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Médicaments interférant avec la biosynthèse des stérols

2.2 La biosynthèse des stérols, cible thérapeutique dans la THA

2.2.5 Médicaments interférant avec la biosynthèse des stérols

Plusieurs enzymes de la voie de biosynthèse des stérols sont des cibles de médicaments. En thérapeutique humaine, l’HMG-CoA réductase est la cible des médicaments de la classe des statines (traitement de la dyslipidémie), la farnésyl diphosphate synthase est la cible des bisphosphonates (traitement de l’ostéoporose et de la maladie de Paget).

Différentes classes médicamenteuses ont montré une activité vis-à-vis des Trypanosomatidae : les inhibiteurs de la squalène synthase, de la squalène époxidase, de la stérol méthyltransférase et les azolés qui inhibent CYP51. Ces inhibiteurs de la biosynthèse de l’ergostérol induisent des altérations de l’ultrastructure de différentes organelles des Trypanosomatidae. Ces altérations intéressent la mitochondrie et son kinétoplaste, le réticulum endoplasmique, le

Golgi, le noyau, le flagelle et la membrane plasmique (de Souza et al. 2009)(de Macedo-Silva et al. 2013) (Figure 13).

Figure 13 : Formes promastigotes de L. amazonensis cultivées avec de l’itraconazole ou du

posaconazole observées en microscopie électronique. A et B : itraconazole (1 µM). C et D : posaconazole (1 µM). Présence d’une désorganisation et d’un élargissement de la mitochondrie/kinétoplaste (A, B, D). Altération de la mitochondrie et apparition de corps circulaires (B et C, flèches). Modifications de la structure du kinétoplaste (B et D). Présence d’autophagosomes (A, C et D). Vacuoles comportant des portions de membrane et de cytoplasme (A, astérisques). FP, poche flagellaire ; GC, corps de Golgi ; k, kinétoplaste; m, mitochondrie; N, noyau, A, autophagosome. (de Macedo-Silva et al. 2013)

Les inhibiteurs de la squalène synthase

Historiquement, la squalène synthase a été étudiée comme cible potentielle de médicaments visant à traiter la dyslipidémie. Les acides zaragoziques et les quinuclidines sont des inhibiteurs de cette enzyme. La 3-(biphenyl-4-yl)-3- hydroxyquinuclidine a ainsi montré sa capacité à diminuer le taux de cholesterol dans un modèle animal. Par la suite, les acides zaragoziques et les quinuclidines ont fait l’objet de différents travaux chez les Trypanosomatidae (Urbina et al.

2002)(Urbina et al. 2004)(Rodrigues et al. 2008)(Bergstrom et al. 1995)(Braga et al. 2004)(Lorente et al. 2005)(Rodrigues et al. 2005)(Cammerer et al. 2007)(Sealey- Cardona et al. 2007).

Les inhibiteurs de la squalène époxidase

Les allylamines sont des inhibiteurs de la squalène époxidase. Parmi celles-ci, la terbinafine est utilisée en clinique humaine comme antifongique, sous forme topique ou par voie orale. La terbinafine inhibe la croissance des formes promastigotes et amastigotes de Leishmania, avec des effets sur l’ultrastructure du parasite, en particulier la mitochondrie (Vannier-Santos et al. 1995). Les valeurs des IC50 de la terbinafine sont de 1 µM et 100 nM respectivement pour les formes promastigotes et amastigotes. En combinaison avec le kétoconazole, les IC50 sont d’environ 1 nM, montrant l’intérêt d’une inhibition combinée de plusieurs étapes de la voie de biosynthèse de l’ergostérol.

Les inhibiteurs de la stérol méthyltransférase

Les azastérols inhibent l’enzyme stérol méthyltransférase. Cette enzyme n’est pas présente chez les mammifères et est spécifique des champignons et des Trypanosomatidae. L’activité antifongique des azastérols a été décrite pour Candida spp. (Barrett-Bee et al. 1992)(Ishida et al. 2009), Pneumocystis jirovecii (Urbina et al. 1997) et Paracoccidioides brasiliensis (Visbal et al. 2003). L’effet des azastérols a été montré sur T. cruzi (Urbina et al. 1996)(Liendo et al. 1999)(Magaraci et al. 2003), sur Leishmania (Roberts et al. 2003)(Rodriguez et al. 2002)(Jiménez-Jiménez et al. 2008)(Magaraci et al. 2003) et sur T. brucei (Gros et al. 2006)(Haubrich et al. 2015). Leur effet sur l’enzyme stérol méthyltransférase est cependant limité. Ils peuvent avoir un effet synergique en combinaison avec les azolés (Urbina et al. 1996).

