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Mécanismes de transport du gaz émis du sol vers l’atmosphère

1.3. Mécanismes de migration et modélisation des flux de gaz

1.3.1. Mécanismes de transport du gaz émis du sol vers l’atmosphère

1.3.1.1. Transport du gaz selon le gradient de pression : l’advection-dispersion

L’écoulement laminaire d’un fluide newtonien (ici un gaz 𝑔) dans un milieu poreux sous l’effet des gradients de pression 𝛻𝑃𝑔 est décrit par la loi de Darcy (De Marsily, 1986) :

𝑞𝑔 = −𝑘𝑘𝑟𝑔⋅𝜌𝑔

𝜇𝑔 (𝛻𝑃𝑔− 𝜌𝑔⋅ 𝑔) (1.1)

où 𝑞𝑔 est le flux massique de la phase gaz 𝑔 en kg·m−2·s−1 , k la perméabilité intrinsèque de la roche en m2 , 𝑘𝑟𝑔 la perméabilité relative de la phase gaz comprise entre 0 et 1, 𝑃𝑔 la pression dans la phase gaz en Pa, 𝜌𝑔 la masse volumique du fluide en kg·m−3 , 𝜇𝑔 sa viscosité dynamique en Pa.s et g l’accélération de la pesanteur en m2 · s−1 . Cette formule est aussi applicable pour un liquide. Pour simplifier, on considère ici un milieu isotrope homogène, dans lequel la perméabilité est constante, et ne dépend pas de la direction de l’écoulement.

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Le transport d’un gaz par advection suit l’écoulement de la phase dans laquelle il se situe. Le flux massique d’un gaz 𝑖 dans la phase gaz 𝑔 est donné par :

𝑞𝑔𝑖 = 𝑋𝑔𝑖∗ 𝑞𝑔 (1.2)

où 𝑋𝑔𝑖 est la fraction massique du constituant 𝑖 dans la phase gaz 𝑔.

Lorsque la pression barométrique varie, le gradient de pression 𝛻𝑃𝑔 peut parfois s’inverser, modifiant le sens des flux à la surface (Figure I-8). Ce phénomène est à l’origine de ce qui est appelé « pompage barométrique ». Sur la Figure I-8, cette variation est approximée par une fonction sinusoïdale. Le sol constitué à la fois d’une matrice poreuse et parfois d’un réseau de fractures (ou de macropores) connecté avec l’atmosphère. Si une variation de pression s’opère dans l’atmosphère, elle va se propager rapidement par les réseaux de fractures dans le sol, lentement par la matrice. Cette propagation possède un certain délai de réponse qui engendre des écarts de phase entre les variations de la pression barométrique (Patm) et la pression dans le sol (Psol). Ces écarts ont pour conséquence la création de gradients de pression oscillants qui modifient le sens des flux de gaz dans le sol. Ceci a pu être observé à plusieurs reprises et a aussi pu être modélisé dans les milieux poreux fracturés (Chen, 1989 ; Massmann et Farrier, 1992 ; Mourzenko et al., 2014).

Figure I-8 : Schéma de l’advection dispersion entre un milieu poreux fracturé et l’atmosphère. Dans le cas général, les flux de gaz vont du compartiment à la pression la plus élevée vers le compartiment à la pression la plus faible. Les grosses flèches rouges représentent les flux ascendants lorsque la pression du sol (Psol) est supérieure à la pression atmosphérique (Patm). Dans le cas contraire, les grosses flèches vertes représentent les flux descendants. Sur cette figure est aussi représenté le pompage barométrique dans le temps. Les écarts de phases entre les variations de pressions de

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l’atmosphère et celles de la pression du sol engendrent des variations de sens du flux. Lorsque la pression est plus élevée dans l’atmosphère, le gaz passe dans le sol par les fractures par advection et se disperse dans la matrice et inversement. Les petites flèches rouges représentent le flux de gaz de la matrice poreuse vers les fractures, les petites flèches vertes les flux de gaz des fractures vers la matrice poreuse.

1.3.1.2. Transport du gaz selon le gradient de concentration : la diffusion

La diffusion est un processus de transport de la matière depuis une zone à forte concentration vers une zone à faible concentration, et résulte du mouvement aléatoire des molécules. La diffusion ne fait pas intervenir de déplacement global du fluide vecteur liquide ou gaz. Le flux diffusif 𝐹𝑔𝑖 du constituant 𝑖 (en kg·m−2 · s−1) dans la phase gazeuse 𝑔 est donné par la première loi de Fick, modifiée pour un milieu poreux :

