• Aucun résultat trouvé

Les mécanismes et fonctions cognitives impliqués dans le modèle de

Chapitre 1 : Introduction générale

3. Compréhension du discours

3.2. Les mécanismes et fonctions cognitives impliqués dans le modèle de

Le modèle de construction-intégration de Kintsch distingue deux processus principaux. D’abord, un processus de construction lors duquel le réseau de propositions de la base du texte est construit à partir du texte de surface (composantes linguistiques) et des connaissances du lecteur. Puis, un processus d’intégration où ce réseau construit est intégré aux réseaux construits précédents afin de former un tout cohérent (Kintsch, 1988). Cette façon de construire et intégrer permet l’activation de propositions provenant du texte, du contexte lexical ou sémantique, des connaissances générales du lecteur et d’inférences (Chesneau, 2007). Il en résulte un modèle de situation, soit une représentation du texte intégrée à d’autres connaissances du lecteur (Kintsch, 1988). La compréhension du discours se déroule par cycle et dépend de plusieurs fonctions cognitives, principalement de différents types de mémoire et des capacités d’inhibition (Chesneau et al., 2007a, Radvansky, 1999b).

En effet, les propositions sémantiques élaborées à partir de l’information contenue dans la surface du texte entrent d’abord dans une mémoire à court terme où elles sont réordonnées puis intégrées dans le réseau de propositions de

48

la base du texte qui se construit au fur et à mesure de la lecture (Kintsch, 1988, Chesneau et al., 2007a). Comme mentionné plus tôt, les propositions sont reliées entre elles par des arguments communs assurant la cohérence locale du réseau (Kintsch, 1988, Chesneau, 2007). La mémoire de travail permet les différents traitements nécessaires au maintien et à l’élaboration du réseau de propositions ainsi qu’à l’extraction des macropropositions permettant la cohérence globale du réseau (Radvansky et Copeland, 2004, Chesneau et al., 2007a). Ce réseau est mis à jour à chaque cycle de compréhension, soit avec l’arrivée de nouvelles propositions (Kintsch, 1988).

Le réseau est d’abord construit de manière incohérente, plusieurs éléments associés au texte y sont inclus, même s’ils sont, en fin de compte, inappropriés (Kintsch, 1988). Les processus d’intégration permettent alors d’exclure ces éléments indésirables de la représentation du discours. Lors de l’intégration du réseau propositionnel, les propositions non pertinentes ou non cohérentes avec le réseau (ayant peu de liens avec les autres propositions) sont désactivées (Kintsch, 1988). Les connaissances de l’individu vont également interagir avec le réseau afin de guider l’élagage des propositions superflues et ainsi ultimement contribuer à la compréhension. En effet, lors de la lecture, deux interprétations lexicales différentes d’une même proposition peuvent être activées. Les entrées subséquentes dans le réseau vont alors permettre d’activer davantage la bonne interprétation et inhiber la moins pertinente, menant à son élimination (Kintsch, 1988). Par exemple, lors de la lecture de la phrase : « La

49

pêche est bonne. », autant l’interprétation lexicale FRUIT que l’interprétation lexicale ACTION DE PÊCHER pourraient être associées à l’argument PÊCHE. Puis, lors de la lecture de la seconde phrase : « Elle est très juteuse. », l’interprétation lexicale FRUIT sera davantage activée, tandis que l’interprétation lexicale ACTION DE PÊCHER sera inhibée. Ainsi, la connexion entre PÊCHE et FRUIT sera solidifiée et la connexion entre PÊCHE et ACTION DE PÊCHE sera fragilisée.

Au cours de sa lecture, le lecteur pourrait devoir récupérer ou manipuler des informations provenant du texte, mais déjà emmagasinés en mémoire à long terme. Le lecteur doit alors recourir à une mémoire de travail à long terme tel que postulé par Ericsson et Kintsch (Ericsson et Kintsch, 1995, Chesneau et al., 2007a). L’existence de ce type de mémoire de travail se justifierait par le fait qu’une interruption de lecture, pouvant aller de 30 secondes à plusieurs heures, n’empêche pas la compréhension du texte (Ericsson et Kintsch, 1995, Chesneau, 2007). L’implication de ce type de mémoire pourrait également expliquer le maintien de la cohérence globale de l’ensemble du discours (Chesneau et al., 2007a).

