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CHAPITRE II : THERMOCHIMIE DE LA GAZEIFICATION

II.2 L E CHARBON DE BOIS

II.2.2. a Mécanismes mis en jeu

Le chauffage à une température modérée et sous une atmosphère inerte d'un solide carboné (comme le bois) provoque différents phénomènes qui apparaissent pendant la montée en température. L'évolution typique de la masse d'un échantillon lors d'une pyrolyse lente réalisée en thermogravimétrie (Figure II-5) permet de visualiser et de découpler ces différents phénomènes. Nous pouvons distinguer plusieurs phases en fonction du niveau de température dans le réacteur, dont l'identification a été faite par Kifani-Sahban et al. [57] :

− T < 200°C : phase de séchage du bois, au cours de laquelle l'humidité résiduelle est évacuée ;

Etude bibliographique 57

− 350 < T<400°C : dégradation des hémicelluloses (composés les plus instables thermiquement) ; le changement de pente de la courbe traduit un changement de cinétique chimique ;

− 400 < T<450°C : dégradation des celluloses ;

− T > 450°C : dégradation de la lignine ; sa cinétique de dégradation est plus lente que celle des autres composés ;

− T~600°C : fin de la dégradation. 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1 0 100 200 300 400 500 température (°C) m/m 0 changement de pente séchage dégradation des hémicelluloses dégradation de la cellulose dégradation de la lignine

Figure II-5 : Evolution de la masse normalisée d'un échantillon d'Eucalyptus en fonction de la température pendant sa pyrolyse à pression atmosphérique avec une vitesse de chauffe

de 5 K.min-1

Les mécanismes mis en jeu lors de la pyrolyse de biomasse sont multiples et complexes. Par conséquent, la modélisation de la pyrolyse fait souvent appel à des schémas réactionnels simplifiés.

Selon le schéma réactionnel proposé par Miller et Bellan [73] (Figure II-6), le bois est dégradé selon trois réactions primaires compétitives (1-3). Elles produisent : des gaz

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incondensables, des vapeurs condensables et du char (plus communément appelé charbon de

bois), résidu solide essentiellement constitué de carbone. L'ensemble des gaz et vapeurs

constitue les matières volatiles dégagées pendant la pyrolyse. La fraction liquide obtenue après condensation des vapeurs est composée d'une phase aqueuse, le jus pyroligneux, et d'une phase lourde, les goudrons. Les goudrons peuvent subir des réactions secondaires (4-5) pour re-former des gaz ou du char.

Bois Vapeurs Gaz Char 1 3 2 5 4 Bois Vapeurs Gaz Char 1 3 2 5 4

Figure II-6 : Schéma réactionnel de la pyrolyse du bois [73]

La répartition des gaz, vapeurs et char obtenus lors de la pyrolyse du bois ainsi que la composition de ces sous-produits dépendent fortement des paramètres opératoires tels que la température, la granulométrie et la vitesse de chauffe.

II.2.2.b Pyrolyse lente et pyrolyse flash

La vitesse de montée en température, grandeur très influente, est couramment utilisée pour classifier les deux grands types de pyrolyse :

− La pyrolyse classique ou lente : la vitesse de chauffe est de l'ordre de quelques 10 K.min-1. Le rendement en char, proche de 30%, est d'autant plus élevé que la vitesse de chauffe est lente. C'est le procédé utilisé depuis toujours pour fabriquer du charbon de bois dans différents types de réacteurs.

− La pyrolyse rapide ou flash : la vitesse de chauffe, supérieure à 1000 K.s-1

, favorise la production de liquides. Leur valorisation peut se faire chimiquement ou

Etude bibliographique 59

thermiquement. Les technologies les plus utilisées sont le lit fluidisé et le réacteur ablatif. La pyrolyse ablative consiste à imposer un contact entre la biomasse et une surface chaude en déplacement relatif. Les travaux de Lédé et al. [63] ont été les précurseurs dans le domaine. Les performances des réacteurs et la nature des produits obtenus ont été précisés dans d'autres travaux [14,62].

Il est clairement établi aujourd'hui que la vitesse de chauffe pendant la pyrolyse a un impact significatif sur la quantité et la composition chimique des chars produits et des matières volatiles dégagées.

