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Mécanismes de séparation de phase

Considérons un mélange binaire A-B formant une solution (liquide ou solide) homogène stable à la température T0. Sa composition initiale est décrite par la fraction molaire x0A. On refroidit ce mélange jusqu'à la températureT1. Le raisonnement qui va suivre est basé sur le double graphique4.17.

Figure 4.17 Diagramme de phaseT−xet Enthalpie libreG.

On peut formuler quelques observations préliminaires. Si le point représentant l'état thermodynamique de la solution après refroidissement est :

1. dans la zone de métastabilité (entre les courbes binodale et spinodale) : la solution reste homogène tant que les uctuations sont petites. En revanche, pour de fortes uctuations, le mélange se déstabilise et forme deux phases.

2. dans la zone d'instabilité locale (sous la courbe spinodale) : quelle que soit l'amplitude des uctuations, la solution homogène n'est pas stable et se sépare en deux phases, selon une vitesse variable (de quelques micro-secondes à plusieurs millions d'années).

3. dans la zone de stabilité (partout ailleurs) : le mélange homogène est stable localement et globalement, rien ne se passe.

Transfert de matière par diusion Imaginons que la concentration enAn'est pas absolument uniforme dans le système considéré mais connaît de petites variations selon la position dans l'espace. Ce prol de concentration génère un gradient de potentiel chimique qui agit comme une force motrice et met les molécules deAen mouvement. Au premier ordre, la vitesse est proportionnelle à la force motrice :

~vA=−B. ~∇µA

oùB est une constante positive souvent appelée mobilité25. Comme le ux de matière26 est le produit de la concentrationcA par la vitesse de déplacement~vA, on peut écrire :

~jA=−B.cA. ~∇µA

Pour trouver l'expression du coecient de diusion déni par la première loi de Fick, qui stipule que~jA=

−DA. ~∇cA, on écrit que∇µ~ A=

∂µA

∂cA

T ,p

. ~∇cA. De cette manière, le coecient de diusion s'exprime par la relation :

Exprimons maintenant le coecient de diusion en faisant explicitement apparaître l'enthalpie libreG. Pour toute fonction extensivef, le calcul diérentiel et notamment les matrices jacobiennes permettent de passer du système de variables(T, p, NA, NB)au système équivalent(T, p, N, xA):

On peut appliquer cette relation générale à l'enthalpie libreGpour trouver l'expression du potentiel chimique µA puis eectuer une dérivation partielle par rapport àxA en maintenantT, p, N constants. Cela permet d'écrire que :

On a vu dans les travaux dirigés que, pour un système localement stable, on a

2G

∂x2A

T ,p,N

>0. Cela implique que le coecient de diusion est positif, ce qui est plutôt classique. En revanche, pour un système localement instable, le coecient de diusion devient négatif ! Si l'on revient aux diérents cas évoqués au début de cette section, on peut distinguer deux mécanismes de séparation de phase. Ils sont décrits ci-après à l'aide de la gure4.18.

Diusion normale et nucléation-croissance Si la solution se trouve dans la zone de métastabilité après son refroidissement, alors le coecient de diusion sera positif. Des perturbations faibles ne déstabiliseront pas la solution. Elles seront aussitôt atténuées par la diusion normale et la solution restera homogène. Par contre, à l'occasion d'une uctuation de forte intensité, la solution va se séparer en deux phases : une phase riche en A (on l'appellera nucleus) et une autre riche en B. Dans cette dernière, le gradient de concentration deAva provoquer un mouvement de matière diusif classique, vers l'interface des deux phases. A cet endroit, les molécules de A venant de la phase riche enB vont disparaître de cette phase et venir grossir la phase riche enA. C'est la phase de croissance. Les structures obtenues par ce mécanisme sont faites de plusieurs zones deAbaignant dans une matrice riche enB, usuellement avec une faible connectivité.

25. Le terme de mobilité se traduit par Beweglichkeit en allemand, d'où le symboleBpour cette grandeur.

26. Le ux de matière~js'exprime en mol.m−2.s−1.

Figure 4.18 Mécanismes de séparation de phase.

Diusion inverse et décomposition spinodale Si la solution se trouve dans la zone d'instabilité locale après son refroidissement, alors le coecient de diusion sera négatif. Cela induit que les hétérogénéités locales de concentration, qu'elles soient faibles ou importantes, se renforcent au cours du temps. Cela aboutit typiquement à la formation de veines et de structures spatiales à forte connectivité.

Figure 4.19 Mécanismes de séparation de phase. Pour les deux mécanismes, on observe l'évolution tem-porelle du prol de concentration (fraction molairexen fonction de la coordonnée d'espacez).

Les Transformations

Approche locale : la TPI

Les résultats obtenus jusqu'à présent concernaient les systèmes à l'équilibre, pour lesquels on a montré que les variables intensives étaient uniformes au sein de chaque sous-systèmes (et dans le système composite s'il n'y a pas de contraintes). Nous allons maintenant étudier les systèmes hors équilibre, c'est-à-dire les systèmes en cours d'évolution où l'on observe des gradients de température, pression, potentiel chimique, . . .Qualitativement, lorsqu'un système est hors équilibre, des processus se mettent spontanément en place pour l'y ramener. Ces processus sont dits dissipatifs car ils sont accompagnés d'une production d'entropie.

Dans ce qui suit, nous allons essayer de quantier cette dernière en travaillant en représentation Entropie S =S(X1, X2, . . .). Ceci constitue l'objectif principal de la thermodynamique des processus irréver-sibles, souvent abrégée en TPI.