Lorsqu’un réseau de propositions est entièrement traité, il forme un modèle de situation final, ou provisoire, qui est emmagasiné dans une mémoire épisodique de texte afin de pouvoir le retrouver ultérieurement (Chesneau et al., 2007a). Lors de la récupération d’un tel modèle de situation, le lecteur doit

50

inhiber/désactiver les autres modèles de situation qui sont apparentés au modèle nécessaire à l’interprétation en cours, mais non pertinents (Radvansky, 1999b).

Contrairement à l’élaboration de la base de texte, la mémoire de travail ne semble pas jouer un grand rôle dans le traitement du modèle de situation (Radvansky et Dijkstra, 2007). En effet, les études sur le sujet n’ont montré aucune corrélation entre la mémoire de travail et a) les capacités de mise à jour du modèle de situation, notamment suite à un changement spatial (Radvansky et Copeland, 2001); b) la capacité de rappel des évènements décrits (Radvansky et Copeland, 2004); c) la détection des inconsistances dans le modèle de situation (Radvansky et Copeland, 2004) et d) la capacité d’intégration de nouvelles informations dans le modèle de situation (Radvansky et Copeland, 2006). Il faut cependant noter que ces études utilisent des empans de mémoire afin de mesurer la mémoire de travail, ce qui veut dire qu’il n’y a pas de corrélation entre les capacités de traitement du modèle de situation et les résultats à ces tests. Ces études n’excluent donc pas totalement un possible rôle de la mémoire de travail dans le traitement du modèle de situation.

La mémoire sémantique aurait un rôle plus assumé dans le traitement du modèle de situation (Radvansky et Dijkstra, 2007). En effet, la mémoire sémantique est responsable, entre autres, d’emmagasiner les connaissances générales, le vocabulaire, les connaissances sur le monde, les connaissances catégorielles et les connaissances sur les schémas. Ainsi, la mémoire

51

sémantique contribue à la construction et à la mise en contexte du modèle de situation (Radvansky et Dijkstra, 2007). Dans un même ordre d’idée, les mécanismes liés à la cognition sociale et à la théorie de l’esprit contribueraient également à la compréhension en permettant la perception et l’attribution des états émotionnels des personnages, leur intention ainsi que les interactions entre ceux-ci (Mar, 2004).

Les capacités d’inférence constituent un mécanisme cognitif lié au discours permettant au lecteur ou à l’auditeur d’interpréter ou de déduire un sens différent ou une signification supérieure à ce qui était énoncé textuellement dans le discours. Tel que décrit plus tôt, ce mécanisme dépend grandement du modèle de situation qui fournit les informations nécessaires aux capacités d’inférences (Perrig et Kintsch, 1985). Ainsi, c’est à ce niveau de compréhension que sont mis en relation le contenu du texte et les connaissances antérieures du lecteur, ce qui lui permet d’en inférer un nouveau sens. Il existe principalement deux types d’inférences liées à la compréhension : les inférences nécessaires à la construction de la cohérence et à la logique du modèle de situation et les inférences optionnelles élaborées à partir des connaissances antérieures du lecteur (Campion et Rossi, 1999).

Au-delà de l’implication importante de la mémoire de travail et de l’inhibition dans la compréhension du discours, les fonctions exécutives en général sont nécessaires à l’encadrement des processus cognitifs liés à la

52

compréhension. En effet, les différents contrôles exécutifs découlant de cet ensemble de fonctions permettent l’intégration des connaissances, le maintien et la manipulation du modèle de situation et possiblement la construction de nouvelles inférences aidant à la cohérence du modèle de situation particulièrement lorsque la cohésion de celui-ci est faible et que le lecteur possède peu de connaissances antérieures pertinentes (Moss et al., 2011, Moss et Schunn, 2015).

En résumé, les mécanismes liés à la compréhension du discours, tels que décrits par le modèle de construction-intégration de Kintsch, nécessitent l’apport de plusieurs types de mémoire, des capacités d’inhibition ainsi que la mise en relation entre le réseau propositionnel de la base du texte construit et les réseaux sémantiques et lexicaux formant les connaissances du lecteur. Ces réseaux, une fois intégrés, permettent de former une représentation mentale du texte que l’on appelle le modèle de situation.

Documents relatifs