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Chapitre II. Les facteurs clefs responsables du phénotype des cellules ES 25 

G.  Autres mécanismes importants dans la pluripotence des cellules ES 55 

1. Rôle des micro ARN dans la pluripotence des cellules ES 

Des études publiées en 2003 et 2004, ont montré l'expression spécifique de certains micro ARN (miRNA) dans les cellules souches embryonnaires (Houbaviy et al., 2003). L’invalidation de Dicer chez la souris, une protéine nécessaire à la maturation des ARN, est  létale aux stades précoces du développement (neurula) et il n'est pas possible d'obtenir des cellules ES, ce qui suggère un rôle majeur de la machinerie d'ARN interférence pour la survie des cellules ES (Bernstein et al., 2003). Les premiers exemples de miRNA importants dans le maintien de la pluripotence des cellules ES humaines et murins ont été les gènes makorin (antisens de RAF1) et TSIX (antisens de XIST) (Rao, 2004). La dérégulation de ces gènes exprimés aux stages très précoces du développement, altère celui-ci. Afin de mieux comprendre le rôle des miRNA dans les cellules ES, Marson et al. ont proposé d'intégrer certains miRNA importants pour la pluripotence, dans la carte des réseaux de régulations des cellules ES, et ceci à l'échelle du génome entier (Marson et al., 2008b). Cette cartographie des sites de liaisons a été générée par immunoprécipitation de chromatine couplée au séquençage massif (ChIP-seq) de certains facteurs de transcription-clefs tels que Oct4, Sox2, Nanog et Tcf3. Ces données ont montré que les facteurs de transcriptions étudiés occupaient un grand nombre de promoteurs de miRNA. En confrontant ces données avec les données transcriptomiques disponibles sur les cellules ES, les précurseurs neuronaux et les MEFs, Marson et al., ont pu montrer que les miRNA dont le promoteur était lié par Oct4/Sox2/Nanog et Tcf3 étaient 100 fois plus abondants que dans les MEFs et 1000

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fois plus abondants que dans les précurseurs neuronaux (Marson et al., 2008b). Cependant, un quart des miRNA liés par les facteurs de transcription sont peu ou pas exprimés en cellules ES. Les promoteurs de ces miRNA sont enrichis en marque d'histone H3K27me3, et la présence de la protéine Suz12 a permis de confirmer la présence des marques répressives. Dans la plupart des cas, ces miRNA sont exprimés spécifiquement dans les MEFs et/ou les précurseurs neuronaux. La présence des protéines polycomb sur les miRNA permettrait une levée rapide de l'inhibition de leur transcription, puis la production rapide de miRNA conduisant à une rapide différenciation grâce à la dégradation des inhibiteurs de différenciation. Les miRNA contribuent ainsi à l'identité des cellules ES par différentes voies: 1) pour ajuster de façon très fine l'expression de certains gènes comme Lefty1 et Lefty2 impliquées dans les réseaux qui contrôlent la pluripotence (Nakatake et al., 2006) ainsi que des de novo DNA méthytransférase (Dnmt3a et Dnmt3b) nécessaires pour la différenciation (Sinkkonen et al., 2008),

2) à maintenir les cellules dans l'état pluripotent qui est un perpétuel équilibre pouvant aisément basculer dans une voie de différenciation.

Cette dernière capacité est particulièrement bien illustrée par l'exemple des cellules où la protéine Dicer est réduite par ARN interférence où les cellules qui sont incapables de se différencier même en conditions adéquates. Sinkkonen et al. ont montré que les défauts de différenciation étaient liés à une méthylation impropre du promoteur d'Oct4, due à l'absence des produits du cluster miR-290 nécessaire à l'expression de de novo DNA méthyltransférases. De même, certains miRNA surexprimés au cours de la différenciation induite par l'acide rétinoïque inhibent l'expression de Sox2, Oct4 et Nanog (Tay et al., 2008). Les miRNA sont aussi impliqués dans la régulation du cycle cellulaire et dans la reprogrammation des iPS (Mallanna and Rizzino, 2010).

