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1.3. M ODELISATION DES DOMES METAMORPHIQUES EXTENSIFS

1.3.3. Mécanismes d’écoulement de la croûte ductile

Les modèles de formation des dômes métamorphiques considèrent une déformation hétérogène de la croûte profonde par cisaillement simple et rebond isostatique se traduisant par une remontée locale du Moho. Cette déflexion locale est située à l’aplomb des dômes dans le cas du rebond isostatique et en décalage dans le cas des modèles de cisaillement simple de la croûte. Seuls deux mécanismes permettent de rendre compte de la géométrie planaire du Moho à l’aplomb des dômes métamorphiques extensifs (cf. section 1.1.3) : le remplissage magmatique et le fluage crustal, divergent ou convergent.

Le remplissage magmatique

Les modèles mettant en avant le rôle majeur du magmatisme dans la formation des dômes s’appuient sur des hypothèses de déformation en étirement pur de la croûte inférieure séparée de la croûte supérieure fragile par un décollement représentant la transition fragile-ductile (Rehrig & Reynolds, 1980 ; Miller et al., 1983 ; Gans et al., 1985 ; Gans, 1987, Gans & Borhson, 1998). Dans ces modèles, la remontée du Moho induite par l’étirement homogène de la croûte est compensée par un apport mantellique conséquent. Gans (1987) suggère une compensation, d’environ 5 km d’épaisseur de matériel mantellique néoformé dans le domaine du Great Basin, illustrée par les réflecteurs horizontaux situés en base de croûte (Figure 1-26). Cette hypothèse paraît improbable pour les modèles prévoyant une forte remontée du Moho par rebond isostatique, d’autant plus que la quantité de matériel mantellique néoformé doit correspondre exactement à la quantité de matériel crustal manquante.

Les études sismiques (McCarthy & Thompson, 1988 ; McCarthy et al., 1991) montrent que les roches en base de croûte ne résultent pas d’un processus de sous-placage mantellique mais probablement d’un autre mécanisme de fluage intra-crustal. D’autre part, Block & Royden (1990) et Wernicke (1990) ont montré que si les dômes métamorphiques sont compensés isostatiquement, le matériel ductile compensatoire est de densité crustale et non mantellique.

Le fluage crustal

Mécanisme de fluage crustal divergent.

D’après les études sur le Basin & Range et notamment l’évolution orogénique et post- orogénique de la lithosphère continentale Nord Américaine, il apparaît que l’épaisseur crustale était la plus élevée sur les sites actuellement occupés par les dômes métamorphiques extensifs (Coney & Harms, 1984 ; Malavieille, 1987). Malavieille & Taboada (1991) suggèrent une hypothèse basée sur le fluage crustal pour expliquer que les dômes se situent à l’intérieur même de l’ancienne chaîne de montagne, sur les sites d’enracinement des grands chevauchements (Figure 1-27). L’épaississement hétérogène de la croûte (racine crustale) se résorbe par fluage latéral de la croûte inférieure à partir des zones internes de la chaîne vers les zones externes moins épaisses (Malavieille & Taboada, 1991 ; Rey et al., 2001). Ce mécanisme permet à la croûte continentale de recouvrer une épaisseur normale, ce qui n’est pas le cas des modèles de déformation hétérogène de la croûte (Wernicke, 1981, 1985, Wernicke & Axen, 1988).

Un autre processus de résorption de la racine crustale est celui imaginé dans le cas des Calédonides de Norvège par Andersen et al. (1991). Dans ce modèle de subduction continentale, accompagnée par un très fort épaississement crustal, le soulèvement responsable de l’exhumation des roches profondes est induit par le décrochement d’une partie de la lithosphère continentale. Ranalli (1997) suppose que ce processus de délamination est également valable pour expliquer l’exhumation des dômes métamorphiques de la Cordillère Nord Américaine.

