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Mécanismes réactionnels proposés

CHAPITRE V. COMPORTEMENT SOUS IRRADIATION D’HYDROXYDES DOUBLES LAMELLAIRES

III. I RRADIATION DES HYDROXYDES DOUBLES LAMELLAIRES

3. Mécanismes réactionnels proposés

Comme cela a été fait pour les argiles étudiées précédemment, nous pouvons rationaliser les observations effectuées sur les hydroxydes doubles lamellaires en proposant des mécanismes réactionnels rendant compte de leur réactivité sous rayonnement ionisant. Les anions présents dans les HDL vont ajouter un degré de complexité supplémentaire aux phénomènes décrits dans les montmorillonites et saponites. Ainsi, de manière à simplifier l’écriture, nous commencerons par les réactions ne faisant pas intervenir les différents anions, ce qui revient à décrire le système contenant des anions perchlorate puisque ces derniers sont connus pour être inertes sous rayonnement ionisants

De la même façon que dans le talc, la saponite et la montmorillonite, la première étape consiste en la production d’une paire électron/trou par interaction des rayonnements avec la structure des HDL selon la réaction suivante :

𝐻𝐷𝐿 𝑟𝑎𝑦𝑜𝑛𝑛𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑖𝑜𝑛𝑖𝑠𝑎𝑛𝑡𝑠 → 𝑒−+ ℎ+ Équation V-5

Par la suite, l’électron peut soit être piégé dans la structure de l’HDL, soit migrer jusqu’à la surface du feuillet où il peut réagir par attachement dissociatif avec les groupements hydroxyle de structure ou encore migrer dans l’espace interlamellaire où il sera solvaté par l’eau, éventuellement présente, selon les réactions suivantes :

𝑒− 𝐻𝐷𝐿→ 𝑒

𝑝𝑖é𝑔é Équation V-6

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𝑒− 𝑒𝑎𝑢 𝑑𝑒 𝑙→ 𝑒′𝑒𝑠𝑝𝑎𝑐𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑙𝑎𝑚𝑒𝑙𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒 −

𝑎𝑞 Équation V-8

Le trou peut, quant à lui, également migrer vers les groupements hydroxyle à la surface des feuillets et/ou dans l’espace interlamellaire pour réagir selon les réactions suivantes :

ℎ++ (𝑀𝑔, 𝐴𝑙)𝑂𝐻 → (𝑀𝑔, 𝐴𝑙)𝑂+ 𝐻+ Équation V-9 ℎ++ 𝐻

2𝑂 → 𝐻+ + 𝐻𝑂● Équation V-10

Enfin, les espèces ainsi formées peuvent réagir selon la combinaison de réactions précédemment décrites mais rappelée ici :

𝑒− 𝑎𝑞+ 𝑒−𝑎𝑞→ 𝐻2+ 2𝐻𝑂− Équation V-11 𝑒− 𝑎𝑞+ 𝐻+→ 𝐻●+ 𝐻2𝑂 Équation V-12 𝑒− 𝑎𝑞+ 𝐻● → 𝐻2+ 𝐻𝑂− Équation V-13 𝐻●+ 𝐻→ 𝐻 2 Équation V-14

Il est ensuite possible d’écrire les réactions attendues pour les anions, en reprenant les réactions décrites dans la littérature dans le cas des solutions aqueuses.38,96,254

Pour l’HDL au nitrate, il est clair que le nitrate joue très bien son rôle de capteur de l’électron puisque les rendements radiolytiques de production de dihydrogène restent remarquablement bas, quelle que soit l’humidité relative. Ainsi, par analogie avec les travaux réalisés en phase aqueuse, il est possible d’écrire les réactions suivantes :

𝑁𝑂3−+ 𝑒−

𝑎𝑞→ 𝑁𝑂32−● Équation V-15 𝑁𝑂32−●+ 𝐻2𝑂 → 𝑁𝑂2●+ 2𝐻𝑂− Équation V-16

L’identification de l’espèce radicalaire 𝑁𝑂32−● par spectroscopie RPE doit encore être approfondie, comme discuté plus haut.

En ce qui concerne les anions carbonate et chlorure, les réactions traditionnellement écrites dans la littérature en solution aqueuse sont les suivantes :

𝐶𝑂32−+ 𝐻𝑂● → 𝐶𝑂3●−+ 𝐻𝑂− Équation V-17

𝐶𝑂3●−+ 𝐻●→ 𝐶𝑂32−+ 𝐻+ Équation V-18 𝐶𝑙−+ 𝐻𝑂→ 𝐻𝑂𝐶𝑙●− Équation V-19

En solution aqueuse, la réaction V-17 a une constante de vitesse de 4,2 × 108 dm3.mol-1.s-1, alors que

la réaction V-18 a une constante de vitesse dix fois plus élevée, de 4,3 × 109 dm3.mol-1.s-1. La différence

entre les deux constantes de vitesse, et le fait que la concentration des anions carbonate est deux fois plus faible que celle des chlorure, permet de rationaliser le fait que les rendements de production de dihydrogène soient plus élevés dans le cas de l’échantillon au chlorure que dans celui au carbonate, en supposant que les mesures faites en solution soient transposables en milieu confiné. Cela étant, la