ƒ Influence de la vitesse de chauffe sur les matières volatiles dégagées

Différents auteurs [19,36,99,118] ont mis en évidence que la quantité de matières volatiles dégagées augmentait avec la vitesse de chauffe pendant la pyrolyse. D'autre part, les matières volatiles dégagées pour des vitesses de chauffe élevées sont majoritairement des composés lourds, avec un rapport C/H important. En effet, une vitesse de chauffe élevée entraîne une formation rapide des matières volatiles, et donc une augmentation rapide de la pression à l'intérieur de la particule et une expulsion brutale des gaz produits.

Au contraire, une faible vitesse de chauffe laisse un temps de séjour plus important aux matières volatiles dans la particule, qui ont ainsi la possibilité de se repolymériser au contact même du char [61]. Ces réactions secondaires génèrent des composés plus légers, avec un rapport C/H moins important. Le char qui se "reforme" à la surface de la particule est parfois appelé carbone pyrolytique. Il est à noter qu'une augmentation de la pression au cours de la pyrolyse a les mêmes conséquences. En effet, la pression extérieure, qui empêche l'expulsion brutale des matières volatiles formées, augmente leur temps de séjour au sein de la particule de la même manière qu'une diminution de la vitesse de chauffe.

ƒ Influence de la vitesse de chauffe sur le char formé

La conséquence directe d'une augmentation de la vitesse de chauffe pendant la pyrolyse est une diminution du rendement en char (de l'ordre de 30% en pyrolyse lente et de 10% en pyrolyse rapide). En effet, une fraction massique importante du bois est transformée en matières volatiles.

D'autre part, le char obtenu est plus poreux lorsque la pyrolyse a eu lieu à une vitesse de chauffe élevée. L'expulsion brutale des matières volatiles crée de grandes cavités à l'intérieur de la structure poreuse. Différents auteurs [1,18,36,61,89,105] ont mis en évidence des

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différences de morphologie et de surface spécifique entre des chars préparés à différentes vitesses de chauffe. Cetin et al. [18] ont notamment observé qu'un char préparé avec une vitesse de chauffe élevée présentait des pores de plus gros diamètre qu'un char préparé à une vitesse de chauffe faible.

II.3 La gazéification de charbon de bois à la vapeur d'eau

D'un point de vue purement chimique, la gazéification est la transformation d'un combustible solide (bois, char, coke) en un gaz sous l'action d'un réactif oxydant qui peut être la vapeur d'eau, le dioxyde de carbone ou même l'oxygène (combustion).

Dans un procédé de gazéification, de nombreuses réactions sont en compétition. Parmi elles, on compte quatre réactions hétérogènes principales :

2 2

C+H O⎯⎯→CO+H Gazéification à la vapeur d'eau (1)

2 2

C+CO ⎯⎯→ CO Gazéification au dioxyde de carbone (2)

(relation d'équilibre de Boudouard)

2 4

2

C+ H ⎯⎯→CH Méthanation (3)

2 2/

C+O ⎯⎯→CO CO Combustion (6)

et deux réactions homogènes secondaires entre les produits des réactions de gazéification :

1

2 2 2 2

CO+H O←⎯⎯⎯CO +H Réaction du gaz à l'eau (4)

("water-gas shift reaction")

1

4 2 2 3 2

CH +H O←⎯⎯⎯CO+ H Reformage (5)

Parmi ces réactions, la réaction de gazéification à la vapeur d'eau est la réaction prépondérante pour la production du gaz combustible et mérite une attention particulière.

Bien que la réaction de combustion du char (6) soit de loin la réaction la plus rapide (environ 50 fois plus rapide que la réaction de gazéification à la vapeur d'eau (1)), elle n'est pas la réaction principale en terme de conversion du char. En effet, dans les procédés classiques, l'oxygène représente moins de 5% de l'atmosphère de réaction.

Etude bibliographique 61

La réaction de gazéification du charbon de bois au dioxyde de carbone (2), plus largement étudiée [18,24,58,61,89,92,96,104], a une cinétique 2 à 5 fois plus lente que la réaction de gazéification à la vapeur d'eau [44,87,104,106].

Quant à la réaction de méthanation (3), elle n'est significative qu'à pression élevée et est quasiment inexistante à pression atmosphérique [50,66,115].

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