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La mémorisation de l’épuré : entre appréciation esthétique et intemporalité

3. LE PRODUIT ORIGINEL COMME SOURCE DE RELATION DURABLE AVEC LE PUBLIC

3.2. Approche sémiotique du design de la Vans Authentic

3.2.2. La mémorisation de l’épuré : entre appréciation esthétique et intemporalité

Le XXème siècle a été marqué dans l’histoire du design par une époque de sur- sollicitation sensorielle, où les signes de la technicité et de l’innovation ont pris le dessus sur une sensorialité plus modérée. La quête de sens exprimée par les consommateurs que nous avons évoqué plus tôt se traduit également dans le domaine du design par un rejet du superflu. Ce besoin d’essentialité et de sens se manifeste dans le design des objets et des produits où la satisfaction sensorielle seule ne suffit plus. Ainsi, les design essentiels, « naïfs » et simples sont préférés face à la sophistication excessive. L’intérêt et la recherche du designer s’oriente ainsi vers le creux, vers l’essence en réponse face au surdosage, au trop plein. L’esthétique minimaliste a pris une ampleur de plus en plus prononcée dans nos sociétés contemporaines, que ce soit au travers de la mode vestimentaire, de l’architecture ou du design. Le minimalisme au sens des beaux-arts est une « tendance artistique visant à neutraliser les forme, les couleurs et à éliminer tout

sentiment, toute émotion »101, il se rapproche en cela de l’épuré qui consiste à

« rendre pur, par élimination des éléments ou des corps étrangers ». La tendance du

Définition CNTRL

101

design scandinave portée par IKEA atteste de la réalité d’une époque régit par l’esthétique minimaliste. Elle révèle également l’imaginaire qui consiste à associer apparence épurée à de grandes qualités techniques, à l’image des produits Apple. Le courant du minimalisme est apparu dans les années 1920, et a élaboré une nouvelle esthétique dans un contexte social où les moyens techniques et artistiques étaient en permanente redéfinition. L’école du Bauhaus fondée par Walter Gropius en 1919 traduit cette volonté de créer des objets en utilisant le minimum d’éléments avec des matériaux industriels pour faciliter la production en série. Les théories du Bauhaus prônent l’emploi de matériaux nouveaux, la simplicité et l’absence d’ornements, à l’image du principe simple et réducteur « Less is more » de l’architecte Mies Van der Rohe. Le minimalisme consiste donc à limiter volontairement les moyens pour parvenir à un résultat sobre et épuré, les formes et les ornements sont dépouillés. Le style minimaliste se traduit par ses lignes épurées, réduites à l’essentiel. La finesse des lignes, la sobriété des couleurs et des matériaux deviennent des signes distinctifs. On retrouve également la tendance dans les logotypes, qui se sont simplifiés au cours des décennies pour faciliter leur lecture et leur mémorisation. Nous pourrions également citer quelques réalisations publicitaires récentes comme la campagne d’affichage « icons » réalisée par McDonald’s en 2014 mettant en scène les produits phares de la marque réduit à une plastique essentielle, sous de simples traits et formes de couleurs. Nous nous sommes alors demandée si l’épuré pouvait-être un élément simplificateur de la mémorisation. La Gesalt, psychologie de la forme, a montré à travers la loi de

Prägnanz que notre cerveau est toujours à la recherche de simplicité. Nous avons

en effet besoin d’identifier le plus rapidement possible ce qui nous entoure pour y distinguer ou non un éventuel danger, une explication qui se justifie par notre

« instinct de survie »102. La simplification d’un design permettrait donc de soulager

l’effort cognitif de l’observateur. En réduisant l’information, l’observateur se focalise sur l’essentiel, ainsi elle n’en devient que plus lisible et plus facilement mémorable. Le courant minimaliste semble ainsi aujourd’hui entrer en résonance avec les attentes et désirs des consommateurs à la recherche de sens, d’essentialité et qui préfèrent se tourner vers la discrétion face à l’ostentatoire. Nos études quantitatives et qualitatives nous ont permis de mettre en valeur l’appréciation esthétique de la Vans Authentic, qui aux yeux des consommateurs est résumée par la « simplicité ».

WOLFGANG (Kohler), Psychologie de la forme : Introduction à de nouveaux concepts en psychologie, Gallimard2000

Sur l’ensemble des répondants à notre enquête quantitative réalisée sur le terrain, 99% estiment que la Vans Authentic est une chaussure dont le design peut-être

qualifié d’intemporel103. Elle serait donc en un sens éligible à correspondre à la

définition des « classiques du design » donnée par la maison d’édition Phaidon : « objets manufacturés possédant à la fois une valeur esthétique et une qualité

intemporelle, définis par des formes simples, équilibrées et pures »104. Nous avons

dès lors cherché à questionner le statut singulier et le caractère intemporel acquis par l’objet : s’acquiert-il par sa seule fonction d’usage ou par sa valeur signe ? Sur le marché de la chaussure de sport, deux tendances s’affrontent et se complètent avec d’une part la surenchère de technologies et innovations à l’image des technologies

Flyknit de Nike et Primeknit d’Adidas qui rivalisent d’innovation pour se positionner

sur le segment des chaussures les plus légères du marché ; et d’autre part la tendance accrue vers un retour aux sources et vers des modèles « retro » et plus classiques, à l’image de la Converse All Star, la Nike Air Force 1, les Superstar et

Stan Smith d’Adidas ou encore les modèles classiques de Vans. Mais il est

nécessaire de rappeler le contexte dans lequel s’inscrivent ces tendances : la révolution technologique et culturelle du marché de la chaussure de sport.

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