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I. Méthodologie

3. Les interventions

3.5. Méthode d’analyse des séances

Les échanges qui ont eu lieu lors des séances de lecture de quatre albums (un album par mois), sélectionnés en raison de leurs caractéristiques et de nos objectifs, ont été en partie transcrits à partir des films. Leur analyse nous a permis de mieux connaître les difficultés de chaque enfant, et de prendre conscience des réussites et échecs de notre étayage, que nous avons pu ainsi progressivement adapter. Ainsi, s’il poursuivait les mêmes objectifs pour tous les enfants, l’étayage s’est ajusté aux particularités cognitives, attentionnelles, langagières et psychoaffectives de chacun, de leur zone prochaine de développement.

3.5.1 Fonctions et conduites de notre étayage

Pour analyser les corpus des séances de lecture d’albums, nous nous sommes appuyées sur les travaux évoqués en partie théorique. Ainsi, nous avons identifié certaines de nos conduites comme relevant d’un étayage global. La principale fonction de l’étayage langagier est l’adaptation du niveau de langue de l’adulte à celui de l’enfant. Les autres correspondent à notre sens à trois des fonctions définies par Bruner (1966/1983) : enrôlement (par exemple quand nous incitons l’enfant à se priver du plaisir de feuilleter pour qu’il s’engage dans l’activité, ou que nous lui rappelons que nous ne sommes pas là pour lui apprendre à lire mais pour l’aider à mieux comprendre…), maintien de l’orientation (par les encouragements…) et contrôle de la frustration (par les évaluations positives…).

En lien avec nos objectifs d’aide à la compréhension narrative, nous avons ainsi pu identifier a posteriori dans nos interventions différentes conduites d’étayage remplissant trois fonctions différentes, et analyser leurs effets sur la compréhension des enfants.

1. La première fonction est d’alléger une tâche inaccessible aux enfants en raison d’obstacles linguistiques, cognitifs et culturels. Les conduites adoptées en ce sens sont les suivantes :

- neutraliser les difficultés linguistiques par la clarification du lexique et des structures syntaxiques posant problème ;

30 - soulager la mémoire de travail en rappelant les informations nécessaires à la

construction d’une représentation globale ;

- apporter les connaissances sur le monde indispensables à l’élaboration des inférences nécessaires pour comprendre l’histoire.

2. La deuxième fonction, centrale dans notre travail, est d’aider les enfants à générer des inférences. Les conduites adoptées dans ce sens sont les suivantes :

- prendre en charge une étape du processus d’élaboration des inférences :

o en attirant l’attention sur les informations pertinentes de l’album (texte et/ou images), en les rapprochant, en aidant à reconstituer le déroulement des événements et en donnant des indices contextuels supplémentaires ;

o en prenant en charge une étape d’un raisonnement ;

o en aidant l’enfant à mobiliser ses connaissances sur le monde (pour les mettre en lien avec les informations de l’album) et ainsi réaliser des inférences ;

- convoquer le monde réel ou interne de l’enfant et provoquer une réponse affective. 3. La 3e fonction est de faire prendre conscience de la compréhension/non-compréhension et d’aider à la mise en place des stratégies de contrôle (processus métacognitifs) :

- en habituant l’enfant à s’auto-questionner (et en lui retournant ses propres questions), à émettre et justifier des hypothèses inférentielles ;

- en provoquant des conflits cognitifs dans le but de déstabiliser une représentation inadéquate avec le sens de l’histoire.

3.5.2. Les différentes formes de notre étayage

Nos conduites d’étayage ont pris des formes diverses et sont intervenues à différents moments des échanges, signant la position que nous avons occupée dans l’interaction. Les typologies des différentes formes d’étayage établies par Hudelot (1999) et Rosat (1998) nous ont aidées à analyser notre étayage local, centré sur la tâche.

1. En amont (proactif) :

- assertions (relecture, reformulation du texte, désignation d’éléments de l’image…) ; - questions à l’initiative de l’adulte (ouvertes suscitant la réflexion ou des réponses

affectives, partielles à visée informative, fermées à visée suggestive…) ; - ébauches avec demande de continuation ;

- injonctions : consignes, encouragements, relances…

2. En aval (rétroactif). Parmi nos interventions « en réaction », on trouve les énoncés qui valident les propos, ceux qui demandent une réparation, et ceux qui font progresser l’activité verbale (Hudelot, 1999) :

31 - reprises (acquiescement, renforcement) ;

- reformulations des propos de l’enfant (correction formelle ou clarification) ; - commentaires (encouragement ou incitation à l’auto-correction) ;

- questions partielles clarificatrices (incitation à l’explication, demande de complément) ; - questions fermées (à visée infirmative pour encourager l’enfant à mettre en doute son

interprétation, ou à visée confirmative pour s’assurer d’une bonne intercompréhension) ; - questions de relance, encourageant l’enfant à poursuivre.

3. « À la place de » : nous parlons à la place de l’enfant.

Certaines formes sont plurifonctionnelles (Rosat, 1998). Leurs fonctions, et donc leurs effets, dépendent de leur occurrence, de leur place dans l’échange (en amont, en aval). Cette grille d’analyse nous a permis d’étudier nos conduites d’étayage et la place que nous avons prise dans l’échange (étayage appuyé ou léger, insistant ou mesuré, pro- ou rétroactif, laissant plus ou moins de place à l’enfant).

Pour ce faire, il a été nécessaire d’analyser chaque tour de parole ou mouvement dans son contexte, et parfois d’étudier une séquence assez longue. En effet, une même conduite peut être analysée de plusieurs manières selon son occurrence, mais aussi selon l’effet qu’elle produit, et qui peut s’observer parfois à distance. Par exemple, que l’adulte parle à la place de l’enfant peut être le signe d’un étayage insistant mis en place en raison du silence de l’enfant, et qui peut être efficace s’il permet de prolonger le dialogue. Mais cette position peut également être le signe d’un contre-étayage, l’adulte ne se situant pas dans la zone prochaine de développement de l’enfant, ou adoptant un discours parallèle.

Nous avons tenté d’être aussi attentives à nos interventions étayantes qu’à celles qui se sont révélées contre-étayantes, et de comprendre les raisons de ces ruptures de dialogue.

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