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Couche d’eau

II) 1 Mésophases en volume

II) – 1 – 1 Auto-assemblages de monoglycérides

Les monoglycérides sont des lipides très communément rencontrés comme additifs alimentaires. Ils représentent 75 % du volume d’émulsifiants produits dans le monde (lécithines incluses) [45]. Ces molécules résultent de l’estérification d’un glycérol et d’un acide gras. Le glycérol est considéré comme la tête polaire du monoglycéride, de par ces deux extrémités hydroxyles libres ayant des affinités pour les molécules d’eau. A l’inverse la chaîne carbonée de l’acide gras confère à la molécule une forte hydrophobicité. Plus l’acide gras sera long, plus sa valeur HLB sera faible, plus il sera liposoluble et de ce fait, efficace comme émulsifiant pour fabriquer une émulsion inverse E/H. La composition bipolaire des monoglycérides leurs confèrent de bonnes propriétés émulsifiantes.

Après ajout d’eau, au-dessus de la température de Krafft et de leur CAC, les monoglycérides regroupent leurs pôles hydrophobes et hydrophiles. Leurs assemblages sont déterminés par la nécessité d’optimiser l’énergie nécessaire à la création d’interface entre les zones hydrophiles et hydrophobes. En fonction du facteur de forme, de la concentration et de la température, ils s’associeront soit en micelle, soit en bicouche lamellaire ou encore en micelle tubulaire. Ces structures monoglycérides/eau sont en équilibre thermodynamique au contraire des émulsions.

Suivant le facteur de forme des monoglycérides, la courbure de l’interface eau/huile peut être positive, négative ou nulle. Lorsque la courbure est positive les phases sont dites normales (les chaînes aliphatiques sont orientées à l’intérieur des structures), à l’inverse lorsque la courbure est négative, les phases sont dites inverses (les chaînes hydrophobes forment la couche externe de la structure). Aux fortes concentrations et en fonction de la température, les monoglycérides forment des mésophases de type cristal liquide (hexagonal, cubique,…). La séquence des différentes mésophases des monoglycérides est schématiquement décrite dans la figure 11 [46] ; elle peut être amenée à varier en fonction du monoglycéride utilisé. [47].

20 Figure 11 : Succession probable des phases d’un mélange eau/monoglycérides en fonction de la teneur en eau du mélange, tiré de [46].

(a) phase micellaire cubique inverse, (HII) phase hexagonale inverse, (b) phase cubique bicontinue inverse, (Lα) phase lamellaire, (c) phase cubique bicontinue normale, (HI) phase hexagonale normale, (d) phase micellaire cubique normale.

Pour des fortes concentrations en eau, des micelles normales se forment (microémulsion H/E, dénommée L1). Quand la concentration en eau diminue on atteint successivement une phase hexagonale normale (HI), une phase lamellaire cristalline (Lα), une phase hexagonale inverse (HII) et une phase micellaire inverse (microémulsion E/H, ou L2). La phase lamellaire cristalline (Lα), possédant une courbure interfaciale nulle, sépare le diagramme en zones de signes de courbure opposés. La première, avec une forte concentration en eau, regroupe les auto-assemblages ayant une courbure positive, les parties hydrophobes étant regroupées au centre des micelles. Pour des faibles concentrations en eau, on observe des structures de type inverse, ayant une courbure négative, et des chaînes aliphatiques dirigées vers l’extérieur des structures. Entre les phases hexagonales et lamellaires, des phases cubiques bicontinues sont attendues : la phase cubique bicontinue normale (V1) et la phase cubique bicontinue inverse (V2). Entre les phases hexagonales et micellaires peuvent se trouver des phases micellaires cubiques (I1 et inverse I2). Dans notre étude, nous utiliserons un monoglycéride formant des mésophases inverses. Les mésophases de monoglycérides ont été étudiées et décrites depuis

21 les années 60, notamment par Lutton, Larsson et Luzzati, qui publièrent les premiers diagrammes de phases [48-51].

