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ANTIGENE SOURCE EFFETS REFERENCE

3 Place du microbiote intestinal dans la prise en charge thérapeutique des MICI et ses perspectives

3.2 Thérapeutiques et microbiote intestinal .1 Les probiotiques

3.2.1.2 Mécanisme d’action des probiotiques

a) Devenir du probiotique dans l’organisme

Les probiotiques ne s’implantent pas dans l’organisme mais doivent rester viables et fonctionnels malgré les conditions parfois extrêmes du tube digestif.

En effet notre organisme met en place de nombreux moyens qui s’opposent à la colonisation du tractus digestif par des microorganismes étrangers dont les

probiotiques. La sécrétion d’acide gastrique est la première barrière de sélection dont ils doivent faire face. Il va donc être préféré des microorganismes acido-résistants dans le cadre de l’élaboration de probiotiques. Le déversement d’acides biliaires dans l’intestin ne facilite également pas leur survie en particulier celle des bifidobactéries et des lactobacilles. La présence de peptides antimicrobiens, d’IgA, de protéases au sein du mucus régule la diversité bactérienne dans l’intestin au détriment des microorganismes composant les probiotiques. Enfin, la pression de la flore autochtone limite la survie et empêche l’implantation des probiotiques dans l’intestin (Ducluzeau, 2002; Flourié and Nancey, 2007).

Les études de survie des probiotiques montrent des résultats très hétérogènes. D’une

part, les bactéries Lactobacillus bulgaricus, Streptococcus thermophilus qui composent le

yaourt résistent peu à l’acidité gastrique de l’estomac. On les retrouve en très faible

proportion dans le duodénum (1%). Lactobacillus bulgaricus est de plus, présent dans

l’iléon de seulement ¼ des sujets et à des concentrations relativement faibles de l’ordre

de 105-106 ufc/mL.

La souche Bifidobacterium animalis DN 173010 dans le lait fermenté Ofilus® a un taux de

survie bien supérieur aux bactéries précédentes : 37.5% de Bifidobacterium animalis est

retrouvé dans l’iléon. L’ingestion quotidienne 1011 ufc Bifidobacterium animalis sur une

durée de 8 jours lui permet d’atteindre des concentrations fécales importantes de

l’ordre de 108-109 ufc/g. Ces chiffres régressent lors de l’arrêt de la prise d’Ofilus®,

témoignant du caractère transitoire des probiotiques.

La souche Lactobacillus rhamnosus GG présente également des résultats de survie dans

le système digestif des patients très encourageants. En effet, 1011 ufc bactéries

consommées dans du lait fermenté quotidiennement sont retrouvées à des

concentrations de 106 ufc/g dans les selles des sujets. Elle est de l’ordre de 107 ufc/g de

selles lorsqu’elle est ingérée sous forme de lactosérum. Il a été également montré que cette souche pouvait persister 21 jours dans la muqueuse des consommateurs malgré l’arrêt de sa prise.

Enfin, la quantité de probiotiques retrouvée au sein du tractus digestif va

dépendre de la souche, de la dose de microorganismes ingérée, de l’hôte et de l’aliment vecteur employé. Il est idéalement admis que pour espérer un effet bénéfique

sur la santé les concentrations de probiotiques doivent être supérieures à 106 ufc/mL

b) Mécanisme d’action des probiotiques

Les probiotiques ont de nombreux mécanismes d’action (Figure 29).

Figure 29 : Récapitulatif du mécanisme d’action des probiotiques (Chermesh and Shamir, 2009)

Ils agissent sur la lumière intestinale en modifiant les conditions de la niche écologique, la rendant impropre à la colonisation par des microorganismes pathogènes. Le métabolisme des lactobacilles implique la production d’acide lactique, réduisant le pH luminal. L’acidité de la lumière bloque alors la croissance de bactéries Gram -(Chermesh and Shamir, 2009).

De plus, ils exercent une pression de sélection par la production de substances

bactéricides (peptides antimicrobiens, protéases). Par exemple, Saccharmyces boulardii

produit des protéases qui vont éliminer la Toxine A et son récepteur de Clostridium

difficile (Stephani et al., 2011).

Les probiotiques vont également stimuler l’immunité en induisant la sécrétion d’IgA et de peptides antimicrobiens et par là maintenir l’intégrité de la barrière épithéliale

intestinale. C’est le cas de Lactobacillus plantarum qui pallie l’adhésion de pathogènes à

l’épithélium intestinal en activant la sécrétion de mucines par les cellules caliciformes.

