Partie II : Rappels bibliographiques concernant les aciers
1.5. Mécanismes de déformation de l’austénite
L’acier AISI 304 allie une ductilité et une résistance mécanique importante. En effet, en
fonction de la température et du trajet de chargement, l’élongation à la rupture peut varier de
20 à 80% et la résistance à la traction de 450 à 1100 MPa. Ces propriétés remarquables sont
liées à la complexité des mécanismes de déformations actifs. La plasticité classique par
glissement de dislocations entre en compétition avec d’autres mécanismes comme :
- Le maclage mécanique.
- La formation de la martensite ε.
- La formation de la martensite α’.
Le paramètre pertinent pour analyser l’activité et la transition entre ces différents mécanismes
est l’énergie de fautes d’empilement (EFE) de l’alliage.
1.5.1. Energie de fautes d’empilement et influence sur la
dissociation des dislocations
Définitions :
Une faute d’empilement est un défaut planaire correspondant à une imperfection dans la
superposition des plans du réseau cristallin. Si l’on prend l’exemple des structures compactes,
il existe deux façons d’empiler des plans compacts ABCABC… et, ABAB… formant
respectivement une structure CFC (cas de l’austénite ) ou Hexagonal Compact (HC) (cas de la
martensite epsilon). Toute modification de cet empilement se traduit par la formation d'une
faute d’empilement.
déterminée indirectement. On considère qu’elle varie linéairement avec l’enthalpie de
transformation de l’austénite (CFC) en martensite ε (Hc), accessible à partir de données
thermochimiques et magnétiques des alliages considérés. La figure 1.14 donne la variation de
l’énergie de faute d’empilement de l’austénite en fonction de la teneur en chrome, en nickel
[Lac90]. Il apparaît clairement que l’EFE augmente avec la température et avec la teneur en
nickel. De façon générale, l’EFE augmente avec la stabilité de l’austénite et donc avec
l’augmentation des éléments γ-gènes et de la température.
Figure 1.14 – Variation de l’énergie de faute d’empilement en fonction des teneurs en
Chrome et Nickel de l’acier.
Influence sur les mécanismes de déformation :
Pour un matériau à faible EFE, la formation de fautes d’empilement est favorisée lors de la
déformation plastique. Cela se traduit par la formation de dislocations partielles de vecteur de
Burgers plus petit à partir de dislocations parfaites. Ce processus crée des fautes
d’empilement mais minimise aussi l’énergie de ligne des dislocations (proportionnelle au
vecteur de Burgers). Si l’on prend l’exemple d’une dislocation parfaite de vecteur de Burgers
]
011
[
2
1
de plan de glissement ( )111 , elle va pouvoir se dissocier dans son plan en deux
dislocations partielles glissiles, de tête et de queue, selon la réaction suivante (figure 1.15) :
) 1 1 1 ( ) 1 1 1 ( ) 1 1 1 (
[112]
6
]
121
[
6
]
011
[
2
a
a
a
+
= 1.11
Avec le vecteur de Burgers des dislocations partielles, le passage de la dislocation de tête ne
reconstitue pas le cristal parfait mais laisse une faute d’empilement. Le passage de la
dislocation de queue guérit ce défaut de telle sorte que la dissociation crée un ruban de défauts
entre deux partielles.
PLAN
{111}
D
E
F
a/2<110>Figure 1.15 : Dissociation d’une dislocation parfaite.
Cette dissociation a une conséquence directe sur le glissement dévié et la consolidation du
matériau. En effet, classiquement, la déformation plastique est assurée par la création et le
glissement des dislocations. Au cours de ce mouvement, les dislocations rencontrent des
obstacles (autres dislocations, joints de grains, précipités) bloquant les dislocations et
provoquant la formation d’empilement de dislocations. Les dislocations parfaites peuvent
contourner les obstacles en choisissant un autre plan de glissement contenant leur vecteur de
Burgers. Par contre, les dislocations dissociées doivent rester confinées dans le plan de
dissociation. Pour activer du glissement dévié, il faudrait d’abord reconstituer une dislocation
parfaite. Ce mécanisme n’est pas concevable lorsque les fautes d’empilement se superposent
et créent une structure très stable. Par conséquent, on observe une forte consolidation lorsque
l’EFE diminue (figure 1.16).
Plus généralement, la stabilité de la dissociation des dislocations parfaites en partielles est à
l’origine de l’existence de différents modes de déformations de l’austénite, qui impliquent la
création de fautes d’empilement, comme le maclage ou la formation de martensite ε.
Figure 1.16 – Evolution des courbes de traction en fonction de l’EFE du matériau.
1.5.2. Le maclage mécanique
Le maclage mécanique est souvent activé en compétition avec le glissement de dislocations
dissociées. En effet la formation du maclage résulte du glissement de dislocations partielles de
Shockley identiques de vecteur de Burgers du type b
1=a 112 sur chaque plan compact
Figure 1.17 – Formation d’une macle mécanique.