𝐹𝑔𝑖= −𝜌𝑔𝜀𝑆𝑔𝜏𝑔𝐷𝑔𝑖𝛻𝑋𝑔𝑖 (1.3)

où 𝜀 est la porosité de la roche, 𝑆𝑔 la saturation en gaz, 𝜏𝑔 le coefficient de tortuosité de la phase gazeuse, 𝐷𝑔𝑖 est le coefficient de diffusion moléculaire du constituant i dans l’air (en m2 · s−1), et 𝑋𝑔𝑖 le gradient de concentration du constituant. Le modèle empirique de Millington et Quirk (1961) est fréquemment utilisé pour exprimer le coefficient de tortuosité dans les milieux poreux, sols ou roches :

𝜏𝑔 = 𝑆𝑔7 3 𝜀1 3 (1.4)

Lorsque les gradients de pression et de concentration coexistent, le transport a lieu à la fois par advection et par diffusion. Le flux total est donné par :

𝐽𝑖= 𝑋𝑔𝑖 ∗ 𝑞𝑔+ 𝐹𝑔𝑖 (1.5)

La description quantitative du transport par advection et par diffusion dans un milieu poreux passe par la résolution de l’équation de conservation de la matière. Dans le cas le plus général, elle s’écrit :

𝑑𝑋𝑔𝑖

𝑑𝑡 + 𝑑𝑖𝑣(𝐽𝑖) + 𝛷𝑖− 𝛬𝑖 = 0 (1.6)

où 𝛷𝑖 et 𝛬𝑖 sont respectivement les sources et les puits du constituant 𝑖.

1.3.1.3. Transport biphasique en zone non-saturée en eau

1.3.1.3.1. Processus physiques

Le transport du gaz dans un sol non-saturé va dépendre de la répartition de l’eau, contrôlée par les caractéristiques du sol.

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La pression dans la phase liquide s’exprime en fonction de la pression capillaire 𝑃𝑐 (≤ 0) et de la pression dans la phase gazeuse :

𝑃𝑙 = 𝑃𝑔+ 𝑃𝑐 (1.7)

Différents modèles existent pour exprimer les perméabilités relatives à l’eau et à l’air et la pression capillaire en fonction de la saturation en eau 𝑆𝑙 de la roche. La saturation est définie comme la proportion du volume de pores occupée par le fluide, comprise entre 0 et 1.

Le modèle le plus utilisé pour exprimer la perméabilité relative à l’eau est celui de Van Genuchten-Mualem (Van Genuchten, 1980 ; Genuchten-Mualem, 1976), qui s’écrit :

𝑘𝑟𝑙 = 𝑆𝑒1 2 [1 − (1 − 𝑆𝑒1 𝑚 )𝑚]2 (1.8)

avec

𝑆𝑒 = 𝑆𝑙−𝑆𝑙𝑟

𝑆𝑙𝑚𝑎𝑥−𝑆𝑙𝑟 (1.9)

où 𝑚 est un paramètre sans unité, 𝑆𝑒 est la saturation effective en eau, 𝑆𝑙𝑚𝑎𝑥 la saturation maximale de la roche et 𝑆𝑙𝑟 la saturation résiduelle en eau. La perméabilité relative à l’air est donnée par le modèle de Brooks et Corey (1966) :

𝑘𝑟𝑔 = (1 − 𝑆𝑒)2(1 − 𝑆𝑒3−2𝑚) (1.10)

Un autre modèle très simple est parfois utilisé pour exprimer la perméabilité relative à l’air :

𝑘𝑟𝑔 = 1 − 𝑘𝑟𝑙 (1.11)

mais il ne sera pas utilisé ici. Les données expérimentales obtenues au laboratoire sur des échantillons de roche sont bien reproduites par les modèles de Van Genuchten-Mualem et de Brooks et Corey (Dane et al., 1998).

Le modèle de Van Genuchten (Van Genuchten, 1980) est également le plus courant pour exprimer la pression capillaire :

𝑃𝑐𝑎𝑝 =−1

𝛼 (𝑆𝑒−1 𝑚 − 1)1−𝑚 (1.12)

où m est le même paramètre que précédemment, et 𝛼 est l’inverse de la pression d’entrée d’air en Pa−1. Pour un échantillon complètement saturé en eau, la perméabilité à l’eau correspond à la perméabilité intrinsèque de la roche. De la même manière, la perméabilité à l’air d’un échantillon complètement sec correspond à la perméabilité intrinsèque de la roche.

La présence d’une frange capillaire peut engendrer des chenaux si un gaz se trouvant à une plus grande profondeur est amené à la franchir pour atteindre l’atmosphère. En effet, même dans les milieux les plus homogènes, la répartition aléatoire des grains va créer des micro-hétérogénéités amenant au processus de « fingering » ou chenalisation (Islman et al., 2018). Ceci signifie qu’à un

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endroit donné, le gaz atteindra la pression d’entrée d’air plus facilement qu’ailleurs, favorisant donc un passage préférentiel dans cette direction.

