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Chapitre V. Dynamique de photoionisation et formation de

V.2 Photoionisation non dissociative

V.2.3 Mécanismes de photoionisation

Les caractéristiques décrites précédemment dans les deux régions d’excitation I et II suggèrent l’existence de différents mécanismes de photoionisation. Pour toutes les énergies d’excitation, la forme du spectre en PE est proche de la distribution de type FC, associée à l’état fondamental de la molécule [4] pour les énergies Ee supérieures à Ee(FC), c'est-à-dire pour des énergies de liaison EB ≤ EB(FC), avec EB(FC) = 11.2 eV. De plus, dans cette gamme d’énergie Ee, l’évolution du paramètre d’asymétrie mesuré en fonction de l’énergie de PE pour les mesures réalisées hors résonance, est cohérente avec les valeurs prédites de βe en fonction de Ee, calculées pour l’ionisation directe vers l’état NO2+ (X 1Σg+

) dans la géométrie d’équilibre.

Pour la gamme en énergie Ee, inférieures à Ee(FC), ou pour des énergies de liaison EB ≥ 11.2 eV, des comportements différents sont observés. Dans la région I, le spectre PE dévie du profil FC pour différentes énergies d’excitation. Pour l’excitation en résonance, le spectre dévie fortement pour les niveaux vibrationnels plus faibles (v2’ = 2 et 3) alors que pour v2’ = 4 et 5 le spectre devient de plus en plus proche d’une distribution FC lorsque v2’ augmente. Pour une excitation hors résonance, une déviation du spectre de PE par rapport au profil FC est observée pour des énergies d’excitation hν ≤ 11.7 eV alors que le spectre en PE reflète la distribution FC

ν 0 50 100 150 200 250 300 350 12.3 12.35 12.4 12.45 12.5 12.55 12.6 a2 - d a1 - s, p, d b2 - p, d I (a rb . u n it s) hν (eV) 0 0.5 1 1.5 2 12.3 12.35 12.4 12.45 12.5 12.55 12.6 β e hν (eV)

a) b)

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Au contraire, dans la région II, les spectres en PE pour une excitation hors résonance, sont en accord avec la distribution de type FC. En outre, pour les deux régions d’excitation I et II, le βe diminue fortement lorsque Ee diminue. Cela n’est pas expliqué par les calculs réalisés FCHF.

Ces observations peuvent être interprétées comme une division de la population photoexcitée en deux parties. D’une part, pour les énergies de liaison les plus faibles, EB(FC) ≤ 11.2 eV, l’excitation hors résonance se comporte comme un processus d’ionisation directe à la géométrie d’équilibre. Pour la deuxième composante correspondant à EB(FC) ≥ 11.2 eV, les résultats suggèrent un processus supplémentaire tel que par exemple un changement rapide de la géométrie, un couplage vibronique ou l’excitation résonante avec un état neutre excité qui influence remarquablement le processus d’ionisation. Poliakoff et Lucchese [9] ont réalisé une étude expérimentale et théorique sur l’évolution du couplage entre les degrés de liberté électroniques et vibrationnels en fonction de la complexité de la molécule. Ils ont en particulier montré que lors de l’ionisation de molécules polyatomiques, et en particulier triatomiques, une évolution rapide de la géométrie de la molécule est reflétée par l’apparition sur les spectres de PE de structures attribuées à l’excitation de modes vibrationnels, a priori interdits par le principe de FC.

