C. Les fonctions suppressives des Tregs 37
1. Mécanismes effecteurs des Tregs 37
Ø LIL-10
LIL-10 est une molécule anti-inflammatoire secrétée par plusieurs types cellulaires comme les DCs, les LB, les LTconvs, les Tregs etc... Les souris IL-10KO développent une forte inflammation au niveau intestinal. Il a également été démontré un rôle important de lIL-10 dans la prévention dautres pathologies comme les infections mycobactériennes (Kursar et al., 2007). ou le rejet de greffe (Molitor-Dart et al., 2007). LIL-10 est lune des premières cytokines découverte comme impliquée dans les fonctions suppressives des Tregs. En effet,
cest en 1999 que le groupe de Fiona Powrie met en évidence le rôle de lIL-10 produite par les Tregs dans le contrôle de lIBD (Inflammatory Bowel Disease) induite par le transfert de LT CD4+ naïfs dans des hôtes immuno-déficients (Asseman et al., 1999). Contrairement à linjection de Tregs issus dune souris WT, linjection de Tregs provenant de souris IL-10KO ne permet pas de contrôler la pathologie (Asseman et al., 1999). Plus récemment, léquipe de Rudensky a réellement démontré le rôle de lIL-10 secrétée par les Tregs en utilisant des souris conditionnelles où lablation de lIL-10 est spécifique aux Tregs. Ces souris ne développent pas dauto-immunité systémique mais une IBD, une hyper-sensibilité cutanée et une forte inflammation des voies pulmonaires (Rubtsov et al., 2010). Bien quil ait été démontré que les Tregs produisent de lIL-10 in vitro en présence dIL-2 (de la Rosa et al., 2004), elle nest pas impliquée dans la régulation in vitro de la prolifération des LTconvs (Shevach, 2006).
Ces résultats indiquent que lIL-10 produite par les Tregs est importante pour la régulation immunitaire dans les muqueuses.
Ø Le TGF-b
Le TGF-b est une cytokine immunosuppressive à effet pléiotropique. Les souris déficientes en TGF-b ou pour son récepteur développent un syndrome lymphoprolifératif similaire aux souris Foxp3null (Marie et al., 2006; Shull et al., 1992). Le TGF-b membranaire peut être exprimé à la surface des Tregs et participe à leur fonction suppressive in vitro (Nakamura et al., 2001). En particulier, les Tregs activés expriment le complexe LAP/TGF-b et peuvent directement participer à la conversion de LTconvs en iTregs (Anderson et al., 2008). Le TGF- b induit aussi lexpression dIDO dans les DCs augmentant ainsi, via une autre voie, la conversion de LTconvs en iTregs (Pallotta et al., 2011). Enfin, le TGF-b joue un rôle important dans linduction et le maintien de lexpression de Foxp3 in vivo et in vitro dans les nTregs et les iTregs (Chen et al., 2003; Li et al., 2006).
Lensemble de ces résultats révèle un rôle direct et indirect du TGF-b produit par les Tregs dans limmunosuppression.
Ø LIL-35
LIL-35 est une cytokine découverte très récemment par léquipe de Dario Vignali. Elle est composée de la chaîne a de lIL-12 appelée p35 et de la chaîne b de lIL-27 appelée Ebi3 (Epstein-Barr virus-induced gene 3). Cette cytokine participe aux fonctions suppressives des
Tregs in vitro et in vivo (Collison et al., 2007). De manière intéressante, les Tregs producteurs dIL-35 interagissent par contacts avec leurs cibles (Collison et al., 2009) et induisent des iTregs, nexprimant pas Foxp3, appelés « Tr35 ». Les Tr35 sont également de forts producteurs dIL-35 et possèdent des fonctions suppressives (Collison et al., 2010). Toutefois, les Tregs déficients pour p35 ou Ebi3 ne sont que légèrement moins fonctionnels in vitro que des Tregs « sauvages ». De même, les souris déficientes pour Ebi3 ne développent pas de syndrome auto-immun (Collison et al., 2007). Des études complémentaires seraient donc nécessaires afin de mieux caractériser le rôle de cette cytokine dans la fonction des Tregs. Les cytokines produites par les Tregs sont anti-inflammatoires et immunosuppressives, et lexpression de ces molécules augmente lors de lactivation des Tregs. En effet, les Tregs fortement activés vont être plus suppresseurs, phénomène amplifié par une boucle de régulation positive via lexpression accrue de l'IL-10, du TGF-! et de l'IL-35. Dans un même temps, ils vont également induire la différenciation des LTconvs en iTregs, Tr1 et Tr35, sécrétant à leur tour des cytokines immunosuppressives (Figure 11).
Figure 11 : Boucles daction des cytokines immunosuppressives produites par les Tregs.
Issu des (Yamaguchi et al., 2011) b) La cytolyse
Les Tregs peuvent produire ou exprimer à leur surface dautres molécules suppressives entraînant la mort des cellules cibles. La molécule principale utilisée par les Tregs pour induire la cytolyse est lutilisation des molécules de Granzyme B (GrzmB). Il a été démontré
que la voie perforine/granzyme était directement utilisée par les Tregs pour lyser leurs cibles (Cao et al., 2007). De plus, léquipe de Sebastian Amigorena a démontré in vivo, dans un contexte tumoral, que les Tregs tuent les DCs présentes dans la tumeur et dans les ganglions drainants via la voie perforine/granzyme (Boissonnas et al., 2010).
