5 Composites métal‐verre métallique
5.3 Processus expérimental
5.5.2 Mécanismes de durcissement dans les composites métal‐verre métallique
Tableau 5.8 : Comparaison entre les valeurs de la limite élastique minimale et maximale calculées par la règle de
mélange, et celle mesurée dans cette étude, pour les trois composites de cette étude
Les calculs du tableau 5.8 montrent que, pour les deux composites {Mg|Zr‐a} et {Al|FeCo‐a}, la limite élastique mesurée est bien dans les bornes d’estimation. Pourtant, pour le composite {Al|Cu‐a} la limite élastique dépasse la borne supérieure. Nous soulignons ici que la valeur de la limite élastique de la phase matrice Al6061 utilisée dans les calculs du tableau 5.8 est celle du métal recuit Al6061‐O (55 MPa [195]), et non pas celle de l’alliage commercial Al6061‐T6 utilisé pour la comparaison des propriétés mécaniques (Figure 5.13, Page 133).
Des déviations à la règle de mélange ont été rapportées pour plusieurs composites [193, 194, 203] et la raison possible derrière ces déviations est le fait que cette règle suppose que les propriétés d'un matériau composite sont pondérées par les fractions volumiques des composants, sans prendre en compte les interactions entre la matrice et la phase de renforcement, ou le durcissement de la phase matrice par les "obstacles" représentés par les particules de renfort (mécanisme d’Orowan).
5.5.2 Mécanismes de durcissement dans les composites métalverre métallique
Bien que les processus d’élaboration (melt‐spinning et broyage) du métal matrice puissent durcir par la génération additionnelle de dislocations et l’abaissement de taille de grains à causes des fortes déformations, le recuit de compactage à des températures proches de celle du solidus est censé éliminer la microstructure de l’écrouissage.
L’augmentation de la résistance mécanique du composite métal‐verre métallique peut être attribuée à plusieurs mécanismes :
Composite [MPa] σy,m [%] Vm σy,r [MPa] [%] Vr mesurée σy [MPa] σy,min [MPa] (iso‐ contrainte) σy,max [MPa] (iso‐ déformation) {Mg|Zr‐a} 155 85 1600 [180] 15 325 179.3 371.8 {Al|Cu‐a} 190 1800 [105] 580 219.4 431.5 {Al|FeCo‐a} 55 4070 [211] 550 64.6 657.3
• Le transfert de la charge appliquée de la matrice aux particules de verres métalliques plus durs. Cette transformation peut déplacer (retarder) la limite élastique de la matrice vers des valeurs plus élevées.
• La diffusion atomique des éléments constituants du verre métallique dans la matrice, à travers les interfaces. Cette diffusion généralement favorisée par la température pourrait contribuer à l’augmentation de la résistance mécanique par la formation de solutions solides dures dans la structure de la matrice [212].
Figure 5.15 : diagrammes de phases binaires de (a) MgZr, (b) AlCu, (c) FeAl et de (d) AlCo
La figure 5.15 présente les diagrammes de phases binaires des éléments principaux des alliages amorphes avec les éléments de la matrice métallique de nos trois composites. D’après ces diagrammes, la solubilité des éléments tels que le zirconium dans le magnésium et le fer ou le cobalt dans l’aluminium est très limitée aux T ≤ Tcompactage. La petite solubilité du cuivre dans l’aluminium et la diffusion des atomes du cuivre venant des particules amorphes dans la matrice cfc de l’aluminium pourrait contribuer au durcissement du métal matrice et expliquer la déviation de la résistance mécanique du composite {Al|Cu‐a} à la règle de mélange (Tableau 5.8, Page 136).
La contribution de couches interfaciales de solutions solides ou d’intermétalliques dans les zones de contact matrice‐renfort aux propriétés mécaniques des composites nécessite une étude approfondie en MET (Microscopie Électronique en Transmission).
• Le mécanisme d’Orowan par lequel les particules de renfort se comportent comme des obstacles au déplacement des dislocations dans la matrice [213].
Selon ce mécanisme, les obstacles (ici les particules amorphes) exercent chacun une force sur la dislocation. Cette force va courber la dislocation jusqu’à finalement se décrocher de l’obstacle lorsque la force motrice devient supérieure à une valeur critique [91]. À cause de la haute résistance des particules amorphes, le franchissement de ces particules par une dislocation qui glisse va probablement se dérouler par contournement. Dans ce cas, le durcissement de la matrice peut être exprimé par [91]:
∆τ μb
Λ Équation 5.3
où µ est le module de cisaillement, b la magnitude du vecteur de Bürgers (de l’ordre d’une distance interatomique) et Λ l’espacement moyen entre particules.
On va évaluer la distance moyenne entre obstacles en fonction de leur fraction volumique et de leur taille en supposant qu’ils sont répartis d’une manière homogène dans le matériau. Considérons pour cela que la matrice est constituée de cellules cubiques de côté "m" et qu’une particule de côté "p" occupe le centre de chaque cellule de la matrice (Figure 5.16). On en déduit la fraction volumique fv : f p m Équation 5.4 L’équation 5.3 devient : ∆τ μb m p μb p 1 f 1 Équation 5.5
Figure 5.16 : Schématisation de la répartition des
Nous avons tracé la courbe de l’équation 5.5 pour une fraction volumique de particules de renfort fv = 15% dispersées dans une matrice l’aluminium pur (µ = 26.2 GPa, b = 2.86 Å [214]). La figure 5.17 montre que le durcissement de la matrice en aluminium baisse rapidement en augmentant la taille de particules, et que pour fv = 15% le durcissement atteint ne dépasse pas les 100 MPa pour une taille moyenne de particules de 0.1 µm.
Prenons une taille moyenne de particules de 0.5 µm, nous avons tracé également la courbe de l’équation 5.5 en fonction de la fraction volumique de la phase de renfort. La figure 5.18 montre que le durcissement est proportionnel à la fraction volumique, et que le maximum atteint est de l’ordre de 60 MPa pour fv = 50%.
L’application numérique ainsi présentée montre qu’à fraction volumique donnée, plus les phases sont fines, plus l’espacement
inter‐particulaire est faible et plus l’effet durcissant est élevé. Cependant, elle révèle que le niveau de durcissement obtenu est faible par rapport à celui atteint expérimentalement. Cela prouve que le mécanisme d’Orowan semble être le moins prononcé parmi les mécanismes de durcissement traités. Enfin, par rapport au composite {Al|Cu‐a}, le gain sur les propriétés mécaniques du composite {Al|FeCo‐a} n’est pas substantiel, bien que les particules de renfort soient beaucoup plus dures. Ceci est sans doute à cause de leurs tailles bimodales et leur distribution inhomogène. En fait, la résistance mécanique des verres métalliques étant largement plus élevée que celle de la matrice, lorsque le composite est sollicité mécaniquement, la déformation plastique se produit uniquement dans la matrice et les particules de verre bien plus résistantes ne sont déformées qu’élastiquement. Ainsi, si nous regardons les mécanismes de durcissement précédemment
Figure 5.17 : Évolution du durcissement d’une matrice en Al
en fonction de la taille des particules de renfort pour fv =
15%
Figure 5.18 : Évolution du durcissement d’une matrice en Al
en fonction de la fraction volumique des particules de
discutés, nous constatons qu’à partir d’un certain niveau (σy,r >> σy,m), la dureté des particules de verre (et donc leur composition) n’a pas un d’impact majeur sur la résistance du composite.