De plus, deux mécanismes d’autoionisation dans les régions I et II, nommés processus « 1 » et « 2 », sont différenciés et schématisés sur la Figure V-8. Cette figure représente schématiquement des courbes d’énergie potentielle pour les états NO2 (X 2A1), NO2+ (X 1Σg), NO2+ (a 3B2) ainsi qu’une courbe de potentiel répulsive corrélée à la limite de dissociation en paire d’ions (NO+, O-). Comme nous pouvons l’observer sur le schéma, le processus « 1 » correspond à l’autoionisation dans la région de FC qui mène à une augmentation de la probabilité d’ionisation pour toutes les énergies Ee et qui conserve la forme du spectre de PE alors que pour le mécanisme « 2 », l’autoionisation peuple des niveaux vibrationnellement très excités de l’ion NO2+ (X 1Σg), en dehors des limites de FC, correspondant à des angles de pliage α inférieurs à l’angle d’équilibre αeq = 133.85°.

Dynamique de photoionisation et formation de paires d’ions (NO+, O-) de la

molécule NO2 par rayonnement synchrotron

Figure V-8 : Coupes des surfaces d’énergie potentielle pour des états moléculaires de NO2 neutre et de NO2+

ionique en fonction de l’angle de pliage α et de la distance d’une liaison N-O. X 2A1 représente l’état fondamental de NO2 (courbe rouge), X 1Σ+g et a3B2 représentent l’état fondamental et le premier état excité de l’ion NO2+ (courbes mauve et cyan, respectivement). Un état dissociatif corrélé à la formation de la paire d’ions (NO+, O-) est également représenté (courbe orange). La première limite de dissociation (NO+, O, e) et la limite (NO+, O-) sont indiquées. Les deux processus « 1 » et « 2 » sont également schématisés.

Les résultats obtenus ici montrent que le processus « 2 » est favorisé d’une part dans la région II pour les états de Rydberg dont le caractère de l’orbitale de Rydberg est d, et d’autre part dans la région I pour l’état de Rydberg 4b2→ 4sa1 (3B2) [R*(4b2)-1, v2] dans les niveaux vibrationnels les plus faibles (v2’ = 2 et 3) alors que le processus « 1 » est favorisé pour l’état de Rydberg 4b2→ 4sa1 (3B2) [R*(4b2)-1, v2’] dans les niveaux vibrationnels les plus élevés (v2’ = 4 et 5).

Des caractéristiques similaires à celles du processus “2” ont été observées précédemment dans la PI de molécules polyatomiques et attribuées à l’autoionisation vibrationnelle ou rotationnelle d’états de Rydberg fortement excités convergeant vers l’état fondamental de l’ion moléculaire [10,11]. Dans notre étude, ce processus nécessite un couplage entre les états de Rydberg [R*(4b2)-1, v2] et les séries [R*(6a1)-1, v] convergeant vers l’état NO2+ (X 1Σg). D’après le mécanisme proposé par Guyon et al [10] et étendu par Chupka et al [11], cette interaction pourrait être favorisée par le couplage de ces deux séries via un état répulsif intermédiaire. Les états

O2(X2A1) O2+(X1Σ+ g) O2+(a3B2) FC 1 2 2.0 1.5 1.0 0.5

α

(deg) RNO(A) E ( eV ) I II 1 NO+(X1Σ, v = 0) + O-(2P) (10.919 eV) NO+(X1Σ, v = 0) + O(3P) + e (12.38 eV)

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états répulsifs corrélés à la dissociation en fragments neutres pourraient évidemment être également impliqués.