La galectine-1 (Gal-1) est une autre molécule utilisée par les Tregs qui lorsquelle se fixe à ses ligands CD45, CD43 et CD7, induit lapoptose des cellules et les Tregs issus des souris Galectine-1KO sont moins suppresseurs in vitro (Garin et al., 2007).
Enfin, les Tregs expriment TRAIL (Tumor necrosis factor Related Apoptosis Induced Ligand) et Fas-L après activation et peuvent ainsi induire lapoptose de leur cellules cibles (Ren et al., 2007; Strauss et al., 2009).
c) Les altérations métaboliques
Les Tregs peuvent agir sur certaines voies métaboliques des LTconvs et ainsi inhiber leurs fonctions ou encore induire leur apoptose (Figure 12).
Ø Les ectoenzymes : CD39 et CD73
Les Tregs expriment différents marqueurs à leur surface et certaines protéines permettant de les identifier sont souvent reliées à leur fonction suppressive. Cest le cas des deux ectoenzymes CD39 et CD73, exprimées préférentiellement sur les Tregs, qui catalysent lATP en adénosine. Lenzyme CD39 transforme lATP en AMP et lenzyme CD73 transforme lAMP en adénosine. Ladénosine produite va se fixer sur le récepteur A2A exprimé par les LTconvs pour inhiber leur activation et leur prolifération in vitro et in vivo (Deaglio et al., 2007).
Ø LAMP cyclique (AMPc)
Les Tregs peuvent agir de manière différente via le métabolisme de ladénosine. En effet, ils possèdent une forte concentration dAMPc intracytoplasmique grâce, notamment, à la répression de lexpression du gène Pde3b codant pour la phosphodiestérase PDE3B qui dégrade lAMPc (Gavin 2007 Nature). Les Tregs sont, en outre, capables de transférer de lAMPc dans le cytoplasme des LTconvs via des jonctions GAP, ce qui induit une accumulation dICER (Inducible cAMP early repressor) dans le noyau (Vaeth et al., 2011) des LTconvs et par conséquent réduit leur prolifération et leur synthèse dIL-2 (Bopp et al., 2007).
Ø La consommation dIL-2
Les Tregs expriment fortement le CD25 mais ne produisent pas dIL-2. Cela les rend dépendants de lIL-2 produite par les LTconvs (Almeida 2002 JI). La consommation dIL-2 est très importante pour les Tregs car cette cytokine leur permet de proliférer, de survivre et de fonctionner. Du fait de leur forte consommation dIL-2, les Tregs peuvent priver les LTconvs de lIL-2 environnante. Les LTconvs privés dIL-2 expriment Bim et rentrent en apoptose (Pandiyan et al., 2007). De la même façon, il a été très récemment démontré que les Tregs perturbent lactivité des lymphocytes NK en consommant lIL-2 environnante (Gasteiger et al., 2013b).
Figure 12 : Mécanismes des altérations métaboliques causées par les Tregs.
Issu de (Vignali et al., 2008).
d) La modulation des cellules dendritiques
Les Tregs peuvent moduler lactivation et le phénotype des DCs. En particulier, ils diminuent les capacités de co-stimulation des DCs à la fois in vitro (Cederbom et al., 2000) et in vivo (Wing et al., 2008). Les Tregs expriment fortement CTLA-4 qui se fixe comme CD28 sur les molécules de co-stimulation CD80 et CD86, entraînant la diminution de leur expression à la surface des DCs. En effet, il a été montré que les Tregs sont capables darracher par trans- endocytose les molécules de co-stimulation CD80 et CD86 exprimé par les DCs grâce à CTLA-4. Ce phénomène diminue lexpression de CD80 et CD86 à la surface des DCs et diminue ainsi leur capacité de co-stimulation (Qureshi et al., 2011). De plus, il a été démontré que les Tregs formaient des agrégats avec les DCs grâce à CTLA-4 et la molécule dadhésion LFA-1 (CD11a), inhibant ainsi leur maturation in vitro (Onishi et al., 2008).
Lorsquils sont activés, les Tregs expriment également la molécule LAG-3 (Lymphocyte Activation Gene-3), qui est une molécule homologue au co-récepteur CD4. LAG-3 se fixe aux molécules du CMH de classe II avec une forte affinité, augmentant le temps dinteraction entre DCs et Tregs (Huang et al., 2004), ce qui permet dinhiber les DCs (Liang et al., 2008). Dans un même registre, les Tregs expriment fortement la neuropilin-1 (Nrp-1). La Nrp-1, en se liant au VGEF (Vascular Endothelial Growth Factor) et aux sémaphorines de classe 3, permet également daugmenter les interactions entre DCs et Tregs entraînant ainsi une diminution de la capacité de présentation antigénique des DCs (Sarris et al., 2008).
Nous venons ainsi de passer en revue les principaux mécanismes de suppression décrits par les Tregs (Figure 13). Il est probable que le type de mécanisme utilisé par les Tregs dépend de lenvironnement où ils se situent et des cibles cellulaires à inhiber.
Figure 13 : Larsenal de suppression des Tregs.
2. Les Tregs : des cellules régulatrices professionnelles