La souche Escherichia coli Nissle 1917 inhibe l’adhésion et l’invasion intestinale des

AIEC. En effet, des études in vitro ont montré que cette souche stimule la sécrétion des

β-défensines 2 par les cellules de l’épithélium intestinal. Lactobacillus rhamnosus agit,

quant à lui, en induisant la sécrétion d’IgA en réponse au rotavirus. De manière générale, la plupart des probiotiques vont protéger la barrière épithéliale intestinale en limitant

l’altération de sa perméabilité après une infection par un entéropathogène. (Heyman, 2006; Stephani et al., 2011).

Paradoxalement, les probiotiques délivrés aux patients atteints de MICI exercent des effets anti-inflammatoires à deux niveaux : (1) orientation de la réponse immune, (2) production de cytokines.

Par exemple, Bifidobacterium infantis réduit la production de cytokines

pro-inflammatoires (TNFα, IL-12 et IFNγ) en réprimant la translocation de NF-κB dans un

modèle de souris KO pour le gène de l’IL-10. De la même manière Saccharomyces

boulardii inhibe la sécrétion de cytokines pro-inflammation en agissant sur NF-κB. VSL#3 induit la production d’IL-10 par les cellules dendritiques isolées du sang

périphérique et de la muqueuse intestinale, et réprime la réponse Th1 in vitro (Sartor,

2004; Seksik, 2007; Stephani et al., 2011).

Certaines bactéries comme Lactobacillus rhamnosus GG inhibent la sécrétion de TNFα

par les macrophages induite en réaction au LPS. Cet effet est également favorisé par

d’autres souches probiotiques telles que Bifidobacterium breve et Streptococcus

thermophilus.

Enfin, ils exercent leurs fonctions immuno-modulatrices par le biais de leurs métabolites (AGCC) et leurs PAMPs. En effet, l’ADN bactérien des probiotiques semble avoir une réelle fonction anti-inflammatoire. Il a été montré que VSL#3 exerçait un effet tolérogène via l’interaction de son CpG avec TLR9. D’autre part, la présence de D-alanine dans l’acide lipotechoïque des Lactobacilles semble avoir un effet immuno-modulateur. Une faible teneur en D-alanine dans la paroi bactérienne réduit son interaction avec TLR2 et mène à la sécrétion de cytokines anti-inflammatoires (Heyman, 2006).

c) Efficacité des probiotiques dans l’histoire naturelle des MICI

L’efficacité des probiotiques varie en fonction de la souche utilisée et de la situation inflammatoires que l’on veut prendre en charge dans les MICI.

Les résultats d’efficacité clinique les plus convaincants ont concerné la prise de

probiotiques dans la prévention de pochites récidivantes. En effet, la prise de VSL#3

pendant 9 mois réduit significativement le risque de rechutes (15% de rechute) par rapport à la prise d’un placebo (100% de rechute). Il a donc été proposé dans le cadre de la prévention du risque de rechute chez des patients venant d’être opérés et s’est

également montré d’une grande efficacité (10% des patients sous VSL#3 ont eu une rechute contre 40% sous placebo)

En revanche, même si l’efficacité des probiotiques sur la RCH n’est pas aussi importante que sur la pochite, ces derniers ont leur part d’intérêt dans la prévention des récidives

de cette pathologie. Par exemple, la souche Escherichia coli Nissle 1917 s’est montrée

aussi efficace que des faibles doses de 5-ASA dans la prise en charge de la rechute de RCH. D’autre part, il a été montré que VSL#3 est également utile dans la prévention des poussées de RCH sur 1 an pour 75% des patients. Elle attenue la RCH en phase active

pour 87% des malades. Le même effet est observé lors de la prise de Saccharomyces

boulardii sur une période de 4 semaines avec une atténuation de l’activité de la maladie pour 71% des patients (Sartor, 2004; Seksik, 2007).

Par opposition aux précédentes indications, les effets des probiotiques sur la MC sont mitigés car certains n’ont pas été confirmés par des investigations supplémentaires et d’autres ont montré des résultats contradictoires. C’est le cas des études d’efficacité

concernant Lactobacillus rhamnosus GG et sa capacité de prévention des poussées de

MC. Néanmoins, des résultats préliminaires encourageants ont été observés lors de la

prise de Saccharomyces boulardii. En effet, en complément du 5-ASA, Saccharomyces

boulardii semble réduire le risque de rechute après une poussée de MC (37.5% de rechute dans le groupe ayant reçu la 5-ASA seule contre 6.25% de rechute dans le groupe traité par 5-ASA et Saccharomyces boulardii) (Seksik, 2007).

Les probiotiques sont donc des produits intéressants pour la prise en charge des MICI. D’une part, ils se sont montrés efficaces dans le traitement de la pochite et la RCH et

d’autre part, ils présentent pour avantage l’absence d’effets indésirables. En plus de

réduire l’inflammation, les probiotiques trouvent également leur intérêt dans la symptomatologie digestive car ils accélèrent le transit et réduisent la sensibilité viscérale. Ce sont donc des produits ayant une balance bénéfice risque très favorable.