Les azolés

La découverte de l’activité antifongique des imidazolés a constitué une avancée considérable dans la thérapeutique des infections fongiques superficielles et systémiques. Ils inhibent CYP51. Les azolés de première génération correspondent à une grande variété de composés comme le miconazole. Le

kétoconazole est le principal représentant des azolés de seconde génération. Il s’agit du premier imidazolé bien absorbé par voie orale mais son hépatotoxicité et ses interactions médicamenteuses limitent son utilisation. Les azolés de troisième génération correspondent aux dérivés triazolés : fluconazole, itraconazole, voriconazole, posaconazole. Leurs propriétés pharmacologiques et leur tolérance généralement satisfaisantes permettent de les utiliser dans les infections systémiques. Les imidazolés sont caractérisés sur le plan chimique par des structures pentacycliques à deux atomes d’azote, munis d’une chaîne complexe portée par l’un des atomes d’azote. Les triazolés sont caractérisés par des structures similaires mais dont le pentacycle comporte trois atomes d’azote (Figure 14).

Figure 14 : Antifongiques azolés : exemple de cinq molécules utilisées en clinique humaine. (Lepesheva et al. 2011)

L’activité des azolés chez les Trypanosomatidae a été montrée pour T. cruzi, T. brucei, ainsi que pour les leishmanies (Pomel et al. 2015). L’effet du kétoconazole a été testé in vitro en combinaison avec d’autres inhibiteurs de la biosynthèse des stérols chez T. cruzi (Vivas et al. 1996). De même, l’activité du

posaconazole a été montrée chez T. cruzi, avec un effet synergique en combinaison avec l’amiodarone (Benaim et al. 2006). L’effet de l’amiodarone s’expliquerait par le blocage de canaux potassiques et calciques. Le kétoconazole a une activité sur les formes sanguines et les formes procycliques de T. brucei (Lepesheva et al. 2007). Le kétoconazole et le posaconazole ont montré un effet in vivo au cours de modèles expérimentaux d’infection à Leishmania amazonensis et L. donovani (Al-Abdely et al. 1999)(de Macedo-Silva et al. 2013). De même, le posaconazole a montré une efficacité comme traitement dans des modèles murins d’infections aigues et chroniques à T. cruzi (Molina et al. 2000).

La liaison du fluconazole et du posaconazole à CYP51 a été mise en évidence chez T. cruzi et T. brucei (Chen et al. 2010). Il est connu que l’effet inhibiteur enzymatique des azolés varie fortement en fonction de la partie de la molécule non liée au site actif (Ortiz de Montellano et al. 1995). En effet, de petites molécules comme les imidazolés ont une influence limitée sur l’activité de l’enzyme, alors que des molécules de plus grande taille peuvent être de meilleurs inhibiteurs. Après sa liaison au site actif, la queue de la molécule de posaconazole est en partie localisée à l’extérieur du tunnel hydrophobe. Elle présente à ce niveau une zone d’interaction avec des acides aminés situés à l’entrée du tunnel, ce qui constitue un site de liaison supplémentaire (Figure 15). La variabilité de CYP51 entre les différents Trypanosomatidae rend compte de la variabilité de l’effet d’un même azolé d’une espèce à l’autre. Ainsi, par exemple, l’effet plus important du fluconazole sur T. cruzi comparativement à L. infantum et T. brucei est lié au positionnement différent de deux tyrosines directement en rapport avec l’hème (Y103 et Y106) (Lepesheva et al. 2011).

Figure 15 : Protrusion de la molécule de posaconazole à l’extérieur du tunnel hydrophobe de CYP51

(selon deux conformations de la molécule de posaconazole, gauche et droite). L’architecture de CYP51 est indiquée en jaune et la surface de la protéine par un maillage noir. Les acides aminés entourant l’entrée du tunnel sont indiqués. Les flèches correspondent aux acides aminés identifiés comme impliqués dans les mécanismes de résistance au posaconazole chez Aspergillus fumigatus et Candida albicans. La molécule de posaconazole est représentée sous forme de sphères avec les atomes de carbone en blanc, l’oxygène en rouge, l’azote en bleu, le fluor en vert. L’hème figure en orange. (Chen et al. 2010).

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