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E. Cycle de transmission du virus de la FVR

4. Mécanismes d’émergence

Le virus de la FVR est capable de circuler de façon épidémique, avec des vagues d’avortements massives, comme endémique, sans manifestation clinique notoire, ce, parfois dans les mêmes régions mais à différents moments. En tant que zoonose virale et maladie vectorielle, il est attendu que les ruptures d’équilibres écologiques (suite à des événements climatiques, socio-économiques, etc.), en modifiant les interfaces environnement/vecteur/animal-homme entrainent des modifications de son cycle épidémiologique et une possible émergence (ou réémergence) du virus (Sutherst, 2004). Certains facteurs ayant déclenché des épidémies ou épizooties sont décrits ci-dessous, plusieurs facteurs peuvent bien-sûr se conjuguer.

Facteurs climatiques

La première description du virus au Kenya en 1930 a été, à plusieurs points de vue (clinique, analytique, etc.), un modèle révélant les grands principes des futures épidémies de FVR en Afrique de

l’Est et le lien entre l’émergence de cette maladie et les conditions climatiques avait déjà été identifié. En effet, l’épidémie s’est déclenchée après une saison des pluies marquée par une pluviométrie au-dessus de la normale, ce qui avait incité l’éleveur qui allait subir la première épizootie décrite de FVR à avancer ses mises-bas pour profiter de l’abondance des fourrages et ne pas risquer des pâtures impraticables lors des secondes pluies annuelles (Daubney et al., 1931). Cette association entre forte pluviométrie et épidémies se reproduira de façon constante au Kenya lors des prochaines épizooties (notamment en 1951-1953, 1961-1963, 1967-1968, 1977-1979, 1997-1998 et 2006-2007) (cf. Figure 8) (Anyamba et al., 2009; Davies et al., 1985; Linthicum et al., 1999). Il est à présent supposé qu’en Afrique de l’Est les épidémies de FVR surviennent après des phénomènes de fortes pluies permettant la mise en eau des « dambos », des mares temporaires, dans les habitats de basse altitude, propices à la prolifération des nombreux vecteurs de la FVR. En Afrique de l’Est, ces phénomènes de fortes pluie surviennent en lien avec les épisodes chauds de l’ENSO (El Niño) qui interviennent à intervalles plus ou moins réguliers de 5 à 15 ans, permettant par ailleurs à la population des vertébrés sensibles de se renouveler naturellement (Linthicum et al., 1999). Un phénomène similaire survient également en Afrique du Sud dans des habitats similaires aux dambos nommés pans ou vleis, mais selon une chronologie différente, puisque c’est la phase La Niña qui y est responsable des épisodes de fortes pluies (Linthicum et al., 2016). L’émergence de la FVR en Afrique du Sud semble cependant moins bien prédite par ce seul phénomène ENSO.

Figure 8. Mise en relation entre les périodes d’épizootie de FVR et la pluviométrie au Kenya (l’axe des ordonnées représente un indicateur composite d’anomalie de pluviométrie basé sur le nombre de jours de pluies par mois multiplié par la pluviométrie mensuelle à partir des données de cinq sites au Kenya où des épizooties de FVR ont été détectées) La persistance du virus entre les périodes épidémiques reposerait sur un cycle enzootique inter-épidémique. Ce cycle enzootique impliquerait l’infection occasionnelle de mammifères comme le bétail domestique ou encore les buffles sauvages (Syncerus caffer), expliquant les séroconversions observées en période inter-épidémique (LaBeaud et al., 2008, 2011; Lichoti et al., 2014) ainsi qu’une transmission verticale chez certains vecteurs afin de survivre aux épisodes de sécheresse (Bird et al., 2009; Linthicum et al., 2016).

Facteurs anthropiques

Plusieurs interventions humaines ont par le passé contribué à déclencher des épidémies de FVR soit en modifiant un écosystème et en créant un environnement plus favorable aux vecteurs soit en déplaçant des animaux infectés (ou des vecteurs) vers des zones indemnes mais propices au développement de la maladie.

L’épidémie de 1977 en Egypte est probablement liée à l’introduction d’animaux vivants virémiques pour le commerce depuis le Soudan où une épizootie venait de sévir, comme évoqué par le taux de séroprévalence important des dromadaires à leur arrivée (Hoogstraal et al., 1979). Le virus a alors trouvé un écosystème favorable dans le système irrigué de la vallée du Nil, grâce notamment à la construction récente du barrage d’Assouan (Afssa, 2008b; Digoutte and Peters, 1989), avec une très forte abondance de Culex pipiens. Le comportement observé d’abattage immédiat des animaux malades (sans attendre leur mort) par les éleveurs pour la consommation humaine a, quant à lui, fortement contribué à augmenter le nombre de cas humains (Hoogstraal et al., 1979).

La responsabilité du barrage de Diama sur le fleuve Sénégal a aussi été évoquée pour l’épidémie de 1987 en Mauritanie, survenue quelques mois après son inauguration et alors que le virus circulait silencieusement depuis plusieurs années déjà en Mauritanie (Digoutte and Peters, 1989; Linthicum et al., 2016). Il est en tout cas certain que ces nouvelles zones irriguées favorisent la prolifération des vecteurs et permettent une intensification de la présence de bétail, propices à la circulation du virus (Linthicum et al., 2016).

Enfin, l’intensification des mouvements commerciaux, en impliquant des animaux domestiques vivants (voire des vecteurs) potentiellement infectés a très probablement permis au virus d’émerger au-delà de son aire de répartition : en Egypte depuis le Soudan (Cf. ci-dessus), au Yémen, en Arabie Saoudite, dans l’Union des Comores et à Mayotte à partir de la Corne de l’Afrique (Cêtre-Sossah et al., 2012a; Maquart et al., 2014a; Shoemaker et al., 2002), voire de réémerger comme cela a été le cas à Madagascar avec au moins trois introductions successives du virus, probablement via le commerce de bétail avec la côte est-africaine ou l’archipel des Comores (Lancelot et al., 2017; Samy et al., 2017). La situation malgache illustre également très bien les nombreuses implications des comportements humains dans la circulation du virus : à travers les pratiques d’échange de bovins au niveau local, les mouvements commerciaux et les marchés d’animaux vivants qui s’intensifient pour faire face à la demande en viande d’une population croissante et l’irrigation pour la production du riz propice au développement de vecteurs au contact de la population et des animaux domestiques (Lancelot et al., 2017; Nicolas et al., 2013).

Une autre illustration de l’impact complexe des activités humaines sur l’épidémiologie de la FVR semble se dessiner en Afrique de l’Ouest où les cas se multiplient depuis 2012 y compris en dehors d’épisodes de pluies importants. Pour expliquer ce phénomène, Arsevska et al. évoquent l’association du reverdissement du Sahel (en cours depuis les grandes sécheresses des années 1980 et permis par des précipitations plus abondantes dues à un réchauffement des eaux de surface de l’Atlantique lui même lié à une diminution de la pollution atmosphérique au niveau de cette zone) favorables aux vecteurs de la FVR avec une augmentation des populations animales (permise par la plus grande abondance en fourrages) et du commerce de ces animaux lié à l’accroissement de la population (Arsevska et al., 2016a; Giannini et al., 2013).

Autres facteurs

D’autres facteurs naturels pourraient être responsables d’épidémies, comme le transport éolien de vecteurs ou le déplacement d’animaux sauvages infectés vers des zones indemnes mais propices au développement de la maladie (Pepin et al., 2010).

F. Prévention et Lutte