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Quels sont les mécanismes et causes responsables de cet état

B. La perte de poids involontaire

2. Quels sont les mécanismes et causes responsables de cet état

Les mécanismes précis pouvant expliquer l’augmentation de la dépense d’énergie de repos demeurent assez mal connus. De plus, de nombreuses études concernent la cachexie cancéreuse qui reste un cas particulier d’hypercatabolisme. En effet, dans ces affections malignes, la présence, la localisation et le type anatomique de la tumeur sont des facteurs déterminants.

a)Inflammation et modifications endocriniennes

Des travaux suggèrent que l’inflammation par une production excessive de cytokines puisse influencer le métabolisme énergétique. Ainsi, Roubenoff et al. (1994) rapportent une corrélation entre la production de TNF-α et IL-1β et l'augmentation de la dépense d'énergie de repos, chez des patients atteints de cachexie rhumatoïde. D'autres auteurs ont montré une association entre un hypermétabolisme, une perte de masse maigre et la production de cytokines suite à une injection de ces dernières (Warren et al., 1987; Hellerstein et al., 1989; Seaton et al., 1990; Hoshino et al., 1991; Nguyen et al., 1999). De même, le traitement par glucocorticoïdes augmente les dépenses énergétiques chez l'homme (Brillon et al., 1995; Tataranni et al., 1996) et augmente l’activité du complexe IV dans le muscle de rats (Weber et al., 2002).

L’ensemble de ces études montre qu’en situation d’agression, l’inflammation et les modifications endocriniennes agissent sur le métabolisme de base.

Dans un état d'hypercatabolisme, en réponse aux demandes, le turnover des substrats est augmenté. Ces métabolismes étant également demandeurs d'énergie, il en résulte que la contribution relative des différentes réactions consommant de l'énergie au métabolisme de base pourra être changée. Ainsi, chez des patients souffrant de brûlures, Wolfe et al. (1987) rapportent une augmentation du turnover des cycles des acides gras et glycolytique-néoglucogénique. De même, Yu et al. (1999) montrent que la synthèse protéique totale, la néoglucogenèse, le cycle de l'urée et le turnover des substrats (acides gras et glucose) représente respectivement 22, 11, 3 et 21% de l'augmentation de la dépense d'énergie de repos du corps entier chez des personnes gravement brûlées. Enfin, chez l’homme, Brillon et al.

(1995) montrent que l’augmentation du turnover protéique expliquerait entre 7 et 22% de l’augmentation de la dépense d’énergie de repos suite à une injection d’hydrocortisone acétate.

c)La masse des organes métaboliquement actifs

Si l’hypercatabolisme entraîne une diminution de la masse musculaire, à l’inverse la masse des tissus viscéraux peut être maintenue voire augmentée à cause de l’inflammation chronique et ceci est notable pour le foie. Il y a donc une augmentation relative de la masse des tissus à forte activité métabolique par rapport à la masse musculaire plus faiblement active. L’augmentation de la dépense d’énergie sera d’autant plus importante que celle-ci sera normalisée par la masse cellulaire et que l’augmentation de la masse des tissus correspondra réellement à une augmentation de tissu métaboliquement actif (protéines fonctionnelles). Oudart et al. (2000) rapportent dans un modèle de rats rendus cancéreux, une augmentation de 21% de la masse relative du foie (g/100g masse animal). Néanmoins, ces auteurs ne précisent pas si cette augmentation de la masse hépatique est due à une augmentation de tissu métaboliquement actif ou uniquement le fait d’une augmentation du contenu en eau ou en lipides, ce qui dans ce cas n’entraînerait pas d’augmentation de la dépense d’énergie.

Quoiqu’il en soit, cette augmentation de la masse des tissus à forte activité métabolique, même si elle n’est que relative à la perte de tissu musculaire, est sans doute un déterminant important de l'hypermétabolisme. Ainsi, Yu et al. (1999) rapportent chez des patients gravement brûlés, une augmentation de 63% de la contribution du foie dans la consommation d'oxygène totale (passant de 17% chez un individu sain à 27,8% chez un patient brûlé).

A ce jour, seules des modifications de l’expression des protéines découplantes ont été mises en évidence lors d’état d’hypermétabolisme.

