAT. Il nécessite des calibrations

fréquentes (environ tous les 15 jours). Par contre il permet d'effectuer des mesures plus stables notamment lors des périodes de précipitations ou le système ouvert ne peut pas fonctionner en raison de la perturbation du signal infrarouge par l'humidité déposée sur le capteur et par les goûtes de pluies qui interceptent le signal en passant entre les deux fenêtres. Sur nos parcelles expérimentales, seul des systèmes ouverts ont été utilisés (LI7500, LiCor, Lincoln, NE, USA); les problèmes relatifs aux systèmes fermés ne seront donc pas traités dans ce manuscrit. Pour l'IRGA en système ouvert, deux signaux infra rouges (chacun spécifique d'une bande d'absorption du CO2 et de H2O) sont envoyés

entre une fenêtre émettrice et une réceptrice. La fraction molaire de gaz est ainsi calculée proportionnellement à l'absorption du signal infra rouge considéré (CO2 ou H2O). Un baromètre est

aussi intégré à l'IRGA, permettant par la suite d'effectuer les corrections et changements d'unités nécessaires aux calculs des flux.

Un ordinateur ou une centrale d'acquisition avec des cartes de mémoire flash peuvent permettre l'enregistrement de ces différentes données à des fréquences élevées. Dans notre cas il s'agit d'une centrale d'acquisition (CR5000, Campbell Scientific Inc, Logan, UT, USA).

Pour nos parcelles expérimentales, le système d'EC (SAT + IRGA) a été installé de façon à ce que la hauteur minimale entre le haut du couvert et les instruments soit de 1 m (2.8 et 3.65 m à Auradé et Lamasquère, respectivement). Cette précaution est nécessaire car les turbulences étant de plus en plus petite amplitude en se rapprochant de la surface, une hauteur inférieure provoquerait une contribution trop importante des hautes fréquences (au delà de 20 Hz) et trop faible des basses fréquences dans les flux (voir Figure 3). Les centres des deux appareils étaient distant de 0.2 m.

4.3. Le logiciel EdiRe

Le logiciel EdiRe (Robert Clement, © 1999, University of Edinburgh, UK) a été utilisé pour calculer les flux turbulent de CO2 (Ftc), de vapeur d'eau (ETR pour l'evapotranspiration et LE pour le

flux de chaleur latente correspondant) et de chaleur sensible (H), à partir des signaux turbulents acquis avec l'instrumentation décrite dans la section précédente. Comme expliqué dans la section 4.1, les flux moyens sont calculés sur des périodes de 30 min. Afin de vérifier la stationnarité des flux, les calculs sont également effectués sur des périodes de 5 min (voir section 5.4). Les principales étapes de calcul effectuées avec le logiciel EdiRe sont les suivantes :

− Pour chaque variable mesurée à 20 Hz les pics sont détectés et remplacés par une interpolation linéaire. L'algorithme de détection des pics nécessite trois paramètres : la hauteur minimale du pic (trois écarts types dans notre cas), la largeur maximale du pic (quatre données à 20 Hz dans notre cas) et le taux de chute minimal après le pic (50 % dans notre cas).

− La direction moyenne du vent sur la période de 30 min est calculée à partir des variables u et v mesurées par le SAT. Deux coefficients de rotation sont ensuite calculés et appliqués pour aligner u dans la direction moyenne du vent et pour annuler w (Aubinet et al., 2000).

− Un décalage temporel entre les variables mesurées par le SAT et celles mesurées par l'IRGA peut survenir en raison d'un décalage électronique fixe entre les deux appareils et d'un décalage physique engendrant un décalage temporel qui varie en fonction de la vitesse et de la direction du vent. Ce décalage peut engendrer des pertes de signal plus ou moins importantes, notamment dans les hautes fréquences du signal turbulent. Le décalage est déterminé à partir du maximum de corrélation entre w et les variables mesurées par l'IRGA ; il est ensuite enlevé pour que les variables des deux instruments soient correctement recalées dans le temps.

− Les différents flux sont calculés à partir de l'Equation (4).

− Des pertes dans les hautes fréquences du signal turbulent dues à différents facteurs (réponse des capteurs, séparation des capteurs, fréquence d'échantillonnage…) peuvent engendrer une sous-estimation de 5 à 10 % des flux (Moore, 1986). Une illustration de ces pertes est présentée dans la Figure 3 pour le cospectre de w'q' qui est tronqué dans les hautes fréquences comparé au cospectre de w'Ts' (pour ce dernier un seul capteur est nécessaire au calcul de la covariance donc les problèmes liés à la séparation des capteurs et aux différences de temps de réponse des capteurs sont nuls). Des corrections spectrales basées sur des fonctions de transfert théoriques qui prennent en compte les caractéristiques physiques et électroniques du matériel de mesure sont appliquées aux différents flux selon la méthodologie proposée par Moore (1986).

− Les flux de vapeurs d'eau et de CO2 sont corrigés pour prendre en compte les variations de

densité des constituants (H2O et CO2) produites par les flux de chaleur sensible et par les flux

de vapeur d'eau (Webb et al., 1980) à la surface. Récemment, il a été mis en évidence que le réchauffement de la fenêtre des analyseurs en système ouvert, provoqué par l'électronique de l'appareil et les radiations solaires, pouvait induire un flux de chaleur sensible important entre les fenêtres de l'analyseur et ainsi induire des erreurs dans l'estimation des flux (Burba et al., 2006; Burba et al., 2008). Comme à l'heure actuelle il n'y a pas de consensus concernant les corrections à appliquer et que ce phénomène est surtout important pour des climats froids et des analyseurs positionnés verticalement (les nôtres sont inclinés à environ 60°), aucune correction n'a été faite en relation avec ce problème.