Mécanisme de fluage latéral convergent

En dehors des modèles de fluage par compensation d’une racine crustale et/ou lithosphérique, le fluage crustal a été évoqué par de nombreux auteurs (McCarthy et al., 1987 ; Séranne & Seguret, 1987 ; Wernicke, 1990 ; Buck, 1988, 1991 ; Block & Royden, 1990 ; Wdowinski & Axen, 1992 ; Brun & Van Den Driessche, 1994) soucieux de lier les mécanismes de formation des détachements (et leurs implications géométriques) à ceux du processus de déformation de la croûte profonde conduisant à une géométrie planaire du Moho.

Block & Royden (1990) proposent un mécanisme de compensation isostatique par fluage crustal uniquement permettant de prendre en compte les données sismiques montrant un Moho plat sous les dômes métamorphiques extensifs du Basin & Range (Figure 1-28). Le fluage crustal d’échelle régionale est contrôlé par le gradient latéral de pression lithostatique créé lors de l’amincissement de la croûte continentale fragile. Ce modèle exclut donc un remplissage magmatique pour maintenir le Moho plat. De plus, le gradient horizontal de pression lithostatique dû à l’extension (Wernicke, 1990 ; Block & Royden, 1990 ; Wdowinski & Axen, 1992) nécessite un gradient vertical de densité ou de viscosité. La croûte ductile moins dense peut remonter aisément vers la surface à la faveur d’un amincissement de la croûte fragile. Cependant si une variation de résistance due à un fort gradient de viscosité, au sein même de la croûte entre les unités fragiles et ductiles, produit un boudinage de l’unité fragile, la remontée des roches peut se faire sans inversion de densité, essentiellement par isostasie.

Figure 1-28 : Modèle conceptuel de fluage crustal présenté par Block & Royden

Les conditions d’écoulement de la croûte ductile

Ranalli (2000) a montré que le volume de matériel ductile dans la partie inférieure de la croûte dépend de façon critique de sa composition. Une rhéologie crustale postulant une composition à base de quartz permet un développement efficace d’une épaisse couche ductile, facilitant le fluage, tandis qu’une rhéologie à dominante plagioclase (composition intermédiaire ou basique) ne produit qu’une épaisseur ductile réduite, voire absente pour des géothermes faibles et des épaisseurs crustales moyennes. Pour des températures au Moho très fortes (>1300°K) la différence de résistance entre la croûte ductile et le manteau supérieur ductile est très faible, et ceci d’autant plus que l’épaisseur de la croûte continentale est importante. En outre, le fluage crustal tend à lisser la topographie du Moho, ce qui d’après Ranalli (1997), ne se produit que pour des températures au Moho de plus de 900°C, correspondant à des valeurs de viscosité de 1018-1020 Pa.s dans la croûte inférieure ductile.

D’autre part, McKenzie et al. (2000) estiment que seule une croûte continentale supérieure à 30 km d’épaisseur, est suffisante pour permettre à la croûte ductile de fluer et par là même de lisser la topographie du Moho. Ils suggèrent également que cette zone de fluage crustal ne peut excéder 30 km d’épaisseur avec des températures supérieures à 400- 500°C au Moho, ce qui est bien inférieur à celles prévues par Ranalli (1997) et Buck (1991). En effet, ce dernier compare le fluage crustal de la croûte ductile au fluage de l’asthénosphère sous une ride océanique. Il estime que les conditions pour obtenir des MCC sont une forte température au Moho (supérieure à 1200°C) et une faible viscosité de la croûte ductile (entre 1017 et 1021 Pa.s).

La contribution magmatique joue un rôle primordial dans la capacité de fluage de la croûte ductile. L’apport de chaleur modifiant la viscosité déjà faible de la croûte inférieure, permet une accélération du processus de fluage (McKenzie et al., 2000). Les intrusions, le matériel mantellique de sous-placage ainsi que l’apport de fluides riches en eau favorisent également le fluage crustal (McKenzie & Jackson, 2002), ce qui le rend compatible avec le synchronisme observé entre magmatisme et extension dans le Basin & Range.