Dans un modèle de cachexie cancéreuse du rat, il a été montré que le TNF-α pouvait être responsable de la stimulation de la transcription des gènes UCP2 et UCP3 dans le gastrocnemius (Sanchis et al., 1998; Bing et al., 2000). Dans une autre étude, l'administration de cette cytokine à des rats provoque une augmentation du taux des ARNm UCP2 et UCP3 au niveau du gastrocnemius 6 h après l’injection (Busquets et al., 1998). Chez des souris, Faggioni et al (1998) montrent que l'inflammation induite par le lipopolysaccharide (LPS; 16 h après l’injection) stimule l'expression du gène UCP2, non seulement dans le muscle squelettique mais également dans le foie. De plus, ces auteurs mimaient ces sur-expressions géniques en injectant directement soit TNF-α soit IL-1β. Dans un modèle de sepsis (ligature ponction du cæcum), Sun et al. (2003) montrent une augmentation des taux d’ARNm et en protéine du gène UCP3 dans le muscle squelettique (soleus et EDL) de rats, 16 h après l’intervention. De plus, le traitement de ces rats par un antagoniste des récepteurs aux glucocorticoïdes (RU-38486) inhibaient ces sur-expressions, tandis que l’injection de dexaméthasone à des rats témoins mimait l’augmentation des taux de l’ARNm et de la protéine UCP3. Cette stimulation par les glucocorticoïdes se vérifiait également à la suite de l’ajout in vitro de dexaméthasone, montrant ainsi que l’effet de l’état septique sur UCP3 était, au moins en partie, médié par les glucocorticoïdes. Enfin, chez des souris, 18 h après l’injection de dexaméthasone, Gong et al. (1997) trouvent une augmentation des taux musculaires d’ARNm UCP2 et UCP3.

Finalement, si ces modifications de l’expression des protéines découplantes se traduisent concrètement par une augmentation de l’activité de fuite de protons, il est alors envisageable que le rendement de la phosphorylation oxydative sera diminué et que la dépense d’énergie sera augmentée.

e)Métabolisme énergétique mitochondrial

Les études portant sur l’inflammation et les modifications endocriniennes, présentes lors d’un état d’hypercatabolisme, suggèrent que le métabolisme énergétique mitochondrial puisse être altéré, expliquant ainsi une partie de l’hypermétabolisme. De plus, selon les lois de la thermodynamique, l’homéostasie de l’énergie est régie à la fois par le taux et l’efficacité des flux. En conséquence, une forte production d’énergie ne sera possible qu’au détriment d’une diminution de son efficacité de production. En contrepartie, cette moindre efficacité de la

synthèse d’énergie induira une perte d’énergie supplémentaire. Ainsi, le métabolisme mitochondrial peut expliquer l’hypermétabolisme 1) du fait d’une dysrégulation de son fonctionnement lié à l’inflammation par elle-même (exemple d’une diminution du couplage de la phosphorylation oxydative), la mitochondrie est dans ce cas la victime de l’inflammation, 2) du fait d’une adaptation de son fonctionnement (diminution de l’efficacité de synthèse de l’ATP) dans le but de satisfaire la demande d’énergie augmentée par ailleurs, la mitochondrie est cette fois-ci au service des phénomènes demandeurs d’énergie.

(1)au niveau du foie.

De nombreuses études rapportent l’effet des glucocorticoïdes (modèle d’hypercatabolisme) sur la respiration mitochondriale hépatique (cf. tableau 2). En résumé, bien que ces études divergent sur l’effet des glucocorticoïdes sur les taux de respiration, il apparaît cependant que quels que soit la molécule, le substrat et la durée utilisés, les glucocorticoïdes induisent, le plus souvent, une diminution de l’efficacité de la phosphorylation oxydative (rapports ATP/O ou ADP/O diminués). De plus, il semble que l’ensemble des effets des glucocorticoïdes sur la consommation d’oxygène mitochondriale soient des effets directs puisque l’ajout in vitro de ces composés est capable de moduler les paramètres respiratoires. Ainsi, l’injection de methylprednisolone entraîne une diminution de la respiration à l’état 3 et à l’état découplé et du rapport ADP/O (succinate et pyruvate + malate mais pas ascorbate + TMPD) dans des mitochondries de foie de rats (Martens et al., 1991). Ces auteurs montrent aussi que l’effet est proportionnel à la dose injectée. De même, Gomez-Puyou et al. (1963) montrent une respiration à l’état 3, respectivement diminuée et augmentée suite à l’ajout in vitro d’hydrocorticostérone et de triamcinolone, pour les substrats malate et glutamate (pas d’effet pour le succinate). De plus, ces auteurs trouvent un rapport P/O diminué avec la triamcinolone pour les 3 substrats.