Les macles mécaniques apparaissent au cours de la déformation sous forme de fines lamelles
de structure CFC (on parle de micromacles). Elles sont dites cohérentes car les joints de
macles assurent la continuité parfaite entre la structure cristallographique de l’austénite et la
macle sans dislocation résiduelle à l’interface. Elles ne doivent pas être confondues avec les
macles thermiques qui se forment lors d’un recuit pour diminuer les contraintes internes. Leur
morphologie est significativement différente puisqu’elles sont très épaisses et sont
considérées comme des grains à part entière. Elles n’induisent aucun cisaillement et ne sont
pas systématiquement cohérentes (elles forment des joints de type Σ3).
La formation d’une macle mécanique répond à un critère d’activation comme pour le
glissement cristallographique. Une énergie critique est définie et doit être atteinte par
l’énergie motrice F
mexprimée par la relation 1.12, pour que la germination ait lieu.
M m
F =σ:ε 1.12
Avec σ la contrainte dans le grain, et ε
Mla déformation engendrée par la macle.
Une macle produit un glissement positif dans une direction du type <11-2> et d’amplitude γ
o=
111 1
d
b
=
2
2
avec d
111la distance interréticulaire entre deux plans {111}
γ. Le tenseur de
déformation associé au glissement (111)[11-2] est donné par l’expression 1.13 ;
( ) avecm [ ]112 et n ( )111
2
2
.
2
1
=
=
+
=
i j j i Mn
m
n
m
ε 1.13
Compte tenu de la symétrie cubique, il n’existe que 12 systèmes de glissement positif
(111)[11-2], le nombre de macles possible est donc limité à 12 en terme de déformation
(tableau 1.5). Du point de vue cristallographique, les macles dans ce cas ne présentent que 4
orientations différentes par rapport au substrat.
Macle Plan Direction 111 11-2 111 1-21 1 111 -211 -111 -11-2 -111 -1-21 2 -111 211 11-1 112 11-1 1-2-1 3 11-1 -21-1 1-11 1-1-2 1-11 121 4 1-11 -2-11
Tableau 1.5- Macles formées à partir des systèmes de
glissement {111}<11-2>.
La déformation importante induite par la formation de macles mécaniques augmente de façon
notable la ductilité du matériau. Ce phénomène est d’ailleurs à l’origine des remarquables
propriétés des aciers TWIP (TWinning Induced Plasticity)[All04]. La présence de macles
interagit également sur la plasticité cristalline puisqu’elle limite le libre parcours moyen des
dislocations du matériau. Ceci a pour effet direct d’augmenter significativement l’écrouissage
du matériau.
1.5.3. La transformation de phase γγγγ→→→εεεε→
Tout comme le maclage, la transformation de phase γ→ε est favorisée par le glissement de
dislocations dissociées. La formation de la martensite ε résulte du glissement de dislocations
partielles de Shockley identiques de vecteur de Burgers du type <112>
6
a
sur tous les
seconds plans consécutifs {111}
γde l’austénite.
L’empilement périodique des plans {111}
γABCABCABC devient après le passage d’une
dislocation de Shockley sur tous les deux plans {111}
γsoulignés ABCABABAB.
La succession de plans {111}
γABABAB… permet d’obtenir la structure hexagonale
compacte de la martensite ε (figure 1.18).
La formation de la martensite ε produit un glissement d’amplitude γ
o=
4
2
.
2
111 1=
d
b
dans la
direction du type <11-2> avec d
111la distance interréticulaire entre deux plans {111}
γ. Le
tenseur de déformation associé s’écrit alors pour le glissement (111)[11-2] ;
( ) avecm 112 et n { }111
4
2
.
2
1
=
>
=<
+
=
i j j i trn
m
n
m
εε 1.14
La transformation de phase γ→ε a les caractéristiques d’une transformation martensitique. Le
plan d’habitat est de type {111}
γ. Les relations d’orientations strictes entre la phase γ et la
phase ε sont :
{ } {111
γ// 0001}
ε< 110 >
γ// < 2110>
ε1.15
A partir de cette relation d’orientation et compte tenu des symétries du cube et de la maille
hexagonale, on peut montrer que les trois directions de glissement de type <11-2> sur un
même plan (111) mènent à la même variante de martensite ε. L’orientation de la variante ε est
donc exclusivement définie par le plan de glissement (111) sur lequel la faute d’empilement
se produit. Le tableau 1.6 liste les 4 variantes de martensite ε formées à partir des quatre plans
{111}
γ.
Variantes ε Plans Directions
111 11-2 111 1-21 1 111 -211 -111 -11-2 -111 -1-21 2 -111 211 1-11 1-1-2 1-11 121 3 1-11 -2-11 11-1 112 11-1 1-2-1 4 11-1 -21-1