Partie 1 Contexte scientifique et Problématique
I- 2.3 La mémoire immunitaire
Un des attributs cardinaux du système immunitaire adaptatif est le développement de la mémoire immunitaire antigène spécifique. Les cellules mémoires sont celles qui survivent après la phase de rétractation de la réponse immunitaire, c’est à dire après le moment où le pathogène est éliminé et pendant lequel plus de 90% des cellules T effectrices meurent par apoptose. Le compartiment mémoire T est constitué des T CD4+ et T CD8+ qui peuvent acquérir rapidement des fonctions effectrices pour tuer les cellules infectées ou sécréter des cytokines inflammatoires (65). Ce compartiment mémoire doit être au moins aussi diversifié dans ses capacités fonctionnelles que le compartiment des effecteurs qui émergent après la première exposition aux antigènes. Les lymphocytes T mémoires ont une grande capacité migratoire (66). Ces cellules peuvent être classées en 2 types de cellules mémoires (Figure 8):
• les CM (central memory) expriment CCR7 et sont fortement positives au CD62-L. Ces deux protéines ont des rôles précis. CCR7 (CC-chemokine receptor 7) va se lier à CCL19 et CCL21 exprimés sur les cellules endothéliales dans les ganglions lymphatiques. Il s’agit donc d’un marqueur d’adressage aux organes lymphoïdes. CD62-L ou L-sélectine interagit avec PNAd (Peripheral-node adressin) sur les veinules endothéliales qui favorisent l’attachement et le «rolling» des lymphocytes, ce qui permet l’adressage aux tissus périphériques. Les cellules mémoires CM sont retrouvées dans les organes lymphoïdes, la moelle osseuse, le sang et la rate mais sont absentes des tissus non lymphoïdes (67). Ces cellules semblent être destinées à
activer les CPAs. Quand elles sont réactivées, elles peuvent repartir dans la circulation, perdre le CCR7 et devenir des effecteurs mémoires (66, 68).
• les EM (effector memory) n’expriment pas CCR7 et sont faiblement positives au CD62-L.
Présentes dans le sang, la rate et les tissus non lymphoïdes, ces cellules peuvent répondre rapidement à l’antigène en produisant des molécules effectrices (68). Contrairement aux cellules naïves, elles expriment de manière constitutive, de forts taux d’ARNm de gènes codant pour l’IFNγ, ou la perforine et les granzymes. La synthèse de ces protéines sera régulée de manière «on-off» par le contact avec l’antigène et les protéines pourront être produites de façon beaucoup plus rapide que par les cellules naïves (65).
La réponse mémoire est une réponse accélérée et plus agressive provoquant une expansion locale de cellules T antigène-spécifiques à un niveau maximum et une expression renouvelée de la plupart des fonctions associées à la réponse immune primaire initiale (66).
Les cellules mémoires sont maintenues pendant plusieurs années par un processus de prolifération homéostatique qui maintient le nombre de cellules mémoires relativement constant. Les cytokines qui régulent la prolifération des lymphocytes T CD8 sont l’IL-2, l’IL- 15 et l’IL-7 mais leurs rôles relatifs ne sont pas complètement définis (69). La survie des lymphocytes T CD4+ quant à elle ne dépend pas des IL-2, IL-15 ou IL-4 mais seulement de l’IL-7 (68). Cet ensemble de cellules mémoires CD4+ va diminuer lentement avec le temps.
Cellule T naïve Cellule effectrice « précoce »
Cellule effectrice « tardive »
Pas d’antigène Pas d’antigène
Cellule mémoire centrale (tissus lymphoïdes)
Cellule effectrice mémoire (tissus non lymphoïdes) Pas d’antigène + antigène + antigène CCR7- CCR7+ CD62Lfaible- CD62Lfort
Cellule T naïve Cellule effectrice « précoce »
Cellule effectrice « tardive »
Pas d’antigène Pas d’antigène
Cellule mémoire centrale (tissus lymphoïdes)
Cellule effectrice mémoire (tissus non lymphoïdes) Pas d’antigène + antigène + antigène CCR7- CCR7+ CD62Lfaible- CD62Lfort
Marqueur Fonction protéique Cellules qui expriment ce marqueur
CD3 Co-récepteur du TCR Lymphocytes T, cellules NKT
CD4 Reconnaissance de l’antigène présenté sur le CMH de classe II
Lymphocytes T CD4
CD8 Reconnaissance de l’antigène présenté sur le CMH de classe I
Lymphocytes T CD8
CD14 Récepteur au LPS Monocytes, macrophages granulocytes (plus faiblement), neutrophiles CD16 Récepteur à la fraction constante des
anticorps
NK, macrophages, mastocytes
CD19 Co-récepteur du BCR Lymphocytes B, cellules dendritiques CD45 Protéine tyrosine phosphatase, régule
la transduction de signaux notamment ceux du TCR et du BCR
Cellules hématopoïétiques sauf érythrocytes, thymocytes
CD45RA Isoforme de CD45 contenant l’exon A Lymphocytes T naïfs, lymphocytes B, monocytes
CD45RO Isoforme de CD45 ne contenant pas les exons A, B et C
Lymphocytes B, lymphocytes T mémoires, monocytes, macrophages,
cellules dendritiques, granulocytes CD56 NCAM neural cell adhesion molecule
(NCAM)
NK, NKT, lymphocytes larges et granulaires
CD62L L-sélectine (permet l’adressage des lymphocytes aux tissus périphériques)
Lymphocytes T naïfs
CD127 Récepteur à l’IL-7 Lymphocytes T effecteurs et
mémoires
CD206 Récepteur au mannose Macrophages (type M2), cellules dendritiques, cellules endothéliales
II Les relations entre le tissu adipeux et le système immunitaire
Il existe une relation intime entre le système immunitaire et le système métabolique qui présentent en termes d’évolution beaucoup de similitudes. Le développement parallèle des tissus adipeux et lymphoïdes dans les fœtus et les nouveaux nés chez les mammifères a été mis en évidence il y a plus de 50 ans (71).
L’unité fonctionnelle qui contrôle les clés du métabolisme et des fonctions immunes dérive d’une structure commune ancestrale. Une de ces structures est le corps gras de la drosophile qui incorpore les homologues mammifères du tissu hépatique, hématopoïétique et immun. De manière intéressante, ce site est également reconnu comme représentant l’équivalent du tissu adipeux des mammifères en partageant des voies de développement et de fonctionnement similaires. Au cours de l’évolution, les organes ont été individualisés dans les organismes plus évolués, le tissu adipeux, le foie et le système immunitaire se sont spécialisés dans différentes fonctions, unités ou organes (72). Il n’est donc pas surprenant de retrouver des cellules immunitaires dans le tissu adipeux, ou encore du tissu adipeux englobant les ganglions lymphoïdes.