2. La méthylation de l'ADN est un lien entre épigénétique 

et pluripotence 

De nombreux travaux ont montré que la méthylation de l'ADN dans les cellules de mammifères joue de multiples rôles dans la stabilité du génome, la répression de certains éléments rétroviraux et transposons, l'empreinte génétique, et la régulation de l'expression des gènes au cours du développement. La régulation dynamique de la méthylation de l'ADN se fait grâce aux de novo méthyltransférases (Dnmt3a et 3b), la conservation de la méthylation se faisant par l'enzyme Dnmt1. Alors que les cellules ES déficientes pour la méthylation de l'ADN peuvent survivre à un stade indifférencié (Meissner et al., 2005), ce

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mécanisme est nécessaire pour la survie des cellules ES au cours de la différenciation. Dans les cellules ES murines, chaque Dnmt joue un rôle spécifique dans l'établissement et/ou la maintenance de la méthylation de l'ADN. Fouse et al. rapportent en 2008 une étude sur la méthylation des promoteurs des gènes dans les cellules ES murines (Fouse et al., 2008). Ils ont isolé les fragments d'ADN méthylés par immunoprecipitation à l'aide d'anticorps dirigés contre les cytosines méthylées ou des colonnes de purification contenant des domaines se liant à l'ADN (issus de la protéine MeCP2) puis identifié les fragments par hybridation sur puce (mDIP-Chip). Dans les cellules ES de souris, les auteurs ont observé que les régions CpG (riches en nucléotides C et G) avaient tendance à ne pas être méthylées, et inversement, que les régions méthylées sont pauvres en CpG. Environ 6000 gènes dont les promoteurs sont méthylés ont été identifiés. Une analyse de la fonction de ces gènes a montré qu'ils sont globalement impliqués dans des mécanismes post-différenciation alors que les 5000 gènes dont le promoteur n'était pas méthylé regroupaient plutôt des gènes essentiels aux cellules ES tels que Oct4, Sox2, Nanog et Stat3.

Les auteurs ont ensuite montré que 87% des promoteurs qui ne possédaient pas les marques épigénétiques H3K4 et H3K27 étaient méthylés et non exprimés en cellules ES. Leurs résultats en ce qui concerne les gènes porteurs des marques H3K4me3 et/ou K27me3 permettent de conclure que la méthylation de l'ADN n'est pas généralement associée à une marque épigénétique spécifique mais consisterait elle-même une marque épigénétique à part entière (plutôt répressive). Venant renforcer cette hypothèse, les auteurs n'ont pas trouvé de corrélation entre la présence des facteurs de transcription Oct4/Nanog ou les protéines PcG et la présence d'ADN méthylé. Dans les cellules ES délétées en Dnmt, les gènes les plus surexprimés sont des gènes spécifiques de la lignée germinale qui sont préférentiellement localisés sur le chromosome X. De plus dans le contexte sauvage, ces promoteurs de gènes ne possèdent souvent pas de marques épigénétiques H3K4me3 et/ou K27me3 ni de site de liaison pour un facteur de transcription important dans la pluripotence. Toutes ces données convergent pour définir la méthylation de l'ADN comme un mécanisme de régulation participant à la pluripotence des cellules ES, indépendant des réseaux déjà connus.

Meissner et al. ont montré quelques mois plus tard que le séquençage de l'ADN méthylé est possible grâce à la méthode de séquençage haut débit de l'ADN génomique traité au bisulfite (Meissner et al., 2008). Si la plupart de leurs résultats confirment les hypothèses de Fouse, leurs données permettent de montrer que la méthylation est plus précisément guidée par les marques épigénétiques que par la séquence d'ADN intrinsèque.

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En effet les séquences qui possèdent la marque H3K4me3 et qui ne sont pas enrichies en marque H3K9me2/3 sont de façon très prédictibles des régions non méthylées.

Très récemment, Thomson et al. ont montré que la protéine Cfp1 s'associe aux régions denses en di-nucléotides CpG et non méthylées, dans le cerveau de souris adulte. Cfp1 est capable d'induire la déposition de certaines marques épigénétiques (via vraisemblablement le recrutement des protéines PcG, comme l'avait auparavant suggéré Meissner (Meissner et al., 2008; Thomson et al., 2010).

Enfin, la régulation et la dynamique de la méthylation de l'ADN est non seulement importante pour le phénotype des cellules ES, mais est aussi un mécanisme dérégulés dans de nombreux cancers (Gu et al., 2010).

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