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L’espace sémantique est matérialisé par les concepts. Nous avons considéré, conformément aux théories socioculturelles de l’apprentissage et à la sociologie de la traduction que les positions qui ont émergé ou qui ont disparu sont le résultat à la fois de traductions de savoirs et d’une autoévaluation de chacun des apprenants. Chaque apprenant a ajusté ses positions au fil du temps. Chaque apprenant a construit de nouvelles positions sur de nouveaux concepts. Ces concepts étaient le produit de conflits sociocognitifs, de la rencontre de savoirs divergents qui ont circulé dans le réseau-classe.

L’ensemble des concepts à un temps T matérialisait l’argumentation circulant au sein du réseau-classe à ce temps T. Il nous renseignait sur « qu’est-ce qui se joue, ou de quoi le discours parle dans le réseau-classe ».

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Nous avons cumulé l’ensemble des positions des cartes de positionnements, puis nous en avons extrait les principaux concepts. Plusieurs positions ayant pu opérer sur un même concept, le nombre de positions n’était pas égal au nombre de concepts.

Nous avons adopté la démarche suivante.

i) L’extraction des concepts de l’espace sémantique à chaque temps T1, T2, T3, T4

Pour chacun des registres, nous avons regroupé les différentes positions de chacun des six apprenants du même temps et du même registre (annexe n°11). Puis nous avons analysé chaque registre et considéré les concepts en fonction de plusieurs critères :

Le concept devait représenter une unité de signification du discours au temps T. Il devait être porteur de production de discours. Ce travail était par nature assez subjectif et influencé par le fait que nous connaissions à cette étape l’ensemble des discours. Chaque fois que nous nous sommes rendue au CFPPA avec un intervalle de temps important, nous étions étonnée de certains changements de « ce qui se disait ». Cela nous a donc influencée également.

Nous étions confrontée à un dilemme, notre souhait était de trouver du détail, de la complexité croissante, une nouvelle position, qui même s’il elle n’était pas encore significative à un temps T, pouvait le devenir à T+n. Or l’idée n’était pas d’extraire un concept par position.

Nous avons sélectionné les positions desquelles nous allions extraire ces concepts en considérant plusieurs critères :

Si plusieurs positions portaient sur le même concept, nous l’extrayons ;

Une seule position portait sur un concept, mais si cette position semblait déterminante dans le discours de l’apprenant ou marquant un changement que nous avions observé au niveau individuel, nous le retenions également ;

La position semblait isolée, mais si elle était reprise à un temps T+n par le même apprenant ou un autre, nous en extrayions le concept;

Si la position apportait une précision qui selon notre connaissance de l’agroécologie est importante, nous en extrayions le concept.

Exemple : extraction des concepts du registre « standardisation » à T1

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L’ensemble des positions des apprenants appartenant à ce registre est copié dans un tableau unique.

Tableau 11 : Les positions des six apprenants à T1 dans le registre « standardisation »

Tableau 12 : Concepts à T1 zone « standardisation »

Explications : Nous avons associé au tableau T1 « st » « standardisation » quatre concepts.

Nous les avons choisis pour les raisons suivantes : les termes agriculture biologique et agroécologie apparaissent visuellement de nombreuses fois. De quoi s’agit-il ? De la comparaison de l’agriculture biologique avec l’agroécologie, sans explications majeures. Un concept pilote se dégage : [ae DC ab] qui signifie l’agroécologie est la même chose que l’agriculture biologique. Il a engendré beaucoup de discours. Mais cinq des six apprenants ont mobilisé ce concept pour produire du discours, nous l’observons plus en détail. La position [l’agriculture biologique, c’est la même chose que l’agroécologie] (AR1.2st) est une PoR, Alain a réfuté ce concept. Il s’opposait à l’idée que l’agriculture biologique est la même chose

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que l’agroécologie, de même que Félix, Betty, Marion dans les positions (FR1.2st), (BR1.2st), (LR1.1st), (MR1.1st). Dans certains cas, c’est la première position de réfutation du discours à T1 qui a été prononcée 1.1, dans d’autres c’est la deuxième 1.2. Dans le cas d’Éric, la position est [l’agroécologie c’est visé l’agriculture biologique à long terme] (EP1.4ab), plutôt en accord avec ce concept, mais pas tout à fait et préconisait une condition, l’agriculture biologique c’est la même chose que l’agroécologie mais dans le futur sur une vision à long terme. Le sujet discuté est cependant bien le même et c’est cette condition, cette préconisation qui fait que c’est une position de promotion. Le concept [ae DC ab] est surligné car il semble particulièrement prégnant dans l’espace sémantique.