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différence entre les valeurs des rendements est telle qu’une hypothèse supplémentaire doit être envisagée. Ainsi, deux anions 𝐻𝑂𝐶𝑙●− pourraient réagir ensemble et former des ions hypochloreux et du dihydrogène (Equation V-20) :

2𝐻𝑂𝐶𝑙●−→ 𝐶𝑙𝑂+ 𝐻

2 Équation V-20

IV. Conclusion

Nous avons étudié ici le comportement sous rayonnement ionisant de quatre matériaux argileux synthétiques, des hydrotalcites de même composition foliaire mais présentant des anions compensateurs différents.

Nous nous sommes, dans un premier temps, intéressés à l’hydratation de ces systèmes de manière à être en mesure de comprendre la radiolyse de l’eau au sein de ceux-ci. Pour cela, des expériences de manométrie d’adsorption d’azote ont été effectuées pour caractériser la porosité de ces systèmes ainsi que leurs surfaces spécifiques. Il a notamment été possible de mettre en évidence l’importante mésoporosité et la faible microporosité, excepté pour l’échantillon au perchlorate, de ces systèmes. Des expériences de gravimétrie d’adsorption d’eau ont également été réalisées afin d’évaluer leur porosité à l’eau qui s’est révélée plus importante que celle à l’azote du fait de l’hydrophilie très importante des HDL. Il a d’ailleurs été possible de montrer que certains des échantillons subissent une sorte de recristallisation lorsqu’ils sont fortement hydratés puis déshydratés.

Des expériences de spectroscopie infrarouge à humidité relative contrôlée ont également permis de mieux comprendre l’évolution de l’environnement des anions au cours de l’hydratation. Ainsi, le mouvement de l’anion, qui est très proche des feuillets pour des échantillons secs, et qui s’en éloigne lors des trois premiers pourcents d’humidité relative, retrouvant ainsi un environnement plus isotrope, a pu être mis en évidence. Ces expériences nous ont également donné accès à l’organisation de l’eau dans ces systèmes par l’étude de la bande d’élongation O-H qui est particulièrement large, du fait notamment de toutes les interactions hydrogène avec les anions qui donnent des composantes à faibles nombres d’onde, correspondant à des liaisons hydrogène très fortes. De plus, les isothermes d’adsorption réalisées par cette méthode ont montré des différences notables aux plus hautes humidités relatives avec celles réalisées par gravimétrie, ce qui est probablement dû à des cinétiques de condensation capillaire très lentes.

Enfin, lors de l’étude sous irradiation des quatre HDL, nous avons vu que l'évolution du rendement radiolytique de dihydrogène ne dépendait que peu de l'humidité relative puisque, pour trois des quatre systèmes étudiés, il augmentait fortement de 0 à 3% d’humidité puis restait constant de 3 à 74% d’humidité relative. Cette évolution est due au fait que le contenu en eau dite surfacique et donc, en eau interlamellaire, est constant sur cette dernière gamme d’humidité relative. Le seul échantillon ne présentant pas cette évolution est l’HDL au nitrate dont les très faibles rendements augmentent légèrement et de manière continue avec l’humidité relative. La capacité des anions nitrate à capter l’électron inhibe la réactivité de l’eau interlamellaire, mais les rendements radiolytiques augmentent à cause de la radiolyse de l’eau interparticulaire.

La comparaison des systèmes au perchlorate et au carbonate montre que la réaction de capture des radicaux hydroxyle ne joue qu’un rôle secondaire, puisque le matériau lui-même doit certainement contenir des capteurs de ces radicaux. Les rendements obtenus dans ces deux cas sont donc très

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semblables. La situation est totalement différente pour les systèmes contenant des anions chlorure, puisque les rendements de production de dihydrogène sont alors nettement plus importants que dans l’eau, et même que dans les montmorillonites et saponites. En effet, nous supposons que les anions 𝐻𝑂𝐶𝑙●− formés peuvent se recombiner afin de produire des ions hypochloreux ainsi que du dihydrogène.

Enfin, le confinement de l’eau dans ces systèmes n’est pas l’effet dominant, comme cela était le cas avec les argiles gonflantes synthétiques étudiées jusqu’à présent. C’est le choix de l’anion qui permet de contrôler la valeur du rendement de production de dihydrogène. Ces conclusions ouvrent donc la porte à un choix rationalisé des HDL comme piège de radioéléments, si l’on souhaite limiter la production de gaz dans ces matériaux irradiés.

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