Les mésophases possèdent donc des domaines d’eau et d’huile finement dispersés. La topologie des domaines d’eau est diverse : de type micellaire, tubulaire ou continue. Ainsi, ces mésophases peuvent accueillir des molécules de toutes solubilités qui peuvent s’intégrer dans l’eau, dans la partie lipophile ou aux interfaces. Ceci est notamment vrai pour des composés de faibles solubilités comme des arômes, des parfums, des nutriments ou des principes actifs de médicaments, qui peuvent être insérés dans ce type de structures.

Les molécules purement liposolubles seront solubilisées dans les chaînes aliphatiques des acides gras, les molécules hydrophiles seront contenues dans les domaines aqueux. La plupart des molécules utilisées en industrie pharmaceutique ou alimentaire possèdent un caractère amphiphile et vont s’adsorber à l’interface eau/huile.

L’intérêt majeur de ces mésophases de monoglycérides est que l’interface est extrêmement importante et représente environ 400 m2/g pour la phase cubique inverse (V2).

De tels auto-assemblages sont observés dans la nature et notamment au sein des membranes cellulaires [52-54]. Certaines membranes ne sont pas uniquement formées de bicouches mais montrent des organisations cubiques, observées par exemple dans le réticulum endoplasmique lisse, des membranes nucléaires ou au sein des mitochondries et des photosomes [55]. En effet, dans les zones mitochondriales dédiées à l’échange d’énergie, des organisations membranaires cubiques ont été reportées.

Leur très grande surface interfaciale permet un échange plus important d’énergie dans un volume restreint. La figure 12 montre les membranes cubiques des mitochondries de l’amibe Chaos carolinensis [56,57].

22 Figure 12 : Image de microscopie électronique à transmission de membranes cubiques de mitochondries de l’amibe Chaos carolinensis [56].

La barre d’échelle représente 500ηm.

De nombreuses molécules, autres que les monoglycérides sont connues pour leur capacité d’auto-assemblage : monoéthanolamide [58], phospholipides, phytantriol [59-61], glycolipides, phosphatidyléthanolamine ou des dérivés d’urée. Cependant, la majeure partie des publications décrivant des mésophases fixent leur attention sur les monoglycérides et notamment sur la monooléine [62,63], la monoélaidine [64-66], la monolaurine, la monopentadécénoine [67,68], la monoérucine [69] ou la monolinoléine.

Ces mésophases peuvent être caractérisées par le biais de plusieurs techniques :

• La technique la plus adaptée et la plus utilisée pour la caractérisation des mésophases de monoglycérides est la diffusion des rayons X aux petits angles (Small Angle X-ray Scattering : SAXS).

• La microscopie électronique est la deuxième technique la plus répandue pour l’étude des mésophases de monoglycérides. La cryo-Microscopie Electronique à Transmission (cryo-MET) et la Microscopie Electronique à Balayage à Emission de Champ (MEB) sont des techniques complémentaires des rayons X.

Concernant la Microscopie à Balayage, le faisceau d’électrons est plus fin et vient balayer la surface d’étude. Ce n’est plus le faisceau transmis qui est collecté mais le

23 faisceau rétro-diffusé. Cette technique permet donc, de manière fidèle, la reconstruction en trois dimensions de l’échantillon. Elle possède cependant une résolution inférieure à la MET.

• De manière plus confidentielle, d’autres techniques peuvent être utilisées pour décrire les mésophases de monoglycérides. La Microscopie à Force Atomique permet de déterminer la taille des domaines des mésophases ou de visualiser la dispersion de ces mésophases dans l’eau [70,71].

• La Calorimétrie Différentielle à Balayage (Differential Scanning Calorimetry – DSC) peut être utilisée afin de distinguer les différentes plages de fusion/cristallisation des phases de monoglycérides [72].

• La Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) permet également de déterminer les organisations des assemblages de monoglycérides [73,74].

Ces méthodes permettent donc de visualiser les mésophases et d’en décrire les principales caractéristiques. Lors de cette étude, les structures internes seront identifiées par la technique de diffusion des rayons X aux petits angles. De par la position des pics de Bragg dans le diffractogramme, on en déduit le paramètre de maille de la mésophase.

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