(2)au niveau du muscle squelettique.

Quelques études rapportent l’effet de traitements par glucocorticoïdes sur le métabolisme énergétique de mitochondries isolées de muscles squelettiques (cf. tableau 3). D’après ces études, il semble que le traitement par glucocorticoïdes puisse s’accompagner d’une altération du rendement de la phosphorylation oxydative musculaire, mais que cet effet ne serait que de courte durée et disparaîtrait après quelques jours (au mieux 11 jours et chez le rat).

De leur côté, Koerts-de Lang et al. (2000) rapportent les effets ex vivo de 14 jours de traitement par triamcinolone chez le rat, et montrent une anomalie du métabolisme énergétique mitochondrial musculaire avec une diminution du statut énergétique. En effet, les concentrations en ATP, PCr et créatine totale étaient diminuées. De façon intéressante, ces auteurs utilisent également un groupe apparié pour la perte de poids présentant aussi une diminution des concentrations en ATP et PCr mais moins importante que chez les rats traités par triamcinolone. Ceci suggère que dans un état d’hypercatabolisme, il y a une redistribution de la synthèse d’ATP par la PCr en réponse à une production mitochondriale défectueuse et que ceci ne semble pas le fait unique de la perte de poids mais implique aussi des modifications induites par les glucocorticoïdes. De même, des résultats obtenus dans un modèle de rats infectés (ligature ponction du caecum) vont dans le même sens. Il a ainsi été montré in vivo (RMN du 31P) qu’il y a une diminution de 20% du rapport PCr/ATP sans modification de la concentration en ATP, associée à une augmentation de 20% du taux d’hydrolyse de la PCr et une augmentation du taux d’ADP (Jacobs et al., 1991). Ces résultats suggèrent que l’ATP est maintenu au détriment de la PCr et que la voie principale de synthèse de l’ATP, la phosphorylation oxydative, est défectueuse (augmentation de l’ADP).

Cependant, il est aussi possible que le métabolisme mitochondrial participe à l’hypermétabolisme simplement suite à une augmentation de son activité et donc sans une diminution de son efficacité à synthétiser l’ATP. Ainsi, Weber et al. (2002) trouvent une sur - expression (+100%) des gènes mitochondriaux COX II, COX III et du gène nucléaire du cytochrome c, associée à une augmentation (+100%) de l’activité enzymatique de la COX, dans le quadriceps de rats traités pendant 3 jours avec de la dexaméthasone aboutissant à un taux de glucocorticoïdes circulant similaire à celui d’un stress sévère. Ces auteurs retrouvent les mêmes effets sur des cellules musculaires (C2C12) traitées par dexaméthasone pendant 3 jours. Ces stimulations, qu’un antagoniste aux récepteurs nucléaires des glucocorticoïdes (RU 486) annulent, s’accompagnaient d’une diminution du taux de lactate cellulaire. Ceci suggère un shift vers la production d’ATP par la voie de la phosphorylation oxydative (Weber et al., 2002). Les auteurs concluaient ainsi que l’augmentation de l’activité de la COX, reflétant une augmentation de l’activité de la chaîne respiratoire et une augmentation de la masse mitochondriale musculaire, pouvait expliquer, en partie, l’augmentation de la dépense d’énergie observée lors de stress sévère.

En conclusion, la perte de poids involontaire s’accompagne volontiers d’une augmentation de la dépense d’énergie du corps entier. Cette augmentation du métabolisme de

base semble être la conséquence de l’inflammation et des modifications endocriniennes induites par l’état d’hypercatabolisme, qui vont stimuler de nombreux cycles demandeurs d’énergie. Cette augmentation de la dépense d’énergie peut aussi s’expliquer par une altération de l’efficacité de la phosphorylation oxydative mitochondriale au niveau du foie et du muscle squelettique. Cependant, il reste à déterminer si ceci est la conséquence des modifications endocriniennes ou si c’est une adaptation du métabolisme énergétique pour faciliter une production plus importante en énergie.

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