De plus, des variations extrêmes de teneur en eau à l’échelle locale peuvent créer des perturbations des flux de gaz dans les milieux poreux. Il a été montré, par exemple, qu’un sol s’asséchant ou recevant des pluies répétées crée une croûte à faible perméabilité en surface (Neave et Rayburg, 2007 ; Armenise et al., 2018). La perte d’eau du milieu poreux se fait par émission de vapeur d’eau à l’interface entre le sol et l’atmosphère. Cette émission peut se faire par deux mécanismes. Le premier mécanisme concerne l’évaporation physique qui va dépendre de la température de l’air, de la température de l’eau, des radiations à la surface du sol ainsi que des caractéristiques de ce sol (Fetzer

et al., 2017). Le second mécanisme est la transpiration au niveau des feuilles du couvert végétal que

nous allons décrire dans la partie suivante.

1.3.1.3.2. Processus biogéochimiques

La présence d’eau a aussi des effets de nature chimique sur les flux de gaz et notamment la dissolution des gaz dans la phase aqueuse. Ceci est souvent modélisé sous une forme dérivée de la loi de Henry (Sander, 2015) : La concentration maximale de gaz 𝑐𝑎 pouvant passer dans la phase aqueuse (ou solubilisation) est proportionnelle à un coefficient de dissolution 𝐻𝑐𝑝 propre à chaque gaz ainsi qu’à sa pression partielle 𝑝 :

𝐻𝑐𝑝= 𝑐𝑎⁄ 𝑝 (1.13)

avec 𝐻𝑐𝑝en mol · m-3 · Pa-1, 𝑐𝑎en mol · m-3 et 𝑝 en Pa.

Le coefficient de solubilité 𝐻𝑐𝑝 est aussi dépendant de la température, décrit par la loi de van’t Hoff : 𝐻𝑐𝑝(𝑇) = 𝐻0𝑐𝑝∗ 𝑒𝑥𝑝 (𝑑𝑙𝑛𝐻𝑐𝑝

𝑑(1 𝑇⁄ )(1 𝑇1

𝑇0)) (1.14)

avec 𝐻𝑐𝑝(𝑇) le coefficient de solubilisation dépendant de la température en mol m-3 Pa-1, 𝐻0𝑐𝑝le coefficient de solubilisation standard en mol m-3 Pa-1, la constante 𝑑𝑙𝑛𝐻𝑐𝑝

𝑑(1 𝑇⁄ ) déterminée expérimentalement en K, 𝑇 la température réelle en K et 𝑇0la température de référence (298.15 K). Les valeurs de 𝐻0𝑐𝑝et 𝑑𝑙𝑛𝐻𝑐𝑝

𝑑(1 𝑇⁄ ) sont tabulées pour un grand nombre de gaz dans Sander (2015).

En combinant les deux équations (1.13) et (1.14), nous obtenons la formule de solubilisation suivante : 𝑐𝑎(𝑇) = 𝑝 ∗ 𝐻0𝑐𝑝∗ 𝑒𝑥𝑝 (𝑑𝑙𝑛𝐻𝑐𝑝

𝑑(1 𝑇⁄ )(1 𝑇1

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La présence d’un couvert végétal ou de micro-organismes dans le sol va engendrer une dynamique de teneur en eau et de concentrations de certains gaz via leur activité métabolique. Ici, l’exemple particulier de la respiration est présenté car ce cas nous intéressera plus particulièrement dans la suite du manuscrit. Bien entendu, ce raisonnement est valable aussi pour la méthanisation ou encore la minéralisation de la matière organique, etc.

La respiration aérobie (en présence d’oxygène) se fait principalement dans la rhizosphère. Cette zone de sol est directement influencée par les racines ainsi que par une forte activité des micro-organismes (bactéries, champignons). Au premier ordre, la respiration peut se décrire par le bilan de réaction net suivant :

(𝐶𝐻2𝑂)𝑛 + 𝑛𝑂2 → 𝑛𝐶𝑂2+ 𝑛𝐻2𝑂 (1.16)

Cette réaction va engendrer notamment des changements en concentration de gaz tels qu’un appauvrissement en oxygène. La pression partielle changeant localement et transitoirement modifie les gradients de pressions locaux et génère des perturbations sur les flux de gaz comme cela a été démontré par Freundt (2013). L’équation 1.16 montre que dans le cas inverse de la réaction (la photosynthèse), l’eau est nécessaire pour métaboliser le CO2 et produire de l’O2. Cette eau a pour origine les pores du sol dans la zone racinaire et finit transpirée à la surface des feuilles. La teneur en eau dans les sols diminue donc en période photosynthétique. La transpiration de l’eau par les plantes se fait par gradient de potentiels hydriques décroissant entre la zone racinaire et la surface des feuilles résultant de la circulation de la sève. Ce mécanisme couplé à l’évaporation physique est appelé évapotranspiration.

Pour aller plus loin sur la modélisation physique et biogéochimique des sols, un état de l’art des modèles de transports pour les sols et écosystèmes terrestres a été réalisé par Vereecken et al., en 2016.

1.3.2. Utilisation des codes de transport réactif dans la modélisation des flux