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Mécanismes physiques d’endommagement et de rupture par fatigue

I.3 Durée de vie en fatigue

I.3.3 Mécanismes physiques d’endommagement et de rupture par fatigue

Il est nécessaire de décrire les principaux mécanismes explicatifs du phénomène de fatigue, avant d’examiner les critères de ce phénomène.

On admet en général, que la durée de vie d’un matériau, en fatigue, se déroule en trois phases : amorçage de fissures, propagation stade I, propagation stade II (Bathias & Baïlon, 1997), (Suresh, 2001).

Phase d’amorçage : la notion d’amorçage dépend de l’échelle d’observation et de description considérée. Nous considérons ici l’échelle d’un Volume Elémentaire Représentatif (VER), constitué d’un agrégat polycristallin. Chaque grain isolé du VER se comporte comme un monocristal, sous sollicitation cyclique.

Le facteur prépondérant au cours de la phase d’amorçage est la contrainte de cisaillement. La figure I-30 présente le comportement d’un monocristal de cuivre en fonction de l’amplitude de cisaillement appliquée. Trois domaines A, B, C caractérisent ce comportement. Dans les domaines A et C, la contrainte de cisaillement augmente avec la déformation plastique. Dans le domaine A, caractérisé par de faibles niveaux de déformation plastique, la microstructure est constituée de veines, alors que dans le domaine C, des déformations plastiques élevées, la microstructure est constituée de cellules.

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Le domaine B correspond à une phase de saturation avec la présence d’un plateau où la contrainte ne dépend plus de la déformation. La phase de saturation (domaine B), correspond à l’apparition des lignes de glissement persistantes en surface du grain et à la création de bandes de glissement persistantes (BGP) dans le grain. La présence du plateau est due à la localisation de la déformation plastique dans les BGP (Mughrabi, 1978). La déformation plastique localisée dans les BGP est, en général, supérieure à la déformation cyclique globale du grain. D’après (Laird, 1976), on peut relier la limite de fatigue à l’apparition des BGP dans les cristaux purs.

En première approximation, les premiers glissements se font dans le plan d’amplitude de cisaillement maximal. Dans un essai de traction pure, ce plan fait un angle de 45° par rapport à la direction de traction.

La figure I-31 représente le profil de surface d’un grain d’acier inoxydable 316L, soumis à une amplitude de déformation plastique. Au cours du cyclage, des défauts et des cavités sont créés par le glissement ou l’annihilation des dislocations, le comportement cyclique du grain devient irréversible ; les lignes de glissement provoquent la rugosité en surface du grain par le mécanisme d’intrusion/extrusion.

Des mesures effectuées dans la zone délimitée par le rectangle de la figure I-31 après 20000 cycles donnent une vitesse d’accroissement de la hauteur des extrusions de 0,025 nm/cycle environ (Figure I-32 b).

Figure I-31 : Profil de surface d’un grain d’acier inoxydable 316L, soumis à une amplitude de déformation plastique de 2.10-3 (Man, Obrtlík, & Polák, 2003 )

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Man et ses co-auteurs ont montré que dans l’acier 316L sollicité à une amplitude de déformation plastique contrôlée de 10-3, le relief de la surface passe de la forme de marches à la forme de "colline", après 50 cycles environ (Man, Obrtlík, & Blochwitz, 2002), (Man, Obrtlík, & Polák, 2003 ).

Ce constat est cohérent avec les travaux de (Polák, Obrtlík, & Hajek, 1994) au sujet des boucles d’hystérésis. L’aire minimale des boucles d’hystérésis, dans l’acier 316L sollicité à une amplitude de déformation plastique contrôlée de 10-3, est enregistrée à 50 cycles environ. La relation entre l’aire minimale des boucles d’hystérésis et la forme du relief en surface serait liée au passage du durcissement à l’adoucissement du matériau.

Figure I-32 : Evolution de la hauteur d’une extrusion de la zone délimitée par le rectangle de la figure I-31 en fonction du nombre de cycles (Man, Obrtlík, & Polák, 2003 )

A partir de la description du comportement en fatigue du monocristal que nous venons de présenter, l’analyse suivante peut être faite pour le VER constitué par un polycristal.

Dans le cas du polycristal, chaque grain est entouré par d’autres cristaux. Un ou plusieurs systèmes de glissement peuvent être activés. Le nombre de grains concernés par les BGP évolue en fonction du chargement appliqué et peut conduire à un état de plasticité généralisée à l’ensemble du polycristal. De nombreux défauts et lacunes sont par conséquent créés dans le polycristal.

59 Phase de propagation en stade I : les défauts créés au cours de la phase d’amorçage, sous l’effet de la contrainte de cisaillement, coalescent sous l’effet de la contrainte normale, puis ils initient ensuite une fissure qui se propage dans le plan d’amplitude de cisaillement maximum. En général la fissure devient macroscopique lorsqu’elle atteint une longueur de 2 ou 3 tailles de grain.

La propagation en stade II : peut s’interpréter de façon macroscopique. La fissure ouverte par la contrainte normale devient suffisamment grande pour que la propagation soit décrite par des grandeurs macroscopiques.

La rupture brutale se produit lorsque le taux d’endommagement devient important, c'est-à-dire que la section effective est trop faible pour supporter les sollicitations appliquées. La rupture peut se faire suivant trois modes:

• Mode 1 : ouverture de la fissure. Les déplacements des lèvres de la fissure sont perpendiculaires à la direction de la propagation. C’est le mode le plus dangereux (figure I-33 a)

• Mode 2 : cisaillement dans le plan de propagation de fissure. Les déplacements aux lèvres de la fissure sont parallèles à la direction de la propagation. (figure I-33 b)

• Mode 3 : cisaillement hors plan. Les déplacements aux lèvres de la fissure sont parallèles au fond de fissure. (figure I-33 c)

Figure I-33 : trois modes de fissuration : ouverture de fissure, cisaillement plan, cisaillement hors plan (Lemaitre & Chaboche, 2004)

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En somme on peut retenir qu’au cours de la fatigue polycyclique le glissement est localisé dans les BGP provoquant des phénomènes d’intrusion/extrusion, et que le comportement macroscopique du VER, sous de faibles charges, peut demeurer élastique. En revanche, au cours de la fatigue oligocyclique, sous charge élevée, le comportement macroscopique du VER devient plastique. Ces deux constats ont servi de base à l’élaboration de "critères " de fatigue par de nombreux auteurs.