Un schéma simplifié consiste à considérer un couplage direct entre les séries de Rydberg [R*(4b2)–1] et [R*(6a1)–1]. Afin d’examiner ce schéma, l’évolution de la géométrie de ces états de Rydberg a été étudiée en considérant les états ioniques correspondant NO2+ (X 1Σg+) et (a 3B2). Les surfaces d’énergie potentielle de ces deux états ioniques ont été calculées par R. R. Lucchese en utilisant une méthode icMRCI avec une correction Davidson et le programme MOLPRO [12]. La Figure V-9 montre les courbes d’énergie potentielle des deux états NO2+ (X 1Σg+) et (a 3B2) en fonction de l’angle de pliage α, les deux distances internucléaires N-O sont fixées à la géométrie d’équilibre, rNO=1.19455 Å. L’excitation verticale a lieu à l’angle de pliage d’équilibre αeq = 133.85°. Le croisement entre les deux états observé à un angle α = 114° et situé à une énergie potentielle légèrement inférieure, est en faveur d’un couplage direct entre les deux séries de Rydberg [R*(4b2)–1] et [R*(6a1)–1]. Un croisement similaire entre ces états a été également observé par Arasaki et collaborateurs [13]. On note que les états NO2+ (X 1Σg+) et (a 3B2) possèdent des symétries de spin différentes, leur interaction serait interdite lorsque les effets spin-orbite ne sont pas inclus. Cependant, les états de Rydberg correspondant peuplés par excitation de l’état fondamental de la molécule, dont la symétrie de spin est un doublet seront également des doublets. De ce fait, une série de croisements évités existe entre les deux séries [R*(4b2)–1] et [R*(6a1)–1].

Figure V-9 : Surfaces de potentiel en fonction de l’angle de pliage de la molécule α, les deux distances internucléaires N-O sont fixées à la géométrie d’équilibre, rNO=1.19455 Å. La flèche rouge indique une transition verticale depuis l’état fondamental de la molécule.

Les deux processus « 1 » et « 2 » sont en compétition. En fonction du couplage entre les états [R*(4b2)–1] avec le continuum d’ionisation, une partie de la population peut se retrouver dans des états de la série [R*(6a1)–1] et par autoionisation, dans l’état NO2+ (X 1Σg, v) vibrationnellement très excité.

Considérons d’une part, la région II où les états de Rydberg de caractère d favorisent le processus « 2 » par rapport aux états 4b2→ 4sa1 (3B2) dans les niveaux vibrationnels excités (v2’ = 4 et 5). La largeur (FWHM) plus importante des pics observés dans la région I sur le spectre de rendement d’ions par rapport aux pics observés dans la région II est cohérente avec un temps de vie plus court des états 4b2→ 4sa1 (3B2) favorisant un fort couplage avec le continuum d’ionisation par rapport aux séries 4b2→ 5sa1 / 4d / 5d et 6sa1 (3B2) dans la région II dont la

0 2 4 6 8 80 100 120 140 160

α (deg)

V

(

eV

)

a 3B2(4b2)-1 X 1Σg(6a1)-1

Dynamique de photoionisation et formation de paires d’ions (NO+, O-) de la

molécule NO2 par rayonnement synchrotron

durée de vie plus longue favoriserait le couplage avec les séries [R*(6a1)-1, v] et donc la formation de l’ion NO2+ (X 1Σg, v) vibrationnellement excité.

D’autre part, dans la région I, les niveaux vibrationnels plus faibles peuplés de 4b2→ 4sa1 (3B2) (v2’ = 2 et 3), favorisent également le processus « 2 » contrairement aux niveaux vibrationnels plus excités (v2’ = 4 et 5).

Si nous revenons maintenant à l’évolution du paramètre d’asymétrie βe avec l’énergie de PE, les résultats suggèrent que l’ionisation vers NO2+(X 1Σg, v) dans la région FC, pour une géométrie dont l’angle de pliage est supérieur à l’angle d’équilibre, α > αeqeq = 133.85°) (EB(FC) ≤ 11.2 eV), où l’évolution βe (Ee) est bien en accord avec le calcul FCHC, est un processus d’ionisation directe. Cependant, une forte diminution de βe est observée pour les faibles valeurs de Ee, contrairement à la prédiction réalisée par le calcul FCHC à géométrie fixe de la molécule. Nous avons également exploré la dépendance de βe avec la géométrie de la molécule mais aucun résultat cohérent avec les résultats expérimentaux n’a été obtenu. Ce comportement pourrait donc être dû soit à une rupture de l’approximation adiabatique, approximation de Born-Oppenheimer ou à certains effets de corrélation négligés dans le calcul.

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