Wdowinski & Axen (1992) suggèrent que le soulèvement du Moho est très faible lorsque la différence de viscosité entre la croûte inférieure ductile et le manteau supérieur est forte. La résistance du manteau l’empêche de remonter lors de l’exhumation vers la surface et du fluage de la croûte profonde. McKenzie et al. (2000) ajoutent que le fluage crustal est censé se produire lorsque la croûte et le manteau supérieur sont fragiles. Cependant, un géotherme fort comme il est prévu pour les contextes post-orogéniques (Basin & Range, Mer Egée) implique une résistance faible de la croûte inférieure et du manteau lithosphérique et donc un fort découplage du système entre le manteau et la croûte ductile, et la croûte supérieure fragile (Brun, 2002).

Comme déjà présenté dans la partie précédente, les études de Tiberi et al. (2001) sur la géométrie du Moho au nord du golfe de Corinthe montrent une remontée locale du Moho, que Jolivet (2001) interprète comme la continuité et la résultante d’une zone de détachement d’échelle crustale. Or, sous les dômes métamorphiques des Cyclades, le Moho semble rester plat (Makris & Vees, 1977 ; Vigner, 2002). Deux hypothèses sont possibles pour expliquer cette différence. D’une part, dans les premiers stades de la déformation, le Moho subissant un amincissement localisé, se déforme (Tiberi et al., 2001 ; Jolivet 2001). Puis, pendant et après la formation du dôme, le fluage crustal rééquilibre le système en lissant la topographie, rendant possible l’observation d’un Moho plat. D’autre part, le contexte

nécessaire à la formation d’un dôme métamorphique. En effet, plusieurs auteurs (Jolivet, 2001 ; Chéry, 2001) estiment que le golfe de Corinthe représente l’étape initiale à la formation d’un dôme. Mais il est possible qu’entre la formation des dômes des Cyclades au Miocène et la déformation du golfe de Corinthe, la rhéologie de la lithosphère ait changé. Par exemple, un géotherme plus froid que celui prévu pour les contextes post-orogéniques induit une augmentation de la résistance du manteau et donc un découplage plus fort entre la croûte inférieure ductile et le manteau plus fragile (Brun, 2002). La résultante de cet état est la déflexion du Moho. De plus, le golfe de Corinthe a une épaisseur crustale d’une moyenne de 35-40 km (Tiberi et al., 2001) ce qui ne correspond pas à l’épaisseur admise pour une extension post-orogénique menant à la formation des dômes métamorphiques (50-60 km en général), mais plutôt à l’épaisseur atteinte après la formation de ces dômes. Même si le golfe de Corinthe peut servir d’exemple pour expliquer le début de la formation des dômes métamorphiques, les conditions qui y prévalent ne sont pas les mêmes que celles prédites pour les dômes métamorphiques des Cyclades et ceux du Basin & Range.

En résumé

Les dômes métamorphiques extensifs observés dans le Basin & Range et en Egée associés à des détachements plats en surface résultent de l’extension post-orogénique d’un domaine continental épaissi et thermiquement relaxé. Ce contexte est favorable au fluage crustal de la croûte ductile permettant de garder une géométrie planaire du Moho.

Les nombreuses hypothèses évoquées dans les modèles sont en général fondées sur le fait que les détachements s’initient dès le début de l’extension et que leur évolution est la cause de l’exhumation des dômes métamorphiques. Cependant, une question majeure demeure : comment se créent les détachements ?

Pour comprendre la relation entre l’exhumation, le détachement et une géométrie planaire du Moho, des modèles basés sur l’idée simple d’une extension post-orogénique de domaines épaissis et thermiquement relaxés, comme condition générale favorable à la formation des MCC, sont présentés dans les chapitres suivants.

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