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AGPI n-3 et système immunitaire : mécanismes impliqués dans leurs effets immunomodulateurs

3.5 Les eicosanoïdes

3.5.4 Mécanismes immunosupresseurs des AGPI n-3

Il apparaît clairement que les AGPI n-3 exercent des effets immunosppresseurs et anti-inflammatoires. Cependant, les mécanismes d’action de ces molécules ne sont encore clairement élucidés. Par ailleurs, il est communément admis que la principale cible des AGPI est la membrane plasmique où ils s’incorporent dans les phospholipides, changeant ainsi la composition lipidique membranaire. Une fois incorporés, les AGPI pourraient agir directement ou indirectement sur le fonctionnement cellulaire. En effet, plusieurs hypothèses, concernant les mécanismes d’action par lesquels les AGPI n-3 exercent leurs effets immunomodulateurs, ont été proposés :

- augmentation de la fluidité membranaire ce qui favorise l’interaction des protéines membranaires et régule la transduction du signal ;

- diminution du taux d’acide arachidonique dans les phospholipides membranaires et de la production des eicosanoïdes de la famille n-6 (principalement issus de l’acide arachidonique) connue comme étant pro-inflammatoires ;

- augmentation des eicosanoïdes de la famille n-3 ;

- altération du statut oxydant puisque les AGPI sont sensibles à la péroxydation et la génération de radicaux libres ;

- modulation des voies de signalisation intracellulaire qui jouent un rôle clé dans l’activation cellulaire

- modulation de l’expression des gènes impliqués dans la production des cytokines.

Nous parlerons sommairement, dans cette partie, du mécanisme par lequel les AGPI exercent leurs effets immunosupresseurs sur le système immunitaire, sans entrer dans les détails des mécanismes de signalisation intracellulaire. En effet, ces acides gras commencent à être utilisés dans des essais cliniques comme adjuvants aux traitements anti-inflammatoires ou anti-rejet de greffe (Maachi et coll., 1995 ; Fortin et coll., 1995). Les mécanismes moléculaires qui sous-tendent cet effet sont encore mal compris. Plusieurs étapes de la cascade de signalisation conduisant à la reconnaissance de l’antigène par son récepteur TCR à la réponse proliférative pourraient être affectées par les acides gras poly-insaturés. Une des étapes précoces de l’activation mitogénique est la mobilisation du calcium intracellulaire. Dans le lymphocyte T, ce processus est biphasique. L’interaction antigène/TCR induit tout d’abord la libération du calcium stocké dans le réticulum endoplasmique et son efflux vers le milieu extracellulaire. Ce mouvement calcique active, en retour, des canaux calciques CRAC (Ca2+ released-activated Ca2+) qui permettent l’entrée du calcium extracellulaire et la reconstitution des stocks intracellulaires. Plusieurs groupes ont montré que les acides gras poly-insaturés, et en particulier les acides gras n-3, stimulent la libération du calcium stocké dans le réticulum endoplasmique, ce qui conduit à un épuisement des stocks intracellulaires (Chow et Jondan, 1990, Boni et Khan, 2000). En revanche, les résultats de la littérature concernant l’effet des acides gras sur l’influx de calcium sont contradictoires. Différents auteurs ont décrit une inhibition de la hausse de calcium induite par les mitogènes lorsque les lymphocytes sont incubés en présence d’acides gras poly-insaturés (Richieri et coll., 1990 ; Chow et coll., 1990 Breittmayeur et coll., 1993). Selon ces derniers auteurs, les acides gras stimuleraient l’expulsion du calcium vers le milieu extracellulaire en activant une Ca2+ ATP-ase. Par contre, les résultats de Bonin et Khan (2000) montrent que les n-3 facilitent l’ouverture des canaux CRAC et, part conséquent, l’entrée de calcium dans le lymphocyte. Chez les rats spontanément hypertendus (SHR) soumis à un régime supplémenté en acide gras n-3, le relargage du calcium induit par la thapsigargin dans les lymphocytes T est nettement diminué par rapport à ce qui est observé chez des rats SHR nourris avec un régime standard (Triboulot et coll., 2001). L’ensemble de ces résultats suggère que les acides gras n-3 sont capables de moduler la signalisation calcique du lymphocyte T.

3.5.4.1Modulation de la signalisation lipidique par les AGPI

Les phospholipides membranaires sont fortement impliqués dans les mécanismes de transduction des signaux perçus à l’extérieur de la cellule.