Mais notre souhait était de comprendre du détail, ce qui se discute dans le fond derrière cette opposition massive. Nous avons observé de plus près, les autres positions qui utilisent également les mêmes mots, des énoncés de Lola semblaient se contredire, l’agroécologie n’est pas la même chose que l’agroécologie mais deux autres positions reliaient les mêmes mots : [l’agroécologie s’applique à l’agriculture biologique] (LN1.17st), [l’agroécologie s’applique à l’agriculture conventionnelle] (LN1.18st), nous sommes allée faire une incursion dans le discours d’origine pour comprendre. Deux fragments de discours sont très explicites « t’en a

qui sont pas en a b mais qui font de l’agroécologie/ c’est pas la même chose » puis « même en conventionnel mais c’est une technique agroécologique » à propos d’une question sur le sol. Tout est en nuances : dire que les deux types de pratiques sont les mêmes, mais dire qu’elles sont totalement différentes, ça ne convient pas non plus. C’est de la nuance que ces fragments de discours voulaient exprimer.

Nous avons extrait des concepts car nous les avons considérés importants pour comprendre le discours et l’argumentation. Deux concepts ont été extraits [ae DC possible ab], [ae DC possible ac]. Nous avons observé les autres positions, deux autres des PoP de Félix préconisaient ces deux mêmes concepts : [l’agriculture conventionnelle peut utiliser des pratiques agroécologiques] (FP1.6st), [l’agriculture biologique ne respecte pas obligatoirement les principes agroécologiques] (FP1.7st).

Nous avons continué de la même manière, nous avons observé deux positions faisant appel à l’agriculture de terroir, [l’agriculture de terroir ne définit pas l’agroécologie]

(FP1.9st), [l’agriculture de terroir a l’image d’une agriculture extensive] (MR1.2st), la deuxième position n’est pas très explicite, nous sommes retournée lire le discours, c’était bien une allusion à l’agroécologie « pour moi dans ce cas-là/ on n’est pas dans la défense d’un terroir ». Nous avons donc extrait le concept [ae DC terroir]. Le discours

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de Marion s’est réellement opposée à cette idée d’assimiler l’agriculture de terroir à l’agroécologie. Pour Félix, la position est de promotion et ne s’oppose pas à ce que l’agroécologie puisse être de l’agriculture de terroir, mais défend le fait que cela ne la définit pas.

Il reste deux positions isolées : [l’agroécologie, c’est la même chose que la permaculture]

(AN1.8st), nous avons hésité à en extraire le concept. Mais comme la permaculture est devenu un sujet de grande importance dans les discours, nous l’avons conservé, c’était important de savoir qui à T1, identifiait la permaculture à l’agroécologie [ae DC permaculture].

Enfin il reste la dernière position [les itinéraires techniques de l’agroécologie doivent être mieux balisés pour se répandre] (FN1.6st). Cela ne nous semblait pas très explicite et ne sera jamais repris, nous l’abandonnons.

Le registre « standardisation » est représenté dans l’espace sémantique à T1 par cinq concepts : [ae DC ab], [ae DC possible ab], [ae DC possible ac], [ae DC permaculture], [ae DC terroir].

Nous avons réalisé ces opérations à chaque temps, pour chaque registre et obtenu la composition des concepts à chaque temps.

Nous avons ainsi obtenu la liste des concepts pour chaque registre, à chaque temps (annexe n°12)

Exemple :

Tableau 13 : Variation des concepts de T1à T4 dans la zone « standardisation »

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ii) Analyse quantitative des concepts représentant l’espace sémantique

Nous avons comptabilisé tous les concepts à chaque temps, chaque registre, comme par exemple ci-dessus, et établi un tableau récapitulatif qui nous a servi pour discuter l’évolution de l’espace sémantique d’un point de vue quantitatif. Plus il y a de concepts et plus les discours circulant dans l’espace sémantique se sont diversifiés ou nuancés. La disparition de concepts est également significative.

iii) Nous avons alors pu discuter l’évolution de l’espace sémantique d’un point de vue quantitatif et qualitatif avec les tableaux établis en i) et ii)

Cette évolution de l’espace sémantique matérialisant l’évolution de l’argumentation collective qui s’est élaborée dans le réseau-classe au cours de la formation. Elle nous a permis entre autre de comprendre comment la question de l’agriculture biologique qui avait suscité tant d’engouement dans le premier travail de groupe avait évolué au travers des différents entretiens.

Étape 6 - La méthode de simulation des interactions éventuelles