S'impose une description à l'échelle mésoscopique, intermédiaire entre l'échelle atomique (où il ne serait pas possible de dénir des grandeurs comme l'entropie ou la pression) et l'échelle macroscopique (où le système serait trop hétérogène pour pouvoir être décrit simplement). Concrètement, on va dénir autour de chaque point de l'espace, un volume élémentaire dont la taille pourrait être de l'ordre de 1µm. Son volume, de l'ordre de10−18 m3, contiendrait de l'ordre de 25 millions de molécules à l'état gazeux (1000 à 10000 fois plus en phase condensée), ce qui est raisonnable pour faire des statistiques. En chaque point~r de l'espace, pour toute grandeur extensiveX, on pourra ainsi dénir une densité volumiqueρX :

ρX(~r,t)≡ lim

V→0

X V

On parlera ainsi de densité (volumique) d'entropie ρS, d'énergie interne ρU, d'énergie totale ρE, de consti-tuantsρNi, ... Par dénition, on aρV = 1.

5.1 Préliminaire : bilan d'une grandeur extensive

Pour toute grandeur extensive X, on peut faire un bilan global (à l'échelle du système entier) ou bien un bilan local (à l'échelle d'un élément innitésimal de volume). Dans les deux cas, il s'agit de quantier les diérents termes contribuant à la variation deX (dans le système entier ou bien dans un volume élémentaire) lors d'une transformation innitésimale.

5.1.1 Bilan global

Le bilan global s'écrit :

dX =δeX+δiX

où dX représente la variation de X dans le système pendant l'intervalle de temps dt au cours duquel le système subit une transformation et oùδeX etδiX représentent respectivement le terme d'échange entre le système et l'environnement à travers l'interface et le terme interne de création ou disparition de la quantité

X (exemple : création d'entropie lors d'une transformation irréversible ou bien diminution du nombre de moles lors d'une réaction chimique)1.

5.1.2 Bilan local

Avant d'écrire ce bilan, quelques notations sont nécessaires.

5.1.2.1 Densité de courant

La densité de courantJ~Xcaractérise le ux deX à travers la frontière du système, par unité de temps et de surface traversée. Par intégration le long des frontières du système, on obtient la quantité deX entrant dans le système pendant la duréedt:

δeX =x

Σ

J~X.d~Σ.dt

oùd~Σ =dΣ.~nun élément de surface, de norme|dΣ|. Pour être cohérent avec la convention de signe adoptée dans la section1.1.1.2, la normale unitaire~nest orientée vers l'intérieur du système.

De cette manière, un ux entrant (valeur positive deJX) conduit à une augmentation deX dans le sys-tème2. SiXs'exprime dans l'unitéR, alorsJ~Xs'exprime dans l'unitéR.m−2.s−1. De manière approximative, on utilise les synonymes suivants : "densité de ux", "courant" ou tout simplement "ux"3.

5.1.2.2 Densité de source

La densité de source σX caractérise la quantité deX créée (ou disparue) par unité de volume et de temps dans le système. Par intégration sur le volume du système, on trouve la quantité de X créée (ou disparue) dans le système :

δiX =y

V

σX.dV.dt

Si X s'exprime dans l'unité R, alors σX s'exprime dans l'unité R.m−3.s−1. On parle aussi de "densité de puits". Lorsque la densité de source est identiquement nulle, la grandeur est conservative et le bilan prend le nom d'équation de continuité.

5.1.2.3 Expression du bilan local

Nous cherchons à donner une expression générale de la variation de la densité volumique ρX au cours d'une transformation quelconque de duréedt, c'est-à-dire à donner une expression de∂ρX/∂t4. Considérons pour cela un volume niV. Le bilan global pour la grandeur extensiveX s'écrit :

dX=x

Σ

J~X.d~Σ.dt+y

V

σX.dV.dt

Avec la convention choisie sur le sens du vecteur unitaire normal à la frontière du système, le théorème de Green-Ostrogradsky5 conduit à l'égalité :

x

Σ

J~X.d~Σ =−y

V

∇. ~~ JX.dV

1. Pour être rigoureux dans les notations, si les deux sous-systèmes en contact sontaetb, alors la variation deX dans le sous-systèmeaest égale àdXa=δeXb→a+δiXa.

2. Pour être rigoureux dans les notations, si les deux sous-systèmes en contact sontaetb, alors le terme d'échange s'écrit δeXb→asJ~X.d~Σb→a.dt=sJ~X.dΣ.~nb→a.dt~nb→aest le vecteur normal unitaire dirigé de bversa. Puisque~nb→a=

−~na→b, on aδeXb→a=sJ~X.dΣ.~na→b.dt=sJ~X. ~a→b.dt≡ −δeXa→b.

3. On pourrait relier le ux de la grandeur X à sa vitesse de transfert~vX et à sa densité volumiqueρX par la relation J~X=ρX.~vX. Pour certaines grandeurs qui ne sont pas "attachées" à la matière (entropie ou énergie), cela conduirait à dénir une vitesse de transfert (d'entropie = de chaleur ou d'énergie), ce qui n'est pas classique.

4. On utilise une dérivée partielle carρX est une fonction de l'espace et du temps.

5. Voir équation7.4en page94.

Il s'ensuit que, pour le volume xeV considéré : dX =y

V

−∇. ~~ JXX

.dV.dt

où∇.~ est un opérateur qui transforme le vecteur~u= (ux, uy, uz)en le scalaire∂ux/∂x+∂uy/∂y+∂uz/∂z. Cette relation est vraie pour tout volume de contrôleV. Elle est donc vraie localement et l'on peut écrire :

∂ρX

∂t =−∇. ~~ JXX (5.1)

Cette équation est l'expression du bilan local. Elle relie la variation temporelle de la densité volumique de X à des phénomènes de transfert (densité de courant J~X) et à des phénomènes de création/disparition (densité de sourceσX)6.