3.5.4.1.1Les phospholipases

Après leur estérification en position sn-2 par les acides gras polyinsaturés apportés par l’alimentation, les phospholipides membranaires peuvent être impliqués dans les mécanismes de la transduction des signaux perçus par les cellules. Une fois incorporés dans les phospholipides membranaires, ils peuvent être hydrolysés par l’action de diverses phospholipases. Ils sont des enzymes qui hydrolysent les liaisons esters des phospholipides. Il existe plusieurs liaisons esters dans un phospholipide :

• entre chacun des acides gras et le glycérol

• entre le glycérol et le phosphate

• entre le phosphate et l'alcool (choline, éthanolamine, sérine, glycérol, inositol, ...)

Les phospholipases A1 (PLA1) conduisent à la libération de l’acide gras présent en position sn-1 du glycérol et la formation de lysophospholipide. Les phospholipases A2 (PLA2) conduisent à la libération de l’acide gras en position sn-2 du glycérol et la formation de lysophospholipide. Les phospholipases C (PLC) hydrolysent les phospholipides contenant un inositol en particulier le phosphatidylinositol-4,5 bisphosphate (PIP2) libérant ainsi deux seconds messagers qui sont les diacylglycérols (DAG) et l’inositol-1,4,5-triphosphate (IP3). Les phospholipases D (PLD) hydrolysent l'alcool de la fonction acide du phosphate, libérant ainsi un acide phosphatidique et un alcool (Fig 17). Selon l’action de chaque phospholipase, ils pourront influencer les voies de signalisation soit sous forme d’acides gras libres par l’intermédiaire de l’action de la PLA2, soit sous forme de DAG et d’IP3 via l’action de la PLC et PLD.

Figure 17 : Les différents sites d’action des phospholipases sur les phospholipides membranaires. D’après (Colley et coll., 1997 ; Kodaki et

Yamashita, 1997 & Lopez et coll., 1998).

A- La phospholipase D

Selon leur sensibilité au PIP2, on distingue deux grandes familles de PLD chez les mammifères. Certaines PLD ont besoin de la présence de PIP2 pour être actives alors que d’autres fonctionnent en l’absence de ce lipide. On distingue donc les PLD PIP2-sensibles et les PLD PIP2-insensibles. Dans le groupe des PLD PIP2-sensibles on cite deux classes :

• La PLD1, dont l’activation se fait grâce à des petites protéines G de la famille ARF (Factor d’ADP-ribosylation) et Rho, et par les protéines kinases C (PKC) (Hammond et coll., 1995).

La PLD2 qui possède une activité basale forte in vitro, mais qui est peu ou pas stimulée par les proteines activatrices de la PLD1 (Colley et coll., 1997 ; Kodaki et Yamashita, 1997 & Lopez et coll., 1998).

Quant aux PLD PIP2-insensibles ils ne sont pas activables par les protéines impliquées dans la stimulation des PLD1 et PLD2. Cependant les acides gras, comme l’acide oléique, les activent (Frohman et coll., 1999). Elles sont appelées PLD-oléate-dépendantes. Ces PLD ne sont pas toutes exprimées dans une seule cellule ; dans certaines cellules comme les cellules T on trouve les PLD2 et la PLD-oléate – dépendante (Kasai et coll., 1998). Dans les TRCs, aucune étude n’a révélé encore l’expression des PLD. Des études ont mis en évidence que la PLD2 est exprimée majoritairement au niveau de la membrane plasmique alors que la PLD1 est localisée au niveau des endosomes et des lysosomes (McDermott et coll., 2004). De plus,

cavéoles, qui sont des domaines spécialisés au niveau de la membrane plasmique riche en cholestérol et en sphingolipides, appelés lipid rafts ou radeaux lipidiques (McMermott et coll., 2004). Des études très récentes ont montré que l’incorporation de l’acide docosahexaenoïque (DHA), dans les phospholipides membranaires des monocytes, était capable d’activer la PLD par un mécanisme protéine kinase C (PKC) dépendant qui implique l’activation de l’ARF (Diaz et coll., 2002). Il semblerait que l’activation de la PLD dans les lymphocytes T soit associée à des signaux antiprolifératifs et à l’apoptose (Kasai et coll., 1998 ; Diaz